Spatial : quand les entreprises toulousaines iront marcher sur la Lune

Créer un ''taxi'' permettant d'alunir pour déposer du matériel puis des hommes sur la Lune, mettre au point les robots qui construiront une base, forer le sol, fabriquer du béton lunaire... Les entreprises aérospatiales de Toulouse sont très bien placées pour participer au projet de village lunaire défendu par l'Agence spatiale européenne (Esa).
Vue d'artiste d'un village lunaire

Dans moins de 15 ans, les grandes puissances spatiales devraient revenir sur la Lune. La France, avec l'Agence spatiale européenne (Esa), sera sur la rampe de lancement. L'industrie aérospatiale toulousaine, dont les compétences et la capacité d'innovation en la matière sont reconnues, ne devrait pas manquer ce rendez-vous.

À l'automne dernier, Johann-Dietrich Woerner, le nouveau patron de l'Esa, frappait les esprits, en affirmant devant la communauté spatiale son souhait de voir la création d'un village lunaire ("moon village"), en vue notamment de fournir un grand projet international après la Station spatiale internationale (ISS) dont la fin de vie est programmée pour 2024.

"L'Esa aimerait jouer un rôle central pour faire travailler ensemble les différents pays partenaires, elle établirait la feuille de route de l'établissement du village lunaire", explique Bernard Foing, responsable scientifique de SMART-1, sonde européenne d'exploration de la Lune (2003-2006) et directeur du groupe international d'exploration lunaire ILEWG.

On en saura un peu plus sur ce projet en fin d'année, au Congrès ministériel de l'Esa qui l'examinera.

Comment Toulouse pourrait participer à l'aventure lunaire ?

La création d'une base lunaire profiterait clairement à l'industrie aérospatiale de Toulouse. À commencer par la conception des futurs lanceurs Ariane 6 (prévus pour 2020) "qui constitueront une solution idéale pour une mise en orbite autour de la terre avant un voyage vers la Lune", avance Bernard Foing.

La métropole se distingue aussi en matière de système de pilotage et de guidage des lanceurs où elle profite de synergies fortes avec l'industrie aéronautique. Il faudra également réfléchir à la conception d'un alunisseur, faisant le "taxi" de la Lune à une station en orbite et pouvant transporter du matériel pour que le village lunaire puisse être édifié par des robots.

"Il s'agit de développements prospectifs, y compris pour les États-Unis, mais une partie pourrait être réalisée à Toulouse selon un cahier des charges défini par l'Esa. Il y a beaucoup de compétences sur place : on peut penser au laboratoire Laas, spécialisé en recherche robotique et intelligence des systèmes, à l'Enera, travaillant notamment sur la prospective pluridisciplinaire spatiale, ou aux industriels spécialisés sur les matériaux de construction'', estime Romain Desplats, responsable propriété intellectuelle du Cnes, le Centre national d'études spatiales.

Les scientifiques réfléchissent à la manière d'établir des modules habitables résistants au rayonnement cosmique, à fabriquer sur place du béton à base de poussière, la régolite. "Des petites entreprises spécialisées dans la technologie d'impression 3D pourraient ainsi très bien prendre leur place à bord du voyage lunaire pour la construction des modules. C'est déjà le cas pour la société américaine d'imprimante 3D sans gravité, MadeInSpace, embarquée sur l'ISS", relève Bernard Foing.

Le village lunaire ouvre un vaste champ de recherche et de défis à relever.

"Les appels d'offres s'adresseront à tous, dans un système très ouvert. Les petites entreprises auront leur place tout autant qu'Airbus et Thales. Le pôle de compétitivité Aerospace Valley à Toulouse accueille ainsi un incubateur de startups particulièrement propice à ce besoin d'innovations'', explique le scientifique de l'Esa.

Ce modèle de coopération est promu par les Américains "qui ont une grande aisance à faire travailler ensemble des acteurs de toutes tailles ou des sociétés privées comme Blue Origin (Amazon, NDLR) ou SpaceX (société d'Elon Musk, dirigeant de Tesla Motors et de SolarCity, NDLR) qui collaborent avec la Nasa sur des lanceurs réutilisables pour le tourisme spatial", ajoute Romain Desplats.

Course à la Lune

Loin d'être une folie, la marche vers la Lune est déjà entamée par les Européens qui avancent sur des projets concrets, dans un horizon très proche.

"D'une part, l'Esa fournira à la Nasa et à son nouveau vaisseau Orion (prévu pour des vols habités vers la Lune à l'horizon 2020, puis vers Mars) son vaisseau cargo ATV qui lui servira de propulseur de l'orbite terrestre vers la Lune et transportera les consommables (carburant, vivres...). Cela coûtera 450 millions d'euros à l'Esa. D'autre part, l'agence européenne va participer, avec les Russes, aux missions Luna qui prévoient un premier alunissage technique pour 2020 pour étudier les glaces des pôles. L'Esa contribuera à la technologie des lanceurs russes, au choix des zones d'alunissage, au guidage et à la communication ou encore au forage des sites. Cela représentera quelques dizaines de millions d'euros", précise Bernard Foing de l'Esa.

Toutes les grandes nations regardent en direction de la Lune. La Chine programme l'envoi d'une sonde lunaire pour 2017 et un vol habité pour 2025. Quant aux Américains, même si leur objectif est désormais plus Mars que la Lune, celle-ci semble s'imposer comme tremplin avant un voyage vers la planète rouge, notamment pour faire le plein de carburant. Un décollage lunaire nécessite 20 fois moins d'énergie que sur Terre. Reste une grande difficulté comme préalable : l'alunissage. Sans résistance dans l'atmosphère, les fusées doivent, a contrario, compenser leur vitesse d'approche de 2 km / s.

Aux côtés de SpaceX et Blue Origin, Google est aussi dans la colonisation de la Lune. Il a lancé en 2007 son prix (Google Lunar Xprize) de 30 millions de dollars pour récompenser la première équipe scientifique soutenue par des fonds privés qui posera un robot sur la Lune. Qu'elles soient privées ou publiques avec des nouvelles puissances spatiales (Chine, Inde, Japon), l'Esa envisage de multiples coopérations pour rapprocher la Terre de la Lune.

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