Vendée Globe : le spatial toulousain à la rescousse des skippers

Pour secourir le skippeur Kévin Escoffier, les organisateurs du Vendée Globe ont pu s'appuyer sur les données satellitaires opérées depuis Toulouse. Le rôle du spatial dans la course ne s'arrête pas là. Les satellites altimétriques et imageurs permettent aussi de désigner la zone d'exclusion antarctique pour éviter de croiser des icebergs. Explications.
Kévin Escoffier a pu être secouru après avoir déclenché sa balise de détresse.
Kévin Escoffier a pu être secouru après avoir déclenché sa balise de détresse. (Crédits : Reuters)

L'épisode restera dans les annales du Vendée Globe. Dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre, le skippeur breton Kévin Escoffier, réfugié sur son radeau de survie alors que son navire se brisait en deux, a pu être secouru par un autre compétiteur de la course, Jean Le Cam. Il aura fallu 12 heures pour réaliser l'opération de sauvetage. Un miracle qui n'aurait pas pu avoir lieu sans le suivi spatial assuré depuis Toulouse.

Une localisation satellitaire pour faciliter le sauvetage en mer

"Le navigateur a déclenché sa balise de détresse Cospas-Sarsat. En trois minutes, l'information est arrivée au centre de mission qui est hébergé à Toulouse et opéré par CLS. Ce centre, ensuite, est relié au service d'alerte de la course. Et donc, petit à petit, tout le monde s'est mis en ordre de marche pour communiquer la localisation à tous les skippers qui étaient dans la zone. C'est comme ça que l'on a pu assister à ce sauvetage par Jean Le Cam, qui reste quand même le héros de cette histoire", explique Sophie Coutin-Faye, responsable de la filière projets d'altimétrie au sein du Cnes, l'agence spatiale française.

Créé pendant la guerre froide, par la France, le Canada, les États-Unis et l'URSS, le programme Cospas-Sarsat développe et opère un système de localisation et de transmission par satellite d'alertes de détresse pour la recherche et le sauvetage. Il a déjà permis de sauver plus de 50.000 personnes depuis sa mise en place en 1982.

"Le signal de la balise, déclenché par Kévin Escoffier, a été capté dans un premier temps par trois satellites de la nouvelle constellation de Cospas-Sarsat qui est en orbite à 20.000 km d'altitude. Ces signaux ont été ensuite captés par de nombreuses antennes qui sont sur tout le globe et relayés vers ce qu'on appelle les centres de contrôle mission", complète Bruno Chazal, représentant de la France auprès de l'organisation internationale Cospas-Sarsat.

Ce centre de contrôle mission est basé dans la Ville rose où est implantée CLS, la filiale du Cnes chargée d'analyser les données spatiales issues de ces balises. Elles sont ensuite transmises au Cros (Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage) Gris-Nez qui pilote avec les organisateurs du Vendée Globe le sauvetage en mer. "La localisation, pour nous, c'est primordial. Si nous n'avons pas de localisation précise, c'est comme chercher une aiguille dans une meule de foin en prenant des risques énormes. La précision est forcément la clé de la réussite", relève Jacques Caraes, directeur de la course du Vendée Globe.

Mieux détecter les icebergs

Le rôle du spatial dans ce tour du monde à la voile en solitaire et sans escale ne s'arrête pas là. C'est grâce aux données satellitaires qu'est définie la zone d'exclusion antarctique. "C'est une ligne virtuelle qui est composée de 72 points espacés de cinq degrés qui fait tout le tour de l'Antarctique et qui est interdite à tous les participants du Vendée Globe", poursuit le directeur de la course. Depuis 2008, CLS a mis en place "une chaîne de détection des icebergs" pour le Vendée Globe.

"Ce processus se déroule en quatre étapes, détaille Sophie Besnard, directrice aux affaires internationales, en charge de la direction du projet Vendée Globe au sein de CLS. La première étape consiste à utiliser le satellite dit altimétrique, qui est au départ fait pour mesurer le niveau moyen des mers. Nous l'avons détourné de son usage premier pour détecter les icebergs"

Plus précisément complète Sophie Coutin-Faye, lors de cette édition du Vendée Globe, "quatre satellites altimétriques sont utilisés pour la détection des icebergs". "Le premier, c'est Saral, un satellite développé par le Cnes avec les Indiens. Ensuite nous faisons appel à Jason-3, développé avec la Nasa par le Cnes et ses partenaires opérationnels,. Et puis, les deux satellites Sentinel-3A et 3B de l'Agence spatiale européenne complètent et permettent d'avoir un bon maillage, notamment dans l'hémisphère sud pour les satellites", décrit la responsable du Cnes.

Après l'altimétrie, la deuxième étape consiste à s'appuyer sur les satellites radars imageurs.

"C'est la solution clé dans l'observation des icebergs. Parce que, contrairement à l'altimétrie, le satellite radar est programmé pour choisir les zones à observer et apporte une précision indispensable", relève Sophie Besnard.

Pour cette édition, l'Esa (agence spatiale européenne) a mis à disposition les satellites Sentinel-1 pour assurer la sécurité de la course. Ces derniers nous offrent une couverture quasiment exhaustive de l'océan austral avec une très bonne résolution, de l'ordre de 50 mètres. Par ailleurs, le satellite canadien Radarsat-2 nous apporte une grande réactivité parce que l'on peut le programmer relativement tardivement et en mode urgent. Nous nous en servons pour lever des doutes sur des détections d'icebergs."

La troisième étape vise à intégrer les données observées par satellite dans un modèle de dérive qui va permettre d'identifier les icebergs et de les tracer pendant plusieurs jours. La quatrième et dernière étape consiste à créer des cartes de risques à destination de la direction de course pour définir la zone d'exclusion antarctique.

"C'est rassurant d'avoir ces informations. CLS veille sur nous en nous imposant des zones de navigation pour éviter de rencontrer des icebergs. C'est mon premier Vendée Globe. Je n'ai jamais vu d'iceberg en vrai et je vous avouerais que je n'ai pas envie d'en croiser pendant la course", témoigne la navigatrice Alexia Barrier qui réalise son premier Vendée Globe.

Le risque est en réalité assez faible cette année où peu d'icebergs ont été détectés. Seul danger, un iceberg baptisé A-68A. Long de 130 km de large, il a quitté la péninsule antarctique en 2017 et devrait commencer à libérer des morceaux de glace plus petits, de l'ordre de la centaine de mètres, voire plus petits, qui pourraient parvenir à se frayer un chemin le long des côtes de l'Argentine. "Il va falloir être particulièrement vigilant sur la sortie du cap Horn cette année", conclut Sophie Besnard.

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Commentaire 1
à écrit le 10/12/2020 à 9:39
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Il est quand même dommage de ne pas exploiter la technologie de ces formules 1 des océans pour chercher à remplacer cette motorisation diesel ultra polluante à l'ingénierie et logique mécanique aberrante, de tout ces portes containers et autres tanke...

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