Aéronautique, Patrick de Castelbajac (ATR) réorganise l'entreprise et annonce la création de trois nouvelles directions

Invité ce mercredi 13 mai à Toulouse de la Matinale La Tribune-Objectif News, Patrick de Castelbajac, le président exécutif d'ATR, a fait partager sa stratégie et sa vision de l'entreprise, leader mondial des avions à hélices. Son souhait ? Réorganiser le groupe et créer de nouvelles directions opérationnelles afin d'accompagner la forte croissance de l'activité. La filiale franco-italienne entre Airbus Group et Alenia-Finmeccanica, qui détient 80 % des parts de marché des avions turbopropulseurs, dispose d'une visibilité de 4 ans de production grâce à un solide carnet de commandes.
Patrick de Castelbajac a répondu aux questions de Paul Lauriac (TBS) et Emmanuelle Durand-Rodriguez au Casino Théâtre Barrière à Toulouse

Un an après sa nomination à la tête d'ATR pour remplacer Filippo Bagnatto, Patrick de Castelbajac se dit serein. Il faut dire que les chiffres de l'entreprise, numéro un mondial sur le marché des avions à hélices, sont flamboyants. Avec un carnet de commandes fermes de 280 avions à fin 2014, mais une visibilité de 4 années de production compte tenu d'un grand nombre de réservations en cours, une croissance de 10 à 15 % par an et un chiffre d'affaires qui devrait passer la barre de 2 milliards de dollars cette année, l'horizon semble dégagé.

Derrière ces performances cependant, le challenge est énorme pour le dirigeant d'à peine 43 ans. Alors que l'entreprise avait été sauvée in extremis par son prédécesseur il y a quelques années, à lui aujourd'hui de construire une nouvelle stratégie pour accompagner sa croissance devenue fulgurante et la faire entrer dans une nouvelle ère. Pour cela, pas question de se complaire dans la place de leader.

"Avec ou sans moi, ATR entrera dans une nouvelle ère, car l'environnement n'est pas le même qu'il y a six ans. Nous devons aujourd'hui être plus rigoureux et avoir une organisation transversale pour progresser sur la qualité et le management de nos projets."

Derrière ces mots feutrés, il faut comprendre faire progresser les équipes en matière de qualité et de services aux clients par une nouvelle organisation interne et tenir des cadences de production intenses (+ 600 % depuis dix ans).

Formé à l'école de la négociation

S'il a le sens de la formule, c'est que, sous ses habits d'ex-juriste, Patrick de Castelbajac, qui a étudié le droit des affaires en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis, est avant tout un négociateur chevronné. Passé notamment par la direction commerciale d'Airbus, il a occupé dès 2010 le poste de directeur de la négociation et des contrats aux côtés de John Leahy, l'emblématique directeur commercial d'Airbus, qui a vendu plus de 10 000 avions en 30 ans de carrière chez le constructeur. Une mission que Fabrice Brégier lui propose à l'époque "malgré le fait qu'il soit juriste" reconnaît-il dans un clin d'œil, et grâce à laquelle il obtient assez vite la signature illimitée pour le groupe. "Cela a été pour moi un saut dans l'inconnu", raconte celui qui faisait du conseil jusqu'alors. "Comme tout le monde j'ai retroussé mes manches, je me suis remis aux tableaux Excel et j'ai réappris à compter." Un trait d'humour pour décrire une fonction on ne peut plus stratégique au sein d'Airbus concernant par exemple, à l'époque, la commercialisation de l'A320Neo ou la gestion des problématiques de l'A380 à Dubaï.

Autant de compétences mises aujourd'hui au service d'ATR qu'il qualifie de "mini Airbus".

L'entreprise de 1 200 personnes, fait aussi travailler 1 200 sous-traitants en Midi-Pyrénées et 1 600 hors Midi-Pyrénées et figure "parmi les très bons élèves du groupe Airbus" en matière de rentabilité. Avec 83 avions livrés l'année dernière, les perspectives 2015 sont d'un peu plus de 90 livraisons et une centaine de recrutements pour faire face à l'explosion des commandes.

Réorganisation interne pour rester compétitif

Quelques mois après sa nomination, Patrick de Castelbajac a annoncé en interne ses trois objectifs principaux : sécuriser l'augmentation de cadences, mettre le client au centre des actions de l'entreprise et travailler sur les améliorations incrémentales des appareils.

Dans cette perspective, il a créé trois nouvelles directions : qualité, sécurité et achats. Sur ce dernier point, il a d'ailleurs profité de cette interview en public pour faire des annonces :

"Afin de rester compétitifs, nous lancerons un plan d'économies car, malgré une montée en cadence forte, les prix ont augmenté, ce qui n'est pas logique. Nous allons réunir les fournisseurs."

Au cœur de ses priorités enfin, le développement incrémental de l'avion.

"Mon prédécesseur Filippo Bagnato était un fervent défenseur du lancement d'un appareil de 90 places, un projet que, dans aucun cas, nous ne pourrions développer sans Airbus, qui n'y est pas favorable. L'idée, si elle n'est pas abandonnée, ne fait pas partie de priorités actuelles."

Frustré face à la Chine

Avec une activité presque totalement tournée vers l'international (98 % du chiffre d'affaires de l'entreprise est réalisé hors France métropolitaine), "nous vivons une importante frustration par rapport à la Chine où aucun ATR ne vole actuellement". Le fabricant est néanmoins très présent dans plusieurs pays d'Asie comme la Malaisie, l'Indonésie, ou la Thaïlande.

L'Asie, qu'il qualifie de "centre du monde", reste la première des priorités de Patrick de Castelbajac. L'avionneur est aussi présent en Amérique du Sud, son deuxième pôle fort, malgré la crise qui impacte le Brésil. Quant à l'Europe, c'est "un marché plus mature", avec notamment la livraison récente d'un premier avion à HOP ! Air France.

Dans quelques semaines, Patrick de Castelbajac profitera du Salon du Bourget (du 15 au 21 juin) pour présenter ses appareils sur le static parisien et vanter les qualités du "seul avion qui peut voler 2 000 heures par an pendant dix ans et vaut encore la moitié de son prix". Mais il a prévenu, "cette année ne donnera pas lieu, comme en 2013 ou en 2014 à Farnborough à de nouveaux records de ventes, car nous avons délibérément prévu de rester raisonnables pour consolider notre activité. Nous faisons le choix de vendre prioritairement nos appareils à des compagnies aériennes et non pas à des sociétés de leasing."

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Commentaire 1
à écrit le 14/05/2015 à 9:42
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Pas de direction Achats.. Faut le faire. Enfin, vaut mieux éviter. Qu'il place un commercial ou un comptable, et ce sera le début des ennuis...

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