Mines de Salau : Apollo Minerals contre-attaque

Après deux revers judiciaires au mois d'octobre, Hugo Schumann, le directeur exécutif d'Apollo Minerals, la société qui veut rouvrir les mines de Salau (Ariège), était de passage à Toulouse cette semaine pour parler à la presse. Le dirigeant affirme vouloir "créer une mine responsable et stimuler l'emploi local grâce à un gisement très important de tungstène". Une position incompréhensible pour les écologistes et les élus locaux face à la "présence avérée d'amiante dans les mines" de cette vallée ariégeoise.
Hugo Schumann, le directeur exécutif d'Apollo Minerals, a lancé une offensive dans les médias pour rappeler l'importance économique du projet.
Hugo Schumann, le directeur exécutif d'Apollo Minerals, a lancé une offensive dans les médias pour rappeler l'importance économique du projet. (Crédits : Rémi Benoit)

"Je suis entré dans la mine avec deux experts. Je ne l'aurais jamais fait si j'avais pensé qu'il y avait des risques d'amiante !", assure à La Tribune mardi 23 octobre Hugo Schumann, le directeur exécutif d'Apollo Minerals. Cette société cotée en bourse en Australie a fait l'acquisition cet été de Variscan Mines, détenteur du permis exclusif de recherches minières accordée par l'État en 2016. Une autorisation qui doit permettre la réouverture des mines de Salau (Ariège).

Nichées au cœur de la vallée du Cousserans dans le département ariégeois, ces dernières ont été exploitées entre 1971 et 1986, extrayant durant cette période près de 1 000 tonnes par an d'un métal rare, le tungstène. Mais la demande mondiale s'est alors essoufflée et les mines ont fermé. Seul problème, l'exploitant a laissé sur place 700 000 m2 de déchets contenant de l'amiante, mais aussi des transformateurs bourrés de PCB (polychlorobiphényles) (voir photo, ndlr). Plusieurs dizaines de mineurs ayant travaillé dans la mine sont morts prématurément de cancers du poumons causés par l'amiante.

"Il est difficile de donner un chiffre précis car la plupart étaient venus travailler du Maghreb et sont repartis dans leur pays à la fermeture de la mine", explique Daniel Strub, président du Comité écologique ariégeois.

Cette association a déposé une série de recours contre la société qui souhaite rouvrir la mine et vient de remporter plusieurs victoires juridiques. Au courant du mois d'octobre, le tribunal administratif de Toulouse a suspendu un arrêté préfectoral autorisant Variscan Mines à survoler la zone par hélicoptère pour des recherches minières par relevé géophysique en raison de la présence de plusieurs espèces protégées et notamment un vautour (le gypaète barbu, ndlr). Quelques jours plus tôt, la juridiction avait suspendu un autre arrêté permettant à la société de réaliser des travaux de mise en sécurité du site à cause de la présence d'amiante.

24 millions d'euros de chiffre d'affaires potentiellement

Face à ces deux revers judiciaires, Hugo Schumann, le directeur exécutif d'Apollo Minerals, a profité d'un passage à Toulouse cette semaine pour parler à plusieurs médias, dont la Tribune, pour mettre en avant l'intérêt économique du projet.

"Le gisement de Salat est l'un des plus importants gisements de tungstène au monde. Sa concentration est cinq fois plus élevée que la moyenne mondiale (1,5 % contre 0,2% à l'échelle du globe). Ensuite, en terme de volume, l'ancienne mine a extrait 1 000 tonnes par an de ce métal. Mais nous pensons qu'il est possible d'élargir encore ce gisement. Le tungstène est un métal rare utilisé dans l'aéronautique, l'automobile et les panneaux solaires. Son cours mondial atteint aujourd'hui 28 000 dollars (24 500 euros) la tonne. Ce qui amènerait potentiellement à un chiffre d'affaires de plus de 24 millions d'euros par an pour la mine".

Actuellement, quatre personnes (trois gardiens et un responsable logistique) travaillent sur le site mais le chantier d'exploration pourrait créer des dizaines d'emplois supplémentaires, Apollo Group employant sur ce type de chantiers 50 personnes en Pologne et 70 salariés en Espagne. L'entreprise prévoit d'investir 25 millions d'euros pour cette phase préalable à l'extraction.

"C'est une bonne opportunité pour créer des emplois dans la vallée qui est confrontée à beaucoup de chômage. Par ailleurs, la mine est une opportunité pour la France de créer une ressource indépendante de tungstène alors que la Chine détient actuellement 80% du marché", ajoute Hugo Schumann.

Trop tôt pour confirmer la présence d'amiante sur le site ?

Mais quid de la présence d'amiante ? "Nous avons signé une convention tripartite avec la préfecture de l'Ariège et le ministre de l'Économie et des finances qui garantit la sécurité des travaux. La première phase de ce programme a été une étude de l'amiante dans l'air et de la chute de pierres. Cette enquête n'a pas montré de présence d'amiante dans l'air", affirme Hugo Schumann.

Une affirmation contestée par le maire de Couflens, Henri Richl, dont dépendent les mines, qui est farouchement opposé au projet :

"La mine est fermée depuis 30 ans, évidemment qu'il est impossible de détecter de l'amiante dans l'air. Dès qu'on va commencer à forer la roche, il y aura des poussières d'amiante".

Hugo Schumann rétorque : "Comment quelqu'un peut-il dire qu'il y a de l'amiante dans la mine sans faire un échantillonnage dans les roches ? C'est impossible. La présence d'amiante ne pourra être confirmée qu'après l'échantillonnage et une étude des fibres au microscope. Les données anciennes ne sont pas fiables, elles ne correspondent pas à la même technologie. La question est de savoir si nous pouvons réaliser des travaux exploratoires dans cet environnement sans risque pour les employés. Il existe beaucoup de mines à travers le monde contenant de l'amiante. Nous voulons réaliser un projet moderne avec une mine responsable".

La maire de Couflens craint des répercussions sur le tourisme

Au-delà "d'une catastrophe écologique" de son côté, le maire de Couflens s'inquiète des potentielles répercussions sur le tourisme de la réouverture de la mine.

"Nous avons entretenu sept circuits de randonnées, ouvert plusieurs gîtes communaux. Le tourisme avait commencé à se développer mais les gens ne viendront plus une fois que les rivières seront polluées par des rejets de produits chimiques de la mine et qu'ils sentiront les odeurs de l'usine de traitement. Nous sommes prêts à nous battre jusqu'au bout pour la vallée".

Par ailleurs, Apollo Minerals remarque que "tous les projets miniers dans le monde se heurtent à une certaine opposition". La société va fournir d'ici la fin du mois d'octobre des documents complémentaires à la préfecture et espère obtenir rapidement la publication d'un nouvel arrêté pour reprendre les travaux.

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Commentaire 1
à écrit le 12/11/2018 à 9:03
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Mine ou pas mine, c'est aussi un des plus grand terril toxique de France. Qui a été redécouvert récemment, 30 ans après sa fermeture et qui pollue toute la vallée de puis ce temps. Et ce n'est pas prés d’être enlevé. Que font les responsables locau...

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