Vins : comment faire face au changement climatique ?

De nombreux défis attendent les professionnels du vin. Parmi eux, le changement climatique et ses conséquences sur les méthodes de vinification notamment. Chercheurs et viticulteurs se sont déjà penchés sur ces problématiques qui représentent un enjeu en termes de production et de qualité du vin. Tour d'horizon des pistes explorées pour anticiper ces bouleversements.

Adaptation des techniques de cultures, travail sur le matériel végétal ou encore recherche de cépages adaptés à des températures plus chaudes... Les professionnels du vin tentent depuis plusieurs années de trouver des solutions au changement climatique. À l'Institut français de la vigne et du vin (IFV) Sud-Ouest, les 14 ingénieurs et techniciens travaillent déjà sur ces questions.

"Si nous partons sur l'hypothèse d'une augmentation globale des températures, cela entraînerait une hausse du degré d'alcool et une baisse de l'acidité des vins, résume Eric Serrano, directeur de l'IFV Sud-Ouest. Des trop fortes chaleurs peuvent également altérer les précurseurs aromatiques et modifier le goût du vin."

"Pour l'instant, le Sud-Ouest, qui bénéficie d'un climat océanique tempéré est moins impacté par le changement climatique que les vignobles méditerranéens par exemple, mais c'est une problématique que nous prenons en compte", assure Olivier Geffroy, ingénieur agronome et œnologue à l'IFV Sud-Ouest.

L'Inra en pointe sur la question

Lancé en 2012, un programme de l'Inra baptisé Lacave visait à étudier l'impact du changement climatique à long terme et les stratégies d'adaptation au niveau national. L'idée était de réunir climatologues, économistes, sociologues et agronomes "autour des solutions techniques mais aussi organisationnelles et humaines", selon Nathalie Ollat, co-animatrice du programme à Bordeaux. "De grandes tendances d'adaptation se dessinent mais elles vont se décliner localement, à l'échelle d'un vignoble, voire d'une appellation. Il peut s'agir par exemple de valoriser des terroirs plus frais", poursuit-elle.

Un constat partagé par l'IFV Sud-Ouest :

"Quand on parle d'évolution climatique, il faut aussi penser en termes de variabilité. Les conditions environnementales sont de plus en plus changeantes. Le véritable défi sera l'adaptabilité des vignerons et on dispose de plusieurs leviers pour faire face à ces contraintes", explique Olivier Geffroy.

Dans le cadre de l'appel à projet européen Sudoe, l'IFV Sud-Ouest a ainsi fait une proposition de travail sur différentes techniques de désalcoolisation à toutes les étapes du processus de fabrication du vin. Depuis le contrôle du nombre de feuilles sur les ceps, à l'utilisation de levures produisant moins d'éthanol lors de la vinification, jusqu'à la mise en place de procédés membranaires pour réduire le taux d'alcool dans le vin. "Si nous remportons cet appel à projets, les recherches devraient prendre deux ans et demi environ et débuter lors des vendanges 2016", indique Olivier Geffroy.

En parallèle, l'IFV Sud-Ouest travaille, avec une société toulousaine, sur un procédé permettant d'agir directement sur les levures en cours de fermentation. Un projet qui reste confidentiel mais la problématique du taux d'alcool dans le vin concerne particulièrement les vins du Sud-Ouest, en raison des cépages utilisés. "Le tannat, le malbec ou le gros-manseng sont très chargés en tanins. Pour diminuer cette influence, il faut les récolter plus tardivement, ce qui charge le raisin en sucre et augmente donc le taux d'alcool", explique Olivier Geffroy.

Un travail sur les cépages

Pour s'adapter à la hausse probable des températures, les chercheurs agissent également au niveau du matériel végétal. En effet, depuis le 19e siècle et la crise du phylloxera qui a touchée l'Europe, la vigne est greffée sur des espèces américaines naturellement résistantes à cet insecte. L'idée de l'Inra, développée dans le cadre du programme Lacave, est d'augmenter la résistance des vignes à la sécheresse en croisant différents porte-greffes.

Par ailleurs, les professionnels du vin s'intéressent à la phénologie de la vigne. Ils cherchent ainsi à déterminer quels sont les cépages qui pourraient s'adapter le mieux aux conditions climatiques futures. "À Bordeaux, nous étudions 52 cépages du monde entier et leur potentialité à être cultivés à Bordeaux et ailleurs", indique par exemple Nathalie Olat, co-animatrice du programme Lacave.

Dans le Gers, l'Interprofession des Vins du Sud-Ouest (IVSO) adoptent la même démarche. Une dizaine de cépages - espagnols, portugais, géorgiens, allemands, suisses - est actuellement testée en partenariat avec le Syndicat des côtes de Gascogne, où le stress hydrique est la principale contrainte. "Il s'agit d'un protocole expérimental d'une dizaine de pieds pour chaque cépage, précise Alain Desprat, président du syndicat. Des vignes d'une dizaine d'années ont été surgreffées. Les cépages ont été choisis pour leur caractère aromatique proche des vins de Gascogne, avec des notes d'agrumes et de fruits exotiques." Le verdejo et l'albariño sont ceux qui donnent pour l'instant les meilleurs résultats.

Réintroduction de cépages anciens

Mais la plus grande force du vignoble Sud-Ouest pourrait résider dans la richesse et la variété de ses cépages. "Les vins du Sud-Ouest rassemblent un tiers des cépages français", assure Paul Fabre, directeur de l'IVSO, et beaucoup ne sont pas cultivés. "L'exploitation des cépages anciens est une des voies étudiées, précise Olivier Geffroy, de l'IFV Sud-Ouest. Au-delà de l'adaptation climatique, cela peut-être un argument marketing en permettant aux vignerons de se différencier. On peut ainsi prendre l'exemple du prunelard, qui est le père du malbec, et qui retrouve sa place dans le vignoble de Gaillac."

Irrigation, travail sur la maîtrise aromatique des vins ou encore utilisation de méthodes plus traditionnelles comme les couverts végétaux sont autant d'autres pistes explorées pour anticiper les changements futurs. Preuve de cette prise de conscience, le colloque ClimWine2016 sera organisé du 10 au 13 avril prochains à Bordeaux autour de ces questions.

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