Cette fonderie à Albi qui se porte bien mieux que ses consoeurs. Sa recette

Alors que plusieurs fonderies de France sont dans une période délicate, la Nouvelle Fonderie Gillet jouit d'une situation économique confortable. Installée à Albi (Tarn), la plus ancienne fonderie du pays mise sur des pièces complexes, en petites séries, sur plusieurs secteurs d'activité, pour faire tourner la boutique. Désormais, l'entreprise qui est devenue une Scop en 2014 prépare son déménagement pour prendre une autre dimension. Reportage.
Après des années de galère, la Nouvelle Fonderie Gillet ne cesse de se développer à Albi.
Après des années de galère, la Nouvelle Fonderie Gillet ne cesse de se développer à Albi. (Crédits : Rémi Benoit)

Ces derniers mois, l'actualité sociale a notamment été rythmée par les déboires de plusieurs fonderies en France. Parmi les plus emblématiques, nous y retrouverons la SAM de Viviez-Decazeville (Aveyron), M.B.F Aluminium dans le Jura, la Fonderie de Bretagne, ou encore les Fonderies du Poitou plus à l'ouest de l'Hexagone, pour ne citer que ces exemples. Pour chaque dossier, des centaines d'emplois sont en jeu, tous liés de près ou de loin à l'industrie automobile. Mais sur d'autres territoires, ce savoir-faire a encore de l'avenir.

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"Chez nous, cela fonctionne car nous nous adaptons. Tous les jours, nous changeons de production, et aujourd'hui nous avons plus de 11.000 références dans ces murs", lâche Nicolas Pomarède, le dirigeant qui refuse d'être en mono-production ou de consacrer la Nouvelle Fonderie Gillet à une minorité de produits.

Fonderie Gillet

Nicolas Pomarède, au centre de l'image, dirige la Scop la Nouvelle Fonderie Gillet (Crédits : Rémi Benoit).

Mais tout n'a pas toujours été rose pour la plus ancienne fonderie de France. Fondée à Albi (Tarn) en décembre 1687, la Fonderie Gillet a connu deux liquidations judiciaires au cours des 15 dernières années. Une tout d'abord en 2008, quand la famille qui porte le nom de la fonderie s'est désengagée du site industriel, puis une seconde en 2014 quand l'entreprise a été progressivement entraînée vers le bas par ses dirigeants de l'époque d'après les dires du patron d'aujourd'hui.

Fonderie Gillet

Sur les 34 salariés, 26 sont aujourd'hui sociétaires de la Scop (Crédits : Rémi Benoit).

"Nous étions trop par rapport à ce que nous produisions et en plus, nous produisions mal. Tout cela accompagné d'une mauvaise gestion fait que sur les années 2013 et 2014 nous avons un déficit annuel de 600.000 euros. Le chiffre d'affaires que nous faisions à 50, nous faisons le même aujourd'hui mais à 34. Nous sommes à 2,7 millions d'euros et nous espérons dépasser les trois millions en 2021", dévoile Nicolas Pomarède.

"Certains ne concevaient pas de devoir payer pour travailler..."

Pour en arriver à ce miracle (économique), il a fallu innover et emprunter des chemins encore méconnus. Au pied du mur en 2014 car sans solution viable sur la table, l'administrateur judiciaire du dossier Gillet propose alors aux salariés de reprendre l'entreprise en société coopérative et participative (Scop). L'échec est cuisant avec 47 salariés qui votent non pour seulement trois oui.

Fonderie Gillet

Au départ, les salariés étaient sceptiques à l'idée de passer en Scop (Crédits : Rémi Benoit).

Pour mémoire, ce statut d'entreprise assez novateur dans l'esprit des entrepreneurs à l'époque se distingue des sociétés "classiques" par le fait que le capital et la prise de décision sont majoritairement aux mains des salariés de la Scop en question. Persuadé que c'est LA solution pour la Fonderie Gillet, l'administrateur judiciaire envoie sur place Cyrille Rocher pour faire une présentation de ce mode de fonctionnement inconnu pour beaucoup. D'ailleurs, il deviendra en 2018 le nouveau représentant régional des Scop d'Occitanie en prenant la tête de l'Urscop.

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 La Nouvelle Fonderie Gillet peut produire 11.000 pièces différentes aujourd'hui (Crédits : Rémi Benoit).

"Après sa venue, nous étions à 30 oui en faveur de la Scop. Mais finalement, nous nous sommes retrouvés à 22 et nous sommes partis comme ça en novembre 2014, en mettant chacun notamment 5.000 euros de notre poche dans le capital via des crédits pour la majorité des salariés. Certains ne concevaient pas de devoir payer pour travailler...", raconte celui qui a été nommé par ses collègues président de cette entreprise désormais appelée la Nouvelle Fonderie Gillet.

Un déménagement pour une nouvelle dimension

Malgré cette période instable, au cours de laquelle ce site industriel installé à proximité du Tarn, entouré de pavillons, a frôlé la disparition pure et simple, "nous avons perdu très peu de clients", fait savoir le dirigeant. Parmi ceux qui font tourner la boutique désormais, la Nouvelle Fonderie Gillet peut se targuer d'avoir dans ses clients des entités comme la SNCF, l'armée, EDF, ou encore des collectivités comme la mairie de Paris qui lui a récemment demandé de faire les gicleurs de ses nouvelles fontaines.

"Le ferroviaire est notre premier marché, mais il y a aussi le secteur agricole, le militaire et le mobilier urbain, tout comme l'énergie, qui tournent très bien. Aujourd'hui, en l'état actuel des choses, on ne serait pas en capacité d'accueillir de nouveaux clients", complète Nicolas Pomarède.

Fonderie Gillet

Aujourd'hui, la Nouvelle Fonderie Gillet n'est pas en capacité d'accueillir de nouveaux clients (Crédits : Rémi Benoit).

Tout en faisant depuis toujours de la petite et moyenne série (jusqu'à 1.000 pièces), "il faut faire des pièces complexes pour exister en France en tant que fonderie. Toutes les fonderies liées au moteur thermique n'ont plus lieu d'être", estime-t-il. Principale force de la Nouvelle Fonderie Gillet, elle est capable de livrer une pièce clé en main en assurant sa conception, sa production et sa finition, ce qui n'est pas le cas de toutes les fonderies.

"Aujourd'hui, nous avons un vrai bureau d'étude, avec trois personnes, ce qui était loin d'être le cas avant. De plus, depuis notre passage en Scop, nous avons investi pas moins de 1,5 million d'euros dans l'outil de production. Prochainement, nous aimerions investir dans d'autres machines, comme des imprimantes 3D, mais nous devons faire les choses par étape", se projette le patron de la Scop industrielle.

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La fonderie occupe ses locaux actuels depuis plus de trois quarts de siècle (Crédits : Rémi Benoit).

L'un des prochains caps majeurs d'ailleurs sera la gestion du déménagement de la Nouvelle Fonderie Gillet. Installée dans ses locaux actuels depuis 1936, la famille Gillet a pris la décision de vendre le terrain à un promoteur immobilier, qui va en faire une résidence séniors. Pour les sociétaires de la Scop, l'idée est donc de trouver un accord financier avec le promoteur en question pour absorber le coup de ce déménagement. Surtout, cette opération représente un intérêt stratégique pour la fonderie tarnaise. "Avec des locaux plus grands et plus modernes, nous allons pouvoir créer des emplois en nous dotant d'une force commerciale afin d'aller chercher des nouveaux contrats", conclut Mathieu Pomarède. De quoi promettre un avenir radieux à la Scop Nouvelle Fonderie Gillet, contrairement à certaines de ses homologues.

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Commentaires 2
à écrit le 10/07/2021 à 16:52
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Depuis 1687, respect.

à écrit le 10/07/2021 à 10:41
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"quand la famille qui porte le nom de la fonderie s'est désengagée du site industriel" Du coup c'est leur faire beaucoup d'honneur que de garder leur nom ! Mais bon administrativement c'est souvent plus simple. Il me semble que c'est à Albi que j...

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