Énergies renouvelables : "très peu de projets aboutissent en Occitanie" alerte le cluster Cémater

Stéphane Bozzarelli, président le cluster Cémater, est en colère. Alors que la Région Occitanie s'est fixé pour objectif d'accélérer le développement des énergies renouvelables, il estime qu'en raison des contraintes administratives, à peine 10% des projets voient le jour. Cémater, qui regroupe une cinquantaine d'entreprises d'énergies renouvelables ou d'éco-construction en Occitanie, lance une alerte. Interview.
Stéphane Bozzarelli, président le cluster d'entreprises d'énergies renouvelables Cémater

La Région Occitanie s'est fixé comme objectif de devenir un territoire à énergie positive d'ici 2050 en augmentant de 250% la production d'énergies renouvelables et en réduisant de 33% les consommations énergétiques. Cela vous semble-t-il réaliste ?

Pour la première fois, il existe une véritable volonté politique là où précédemment, les élus n'avaient aucune ambition sur le sujet. C'est très positif. Néanmoins, compte-tenu de l'ensemble des contraintes que l'on subit, le rythme actuel de développement des projets ne permettra pas d'avoir une région à énergie positive à l'horizon 2050. Sur une année, une centaine de mégawatts d'éolien ont été installés à l'échelle de la Région : c'est infime. Notre problème est qu'il existe un véritable décalage entre la volonté politique nationale, régionale et locale et les services de l'État qui restent enfermés dans leurs dogmes.

Concrètement, selon vous, quels sont les freins rencontrés aujourd'hui par les projets d'énergies renouvelables ?

Les services de l'État font du zèle. Je vais vous donner deux exemples. Dans l'Aude, nous avons développé un projet de centrale solaire au sol sur un site qui est actuellement une décharge. Il nous a fallu deux ans et demi pour avoir le permis de construire, alors que cela prend normalement maximum 1 an. Nous avons dû faire intervenir un élu pour obtenir le permis alors qu'il n'y avait aucun enjeu environnemental sur le site.

Autre illustration, la Dréal (direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) nous impose de faire des études d'impact (qui évaluent les enjeux en termes de faune et de flore) pour des projets photovoltaïques sur des parkings. Plus précisément, nous devons faire une demande à la Dréal pour savoir s'il faut faire cette étude mais comme elle ne répond pas dans le délai d'un mois réglementaire, nous sommes fonalement obligés de réaliser cette étude d'impact. Cela rajoute 6 mois de délai pour rien. On galère parfois depuis 8 ans sur certains projets solaires. Concernant l'éolien, c'est encore plus compliqué. Très peu de projets aboutissent. Si 10% des projets présentés voient finalement le jour, c'est bien le maximum.

Quel est le potentiel d'emplois de la filière d'énergies renouvelables en Occitanie ?

Nous avons fait un sondage l'été dernier auprès de nos adhérents qui nous a permis d'avoir une vision assez claire du nombre d'emplois et du chiffre d'affaires généré. La cinquantaine d'entreprises du réseau Cémater a généré un chiffre d'affaires de 688 millions d'euros en 2015. Ces entreprises représentent un bassin d'emplois de 2 184 personnes, un effectif en progression de 50% depuis 2010. Et la moitié des entreprises adhérentes prévoit d'embaucher cette année. Mais des milliers d'emplois ne sont pas créés aujourd'hui à cause des blocages administratifs. Les développeurs-producteurs d'énergies renouvelables embauchent peu dans la région car peu de projets ont été validés, certaines sociétés recrutent même dans d'autres régions. Avec ma société Quadran, j'ai par exemple des agences à Orléans ou à Châlons-en-Champagne où l'on embauche plus qu'ici. Qui dit peu de chantiers, dit peu d'investissements, de retombées de TVA et de fiscalité pour l'économie locale.

Quelles sont les préconisations de Cémater pour débloquer ces freins ?

Nous demandons aux élus de pousser les services de l'État à agir dans le bon sens. Nous espérons que la création de l'Agence régionale de l'énergie va permettre de fédérer les bonnes volontés à l'échelle de l'Occitanie et de peser un peu plus sur les services de l'État. En décembre dernier, nous avons présenté à l'occasion du dernier salon Energaïa un plan d'action sur trois ans. Une des idées est de créer un label assurant un niveau élevé de qualité, d'éthique et de performance sur les projets d'énergies renouvelables. Cette certification permettrait de porter positivement les projets sérieux et de faciliter les démarches administratives. Nous proposons depuis plusieurs années de créer un équivalent de la marque Sud de France au niveau de l'énergie. Nous avons également demandé des subventions pour financer un membre permanent pour le cluster, qui est actuellement uniquement porté par des bénévoles.

Plus globalement, pourquoi l'éolien s'est jusqu'ici moins développé en Région Occitanie qu'en Bretagne par exemple ?

Historiquement l'éolien a démarré en Bretagne et dans l'Aude, là où il y avait beaucoup de vent. Mais finalement, cette filière s'est plutôt développée là où il y avait moins de contraintes de paysage comme par exemple sur les plaines de Champagne ou dans les champs à betteraves du Nord de la France. En Occitanie, il existe des enjeux environnementaux liés notamment aux migrations d'oiseaux qui peuvent expliquer que c'est plus compliqué d'y développer de l'éolien, mais de là à atteindre le taux de refus actuel des projets, ce n'est pas normal.

Quelles sont les perspectives pour l'éolien offshore ?

L'éolien offshore flottant représente un gisement d'emplois importants en Occitanie. Actuellement, deux sites pour accueillir ce type d'équipement ont été retenus à Gruissan (projet de la société Quadran) et Leucate-Barcarès (Engie). Le projet-pilote porté par ma société à Gruissan devrait créer 300 emplois pendant deux ans pour la construction et 25 emplois de maintenance et d'exploitation pendant toute la durée de vie des machines. L'objectif à terme est de créer un parc flottant de 500 mégawatts, ce qui représente 1 000 à 2 000 emplois pour la construction pendant plusieurs années et 300 à 400 emplois pérennes pour la maintenance. La fabrication même des éoliennes sera confiée à des entreprises allemandes mais il n'est pas trop tard pour que les entreprises françaises prennent le virage industriel de l'éolien offshore flottant, notamment en se positionnant sur l'ingénierie des parcs.

Les projets citoyens, en plein essor actuellement à l'image de Citoy'ENR à Toulouse, peuvent-ils créer une dynamique pour le développement de la filière énergies renouvelables en Occitanie ?

Tout le monde affiche ces initiatives comme une révolution. Or, les projets citoyens vont rencontrer les mêmes problèmes que les projets classiques. Cela pourrait même être plus compliqué si le projet n'est pas porté pas un développeur sérieux qui a un minimum de connaissances sur le métier. Le risque est que ce type de projet se fasse retoquer encore plus vite par les services de l'État. De mon point de vue, ces derniers devraient être là pour accompagner les projets et non pour les flinguer.

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La ministre de l'Environnement Ségolène Royal a annoncé un plan national visant la réalisation de 1 000 km de routes solaires d'ici à 2020. Dans la Région, Labège a annoncé récemment l'installation d'un prototype de route solaire. Est-ce positif pour la filière ?

La route solaire, c'est du flan. À six euros le watt, cela revient à ce que coûtait le solaire il y a dix ans, là où l'on sait faire actuellement du solaire au sol à moins d'un euro le watt. Dans ces conditions, il est difficile d'imaginer un déploiement de route solaire à grande échelle. Ensuite, il n'existe aucune visibilité sur la durée de vie du matériel. Les camions vont rouler sur des panneaux solaires toute la journée, les voitures peuvent déposer des traces d'huile sur la route solaire... La profession est plus que dubitative pour développer ce type d'installation. Commençons par couvrir les toitures et les parkings, nous avons là un gisement d'emplois. Réutilisons les millions qui ont été investis pour les routes solaires afin de favoriser des projets viables. Il faudrait accompagner les petits projets photovoltaïques et aider les particuliers à produire de l'électricité sur leur toit.

Contactés par la rédaction, les services de la préfecture n'ont pas souhaité réagir à cette interview.

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Commentaire 1
à écrit le 11/04/2017 à 21:18
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Bel article Steph, tu as raison d'etre en colère. Bises Jm

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