Albert Cerro va mener la transformation digitale de Thales Alenia Space

Albert Cerro est le nouveau directeur de l'établissement toulousain de Thales Alenia Space. Nommé le 17 janvier en remplacement de Jean-Pierre Vialaneix, il revient sur l'année 2016 de l'entreprise et sur son nouveau rôle, qu'il mène en parallèle avec son activité de directeur des programmes radiofréquences et altimétrie. Entretien.
Albert Cerro, nouveau directeur de l'établissement toulousain de Thales Alenia Space

Albert Cerro a effectué l'ensemble de sa carrière au sein du groupe Thales depuis son entrée chez Thomson CSF en 1981 après avoir obtenu son diplôme de l'Enseeiht. "Garçon technique" comme il aime à se définir, il est depuis 2015 directeur des programmes radiofréquences et altimétrie chez Thales Alenia Space. Passionné d'électronique depuis ses 10 ans, il a choisi de travailler dans l'industrie pour vivre ses challenges techniques. Albert Cerro est aujourd'hui à la tête de l'établissement toulousain de Thales Alenia Space, qui comprend 3 000 personnes dont 2 500 salariés de l'entreprise et environ 500 sous-traitants in situ.

En 2015, Thales Alenia Space a enregistré 2,1 Md€ de chiffre d'affaires. 2016 a-t-elle été une aussi bonne année ?

Pour Thales Alenia Space, 2016 a été une très bonne année pour plusieurs raisons. Tout d'abord, l'activité s'est bien portée dans tous nos secteurs d'expertise - télécoms, observation, constellations - avec un équilibre qu'on n'avait pas connu depuis plusieurs années.

En termes de prises de commande, les 9 premiers mois sont en ligne avec ce qui était prévu. Cela démontre que nos clients continuent à nous faire confiance et que ce que nous avons mis en place donne ses fruits. Le contrat SES 17, signé en septembre 2016, pour fournir des connexions internet dans les avions, est une nouvelle marque de confiance pour notre nouvelle génération de satellites électriques Spacebus Neo, après les contrats avec Eutelsat et la DGA.

2016 a aussi vu un important nombre de tirs effectués avec succès. De par mon poste à la tête des programmes radiofréquences et altimétrie, je suis très fier des tirs Jason 3 et Sentinelle-3A car il y avait des altimètres à bord (un instrument de mesure permettant de déterminer la distance verticale entre un point et une surface de référence). Avoir réussi à livrer les satellites Iridium dans les temps est également un succès pour Thales Alenia Space.

Avez-vous recruté ?

Nous avons recruté 400 personnes en 2016, réparties sur les sites de Toulouse et Cannes, dont 40 % de femmes. Notre société devenant de plus en plus européenne (Italie, Espagne, Angleterre, Pologne, Suisse avec l'acquisition de la division optoélectronique de Ruag), nous sommes également à la recherche de talents à l'étranger.

Enfin, 2016 a été riche et intéressante car la société est en train de se transformer avec la digitalisation et la mise en place d'un Innovation Center, qui répondent à la volonté de Thales Alenia Space de s'adapter à un monde qui change de plus en plus vite. Nous avons un gros soutien du Cnes sur ces questions.

Cela est-il aussi un moyen de répondre aux acteurs du New Space ?

Tout à fait même si le New Space, on y est déjà, avec Globalstar, O3B, Iridium. On est déjà positionné sur le secteur des constellations et cela fonctionne. Nous avons récemment remporté la phase B de Leosat (phase d'avant-projet, NDLR), une constellation destinée à offrir des services internet haut débit à destination des entreprises pour baisser le temps de latence.

Comment analysez-vous la mission ExoMars, l'une des plus importante de l'année écoulée ?

Il est important d'aborder ExoMars, car on a beaucoup parlé d'échec ou de demi-échec. Pour nous, c'est un succès. ExoMars regroupait deux missions. La première était la mise en orbite de TGO (Trace Gaz Orbiter), qui a pour objectif de repérer des traces de gaz dont le méthane dans l'atmosphère de Mars, et donc voir s'il y a de la vie. Et le TGO fonctionne très bien. La deuxième mission était de démontrer qu'on savait atterrir sur Mars pour y envoyer un rover. Schiaparelli s'est écrasé sur le sol de Mars, ce qui a fait dire que c'était un échec. En revanche, toute la séquence s'est déroulée quasi-normalement, ce qui montre que notre approche est la bonne. L'Esa ne s'y est pas trompé et nous a d'ailleurs confié la mission ExoMars 2020, qui a pour objectif de poser ce rover sur Mars.

Quels sont aujourd'hui les attentes des clients télécoms de Thales Alenia Space ?

Les opérateurs souhaitent passer de plus en plus de MHz en orbite, donc ils recherchent des satellites plus puissants mais également flexibles, afin de pouvoir transférer la puissance sur différents spots. Les satellites à très très haut débit, les VHTS, commencent à devenir réalité avec la digitalisation en orbite.

Il y a également une volonté de réduire les coûts...

Oui, le programme "Ambition Boost" lancé par le groupe Thales il y a 3 ans nous a permis de revenir dans la course en termes de compétitivité. Cela passe par l'introduction du lean à tous les étages de la société. En production, elle existait déjà mais nous l'avons également introduit en amont, sur les parties études et systèmes, avec la mise en place de salles Obeya notamment... La robotisation et l'usine du futur sont également des enjeux majeurs pour Thales Alenia Space. À Toulouse, nous allons par exemple investir en 2017 sur l'automatisation de la production des cartes électroniques.

À ce sujet, l'innovation center est-il destiné à l'amélioration de la production ou à l'innovation produit ?

Aux deux. Thales Alenia Space a un Innovation Center à Toulouse, qui est la "maison mère" si je puis dire. Et nous avons également des "succursales" qui se montent dans les unités. L'objectif est d'y réunir les gens, les expérimentés comme les jeunes embauchés, afin de confronter les idées pour aller plus vite et faire émerger de nouveaux concepts.

Thales Alenia Space est-il par ailleurs engagé dans une démarche de collaboration avec des startups ou des PME locales afin d'innover ?

Bien sûr. Je fais partie de plusieurs groupes de travail à Toulouse (Aerospace Valley, Tompasse, Club Galaxie...) où l'on coopère beaucoup avec les PME et les startups. Les trois grands groupes que sont Thales Alenia Space, Airbus Defence & Space et le Cnes sont très impliqués dans cette démarche. Thales Alenia Space est une grosse société et ces entreprises peuvent nous amener leur agilité. La volonté d'innovation est présente à tous les étages de la société, que ce soit au niveau des idées, des process ou au niveau des produits, car tout va vraiment très vite dans le secteur spatial aujourd'hui.

Quels sont vos objectifs pour 2017 à la tête du site toulousain ?

Mon but est d'accompagner toutes les entités de notre société pour faciliter leurs évolutions, que ce soit côté industriel, côté développement, innovation ou qualité de vie au travail, mais aussi via mes relations avec le tissu local pour faciliter les relations. C'est aujourd'hui aussi mon rôle d'accompagner le processus de changement car la société bouge. Thales Alenia Space doit aussi faire partie de ce monde qui se transforme.

10 satellites de la constellation Iridium ont été mis sur orbite par SpaceX début janvier. Au-delà des constellations, quels sont les autres enjeux pour Thales Alenia Space en 2017 ?

Le Stratobus, en phase de développement, est également un des produits du futur pour Thales Alenia Space. Il y a une vraie demande car, même si moins "globales", ces plateformes stratosphériques sont beaucoup plus souples d'utilisation que des satellites.

Par ailleurs, nous devons poursuivre notre transformation, dont la plus importante concerne l'introduction de plus en plus poussée du digital dans nos conceptions et ce dans tous les secteurs (produits, système...).

Vous allez garder la fonction de directeur des programmes radiofréquences et altimétrie en plus de la direction de l'établissement toulousain. Comment allez-vous gérer cette double casquette ?

Lorsque j'ai pris mon poste de directeur des programmes RF et altimétrie en 2015, je pense avoir amené ma connaissance à la fois du matériel et de la société à mes équipes. Je peux les accompagner car je connais l'entreprise par cœur et, de par mon profil, je sais aller très loin dans le traitement des sujets techniques et programmatiques. J'espère garder du temps pour cela car je souhaite rester dans le concret et l'opérationnel même si la direction du site toulousain va sans doute me demander une implication importante. Il y aura à l'évidence un temps d'adaptation à prévoir des deux côtés.

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