Au premier abord, on n'associerait pas Yves Thuriès au monde de la presse. Chocolatier renommé, chef étoilé pendant plus de 25 ans, le Tarnais est davantage connu pour ses exploits dans le milieu culinaire. Aujourd'hui, après avoir cédé sa chocolaterie, c'est bien à la tête du Thuriès Magazine qu'il poursuit son activité, toujours avec la même réussite. Une entreprise créée un peu par hasard il y a près de 30 ans, à Cordes-sur-Ciel.

"Des recettes et des chefs"

Élu deux fois meilleur ouvrier de France en 1976 en pâtissier-traiteur et en confiseur-glacier - une performance inégalée depuis lors - Yves Thuriès acquiert une certain renommée dans le milieu de la cuisine. Fort de cette notoriété, il crée la société Editar un an plus tard et sort le premier volume de son encyclopédie "Le Livre de recettes d'un compagnon du tour de France" qui compte aujourd'hui 12 tomes. Un véritable outil pour les professionnels du secteur traduit en plusieurs langues et une aventure qui lui prendra 25 ans.

En 1988, alors que le dixième tome vient de sortir, Yves Thuriès pense arrêter. "Mais j'avais une dizaine de personnes dans mon équipe. J'ai alors eu l'idée d'un magazine mensuel", se souvient le chef. Bien avant l'engouement autour de la cuisine que l'on observe aujourd'hui, Thuriès Magazine est alors le premier à présenter des recettes illustrées et à parler des chefs. "La ligne éditoriale est simple : des recettes et des chefs", rappelle Guillaume Bosc, responsable commercial. Plus de 20 000 recettes ont ainsi été publiées au fil du temps, avec les premières recettes "pas à pas".

                          
Entretien avec Philippe Urraca, président des Meilleurs Ouvriers de France en Pâtisserie dans le dernier numéro (© photo Rémi Benoit)

"C'est avant tout un magazine pour les professionnels, par un professionnel. C'est une caution. Qui ne connaît pas Yves Thuriès dans le monde de la cuisine ? interroge le chef toulousain 2 étoiles Michel Sarran. C'est une revue qualitative qui rayonne en France mais aussi à l'étranger. Pour les Français qui travaillent dans les métiers de bouche à l'étranger, c'est aussi une attache avec leur culture. On trouve le magazine dans toutes les cuisines."

Aujourd'hui diffusé à près de 18 000 exemplaires, le magazine a enregistré un chiffre d'affaires de 1,6 million d'euros en 2015. La société de 12 salariés est même l'un des premiers employeurs de Cordes-sur-Ciel, haut lieu du Tarn, où est installé le magazine. Un point important pour Guillaume Bosc, qui souligne l'implantation régionale de la revue "conçue et imprimée en Midi-Pyrénées pendant 27 ans" avant d'opter pour un imprimeur parisien. Disponible dans plus de 80 pays, le magazine tient à rester 100 % français dans sa conception.

Le directeur de publication Yves Thuriès avec son équipe : (de gauche à droite) Jean-Luc Denonain (rédacteur culinaire), Annick Adami (secrétaire de direction), Martine Occhipinti (rédactrice en chef), Pascal Lattes (photographe), Luc Darlon (infographiste), Laurence Teixeira (secrétaire de rédaction) et Guillaume Bosc (responsable commercial). © photo Rémi Benoit

Un précurseur de Top chef

Une France également mise à l'honneur au travers de sa cuisine dans les pages du magazine.

"Dès le deuxième numéro, nous avons mis en valeur d'autres chefs. La rubrique 'L'album du chef' reste d'ailleurs l'une des rubriques phares du magazine. L'idée était de partager le savoir", note Yves Thuriès.

Depuis plusieurs années, les émissions culinaires Masterchef ou Top Chef rencontrent un large succès. Elles font découvrir des chefs et des recettes, à l'image de ce que fait le magazine, et mettent en lumière des personnages comme Olivier Streiff ou Pierre Augé. "Olivier Streiff est passé dans le magazine il y a 7 ou 8 ans, remarque Yves Thuriès. Et nos pages ont accueilli les recettes de Pierre Augé et de son père."

Le magazine souhaite valoriser cette expertise et profiter de l'engouement autour de la cuisine pour élargir le lectorat. "Aujourd'hui, nous en sommes au numéro 279. La cible, ce sont d'abord les professionnels, explique Guillaume Bosc. 20 % environ sont aussi des gastronomes avisés. Nous sommes présents en kiosque mais nous aimerions être plus connu du grand public."

Une nouvelle stratégie multimédia

Pour cela, le magazine a voulu moderniser son image. Il y a un an, la couverture a subi un léger lifting afin de dynamiser les ventes en kiosque. Sans toutefois renier l'esthétique liée notamment à la qualité des photos. Une campagne de communication a également été lancée, à travers laquelle des chefs français connus parlent du Thuriès Magazine. Michel Sarran a été le premier à se prêter "avec plaisir" à l'exercice. "C'est une très belle revue et je voulais dire bravo à Yves Thuriès", sourit-il.

"Nous avons également développé une stratégie multimédia", ajoute Guillaume Bosc, responsable commercial. Cette année, le site internet a ainsi été entièrement repensé. Un espace abonné a été créé pour offrir davantage de services.

"Le magazine est disponible en visionneuse et plus de 600 recettes sont déjà accessibles. Il y a également une galerie de photos issues des nombreux reportages dans les cuisines de France. Le site est responsive, donc accessible depuis un portable ou une tablette."

Et les idées ne manquent pas. "Pourquoi pas lancer une application pour être le Marmiton gastro", avance Guillaume Bosc. Histoire, pour Yves Thuriès, d'inspirer les amateurs de bonne chère après avoir influencé de nombreux chefs.