À Toulouse, le tiers-lieu de La Cartoucherie devra réussir son pari économique

Le tiers-lieu Les Halles de La Cartoucherie va enfin ouvrir ses portes à Toulouse en septembre 2023. Nouveau lieu de ce genre au sein de la Ville rose, cet espace est avant tout un pari économique à une quarantaine de millions d'euros. L'équilibre financier du projet repose majoritairement sur la halle gourmande, pour laquelle il est espéré 15 millions d'euros de chiffre d'affaires chaque année.
Le tiers-lieu de La Cartoucherie doit accueillir ses premiers visiteurs à Toulouse au début du mois de septembre 2023.
Le tiers-lieu de La Cartoucherie doit accueillir ses premiers visiteurs à Toulouse au début du mois de septembre 2023. (Crédits : Rémi Benoit)

Après la fin des activités industrielles sur place en 2005, les deux dernières halles de La Cartoucherie, situées en plein coeur de Toulouse, vont enfin connaître leur seconde vie. Attendue depuis des années, l'ouverture d'un tiers-lieu en son sein est prévue pour le 8 septembre prochain. Soit sept ans après l'AMI lancé par la mairie de Toulouse pour réhabiliter cette friche industrielle et l'exploiter. « Sept ans, c'est long, je vous assure... », témoigne Gilles Jumaire, qui a intégré ce projet comme gérant de l'agence Bleu Citron et désormais totalement consacré au projet de tiers-lieu à La Cartoucherie.

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Au-delà de la crise sanitaire, qui a bouleversé tous les projets d'une telle envergure - bien « qu'il ne s'agit pas que d'un projet immobilier » - souligne Gilles Jumaire, des questions financières sont venues compliquer l'équation. Et pour cause les chiffres évoqués sont importants. Sur un budget total de 32 millions d'euros, pas moins de 3,5 ont été dédiés à l'achat des 13.500 m2 de surface, 17,6 ont été fléchés pour la réhabilitation et le delta a été sanctuarisé en investissements pour lancer l'exploitation.

Pour accoucher d'une telle copie, l'arrivée récente au capital de la Caisse des Dépôts et Consignations a été décisive dans ce projet financé aux deux tiers par de la dette bancaire auprès d'un pool composé de quatre établissements. Mais ce montage financier n'a été rendu possible uniquement grâce à l'arrivée dans le projet de la société foncière Bellevilles, un profil immobilier qui manquait dans le consortium des porteurs du projet de tiers-lieu et qui a rassuré les investisseurs.

Désormais, la Caisse des Dépôts et Consignations détient 40% de la société propriétaire des halles de La Cartoucherie et le collectif des porteurs du projet qui réunit de nombreux organismes dont la foncière Bellevilles. « Son arrivée a été décisive particulièrement pour structurer la démarche », reconnaît un porteur de projet, après des problèmes d'égos au sein du collectif. En interne, on ne cache pas que cela a pu parfois poser quelques soucis jusqu'à en mettre à l'écart Sylvain Barfety, lui qui incarnait le projet depuis ses débuts. « Aujourd'hui, nous portons un projet plus ouvert et plus ambitieux », souligne Thierry Monassier, l'un des fondateurs associés des Halles de La Cartoucherie.

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Une trentaine de styles culinaires

Maintenant que le pack est officiellement soudé et unifié vers son objectif d'ouverture en septembre prochain, il ne lui reste plus qu'à transformer l'essai économique.  Un challenge qui s'avère ambitieux.

« Au bout de trois ans d'exploitation, nous nous attendons à un chiffre d'affaires annuel consolidé de 25 millions d'euros, dont 15 millions rien que la food court », annonce un membre de la foncière Bellevilles.

La future halle gourmande, présentée comme le plus grand restaurant d'Occitanie, est le coeur du réacteur du tiers-lieu de La Cartoucherie à Toulouse. Une trentaine de stands de quelques mètres carrés équipés vont recevoir divers traiteurs, restaurateurs et artisans pour proposer autant d'univers culinaires. Le promoteur Redman, qui doit livrer le tiers-lieu mi-juillet, doit procéder à une livraison anticipée de l'espace restauration qui sera capable d'accueillir jusqu'à 2.700 personnes en simultanée afin de permettre aux prestataires de s'installer. Ils étaient 450 sur la ligne de départ pour prendre possession d'une cuisine et ainsi bénéficier d'un bail dérogatoire d'une durée de deux ans.

Cartoucherie

Cette allée centrale accueillir les futurs restaurants et les clients pour s'installer au centre de l'allée pour déguster leur commande (Crédits : Rémi Benoit).

« Leur loyer représentera environ 18 points de leur chiffre d'affaires mensuel, avec des services associés, et il est prévu que nous touchions une commission sur leur chiffre d'affaires. Néanmoins, les restaurateurs pourront bénéficier de bonus qui réduiront leur frais en cas d'une gestion vertueuse des déchets par exemple », précise Jérémie Loevenbruck du collectif Cosmopolis, qui va gérer les lieux.

Seule promesse pour ces restaurateurs ? Les porteurs du projet à La Cartoucherie attendent un million de visiteurs par an, en s'inspirant des exemples de Lisbonne et Bordeaux notamment. Ils ont aussi testé leur concept à travers un mini tiers-lieu dénommé « Le 500 », qui réunit une épicerie sociale et solidaire, un bar, quatre restaurants et des espaces culturels. En 2022, ce site a réalisé un million d'euros de chiffre d'affaires.

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Du corpoworking au menu ?

Mais le projet de tiers-lieu des Halles de La Cartoucherie ne se résume pas à son côté gustatif. Pas moins de 1.300 mètres carrés vont aussi être dédiés à l'accueil de télé-travailleurs d'entreprises de plus de 10 salariés au sein d'espaces de corpoworking. « Des entreprises de conseil et de l'industrie aéronautique ont déjà signé des contrats », fait savoir Pierrick Bardet, directeur du développement au sein des Halles de La Cartoucherie. Au total, 166 postes de travail seront à disposition, ainsi que cinq salles de réunion. Les acteurs économiques auront aussi la possibilité de louer des espaces pour des prestations événementielles notamment, étant prévu sur le site une salle de spectacle dès février 2024 d'une capacité de 500 places. Des infrastructures sportives et une conciergerie viendront aussi animer les lieux.

En tout, 260 emplois vont être générés directement par le futur tiers-lieu de Toulouse et il est attendu au moins 350 emplois indirects. Le 5 juin prochain, les futurs exploitants ont même prévu sur place un job dating pour des métiers dans l'accueil, la conciergerie et la restauration afin d'être prêt le jour J. Une cinquantaine de postes seront à pourvoir lors de cette journée dédiée à l'emploi. Aucune expérience particulière n'est attendue, les exploitants attendent surtout des intéressés motivés et désireux d'apprendre un nouveau métier. L'idée est de faire converger un maximum d'énergies autour de ce tiers-lieu à Toulouse.

Cartoucherie

Une travée verte viendra traverser Les Halles de La Cartoucherie à terme (Crédits : Rémi Benoit).

« À terme, la SCIC Cosmopolis permettra aux habitants du lieu, aux voisins, acteurs du territoire de venir enrichir le projet, son fonctionnement et sa gouvernance », font savoir les porteurs du projet. Dans les faits, l'hypothèse d'une opération de financement participatif est sur la table. Avec cette initiative, l'idée est de faire en sorte que les habitants du quartier s'approprient le tiers-lieu, et surtout, la volonté est de rendre autonome financièrement la partie exploitation du tiers-lieu Les Halles de La Cartoucherie.

Si l'aspect économique semble maîtrisé, le sujet de l'accessibilité pourrait vite devenir le nouveau casse-tête et l'un des points noirs de ce projet. Dans un quartier en profonde mutation, où se côtoient le zénith de Toulouse, des établissements d'enseignement supérieur, des programmes immobiliers nombreux et une multitude de commerces, la question des transports pourrait vite devenir prioritaire et apparaître comme une clé de la réussite, ou non, de ce futur tiers-lieu. Les porteurs du projet travaillent avec Tisséo pour augmenter sur des heures stratégiques la cadence du tramway, qui s'arrête devant le site. Est-ce-que ce sera suffisant ?

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