Wingly veut dominer le coavionnage européen

Cofondée par un étudiant toulousain, Wingly veut devenir la plateforme numéro 1 du coavionnage en Europe. Après un lancement prometteur à l'été 2015, son ambition a été freinée en France, pourtant le deuxième pays au monde en nombre de pilotes, mais cartonne en Allemagne.
Des co-avionneurs utilisant la plateforme Wingly

Comment fait un pilote privé quand il a envie de voler mais qu'il n'a pas de compte offshore au Panama ? Il fait appel à sa famille et ses amis pour partager les frais. Et après ? Après, il peut poster une annonce sur Wingly, le plus important des trois sites de co-avionnage existants en France.

Créé à l'été 2015 par l'ingénieur aéronautique (encore étudiant) Bertrand Joab-Cornu, le pilote d'avion Émeric de Waziers et le développeur web Lars Klein, le site met en relation pilote amateur et passagers d'un jour pour partager un vol de découverte à partir d'un aérodrome ou un trajet entre deux pistes.

"Pendant mes études à l'Isae-Supaéro à Toulouse, j'ai rencontré des pilotes amateurs qui avaient du mal à voler suffisamment pour garder leur licence, explique Bertrand Joab-Cornu, l'un des trois cofondateurs de Wingly. L'heure de vol coûte en moyenne 150 euros. Notre plateforme permet de partager les coûts à part égale entre le pilote et ses passagers."

En pratique, un pilote désireux de voler s'inscrit sur le site et propose une annonce. La plateforme vérifie la validité de la licence du pilote et s'il a volé 100 h minimum dont une heure le mois passé. Elle vérifie également que le prix ne dépasse pas le tarif moyen pour éviter les abus. Une fois en ligne, le vol est proposé aux internautes qui peuvent le réserver. Les futurs passagers paient la somme à Wingly qui la redéposera ensuite sur le compte du pilote à la fin du vol. En cas d'annulation, les passagers sont remboursés.

Un essor brisé net en France...

Si Wingly compte aujourd'hui 8 000 membres référencés dont 1 600 pilotes, son départ fulgurant a été coupé net en septembre dernier. D'après l'Union syndicale du personnel navigant technique (USPNT), le coavionnage proposé par les plateformes comme Wingly cache des pratiques illégales de transport public de personnes et pose des problèmes de sécurité.

Alertée par l'USPNT, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) annonce le 15 septembre que "cette activité n'est pas sans risque et n'offre pas les garanties de sécurité attendues pour le transport public de passagers". En décembre, elle conclut qu'un pilote de loisir ne doit pas proposer des vols à des gens qu'il ne connaît pas et qu'il ne peut partager les coûts qu'avec son entourage direct. De plus, la DGAC considère que "les sites permettant à des pilotes de proposer publiquement des vols devront disposer d'un Certificat de Transporteur Aérien (CTA) et faire appel à des pilotes professionnels".

Coup de bambou pour Wingly qui n'en revient pas. "Ils veulent que nous soyons une compagnie aérienne alors que nous sommes un intermédiaire. L'agrément aéronautique est trop lourd pour nous, déplore Bertrand Joab-Cornu. Nous avons pris un gros coup, mais quand la DGAC a des doutes, il ne faut pas prendre de risques sur la sécurité."

...mais encouragé en Europe

Hors de France, la tendance est différente. L'Allemagne, la Suisse et l'Angleterre ont donné des avis positifs sur le co-avionnage. "Ils veulent l'encourager car cela permet aux pilotes privés de gagner en expérience et donc en sécurité", assure Bertrand Joab-Cornu. De fait, le site affiche 30 annonces pour des vols en France, contre 230 début avril en Allemagne.

Du côté de l'EASA, l'agence européenne de sécurité aérienne, on confirme que le coavionnage est une pratique légale dans la mesure où les coûts sont partagés entre pilote et occupants dans la limite de six passagers maximum.

"Le règlement européen qui régit les opérations aériennes a été rédigé avant l'émergence des plateformes web de coavionnage et ne couvre pas spécifiquement le cas de ces plateformes, précise Dominique Fouda, directeur de la communication de l'EASA. Mais, dès l'instant où les critères ci-dessus sont remplis, il n'y a rien d'illégal. Le coavionnage pratiqué par un pilote privé ne s'apparente pas au transport public. N'étant pas considérée comme une activité commerciale, le pilote n'a donc pas besoin d'une licence professionnelle."

L'agence européenne insiste cependant sur la nécessité pour les opérateurs de plateformes de co-avionnage "d'informer correctement le public sur le contexte particulier dans lequel se déroulent les vols".

Par ailleurs, une réunion est organisée le 13 avril par l'EASA et ses États membres pour réfléchir aux nouveaux marchés de l'aviation. Invitée par l'EASA, Wingly y présentera le secteur du coavionnage.

Animer la communauté

Avec 40 000 pilotes privés en France (2e pays au monde après les États-Unis en nombre de pilotes) et 600 aérodromes, Wingly dispose d'un terrain de jeu important. La startup ne réalise aucun résultat car ses services sont pour l'instant gratuits, mais une commission d'environ 10 % sera mise en place prochainement.

Wingly se positionne également comme un animateur de la communauté des pilotes privés. "Il n'y a pas d'acteur numérique capable de délivrer des messages aux pilotes, constate le cofondateur. On pourrait imaginer envoyer des bulletins météo ou servir d'intermédiaire avec les institutions."

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