Le schéma est souvent le même : c'est madame qui quitte son poste et tire un trait, au moins momentanément, sur sa carrière, pour suivre monsieur à qui on a proposé un job en or à l'étranger. Ces conjointes d'expat, souvent bardées de diplômes et de solides compétences, se retrouvent la plupart du temps esseulées et oisives dans leur pays d'accueil.

C'est ce qu'a vécu Marie Fontbostier. Diplômée d'une grande école (Skema Business School), après un brillant début de carrière dans le marketing et l'audit financier international, son parcours a été brutalement stoppé quand elle a choisi de suivre son mari muté en Afrique. « J'ai rapidement senti qu'il fallait mettre en lumière ces talents à l'étranger déjà ancrés localement, polyglottes et multiculturels, témoigne la Française, et les proposer à des entreprises qui avaient besoin de relais à l'étranger ». Marie Fontbostier se lance même dans un portait-robot de ces conjoints suiveurs : souvent une femme donc, diplômée en général à bac+5, avec dix à quinze ans d'expérience parfois.

 « Leur atout, constate-t-elle, c'est la double culture : elles connaissent à la fois le niveau d'exigence des entreprises françaises et les pratiques locales. »

Une acheteuse internationale à Las Vegas

L'idée fait peu à peu son chemin dans sa tête et c'est il y a dix-huit mois que Marie Fontbostier se lance et crée sa société à Toulouse, qu'elle baptise « Visit for you » (Visite pour vous). Ses clients sont donc des entreprises souhaitant se développer à l'international. « On organise des missions in situ de courte durée ou plus pérennes qui peuvent aller jusqu'au recrutement », détaille la Française.

Pour son projet, Marie Fontbostier a bénéficié des services de la couveuse d'entreprise Altitude de l'association BGE Sud-Ouest, la première à s'être lancée en Midi-Pyrénées en 1999. En un peu plus d'un an d'existence, elle a déjà mené douze missions dans dix pays. « Il y a par exemple des franchises qui souhaitent vérifier le respect de leur charte, des missions de développement d'affaires ou de sourcing, détaille-t-elle. Un avocat parisien a fait appel à la société pour trouver un relais au Népal pour sécuriser des investissements immobiliers et faciliter les démarches administratives sur place ». En janvier dernier, elle a aussi travaillé pour une startup française à Las Vegas, en Californie, lors du CES, le salon mondial de l'électronique grand public. Sa société a mis à sa disposition une acheteuse internationale multilingue.

L'idée de Marie Fontbostier est plus généralement de redonner de l'assurance aux conjoints d'expats : « Parce qu'elles ont un parcours haché et un peu décousu, la plupart du temps, ces personnes ont perdu l'idée même d'être employables et ne cherchent plus. Certaines me disent « je n'ai pas travaillé depuis tant de temps, je n'ai fait que du bénévolat. » Il y a quand même cette idée de perte de confiance. »

Un vivier d'expatriés

Marie Fontbostier a aussi en projet une mission pour une marque française qui fait fabriquer des sacs par des artisans dans le nord de la Colombie. L'enseigne recherche quelqu'un sur place pour suivre la production et rendre visite régulièrement à ces familles de tisserands afin de s'assurer qu'elles travaillent dans de bonnes conditions.

Un process en quatre étapes permet d'ajuster la prestation au besoin réel des entreprises, après étude de leur demande initiale. Ses prestations sont facturées entre 1.200 et 3.500 euros selon la mission, le pays et la durée du contrat.

« L'idée est vraiment de créer du lien, ces expatriés donnent des yeux et des oreilles aux entreprises françaises, résume Marie Fontobstier. J'ai un vivier d'expatriés et je fonctionne ensuite sur mesure. Je recherche les profils vraiment en fonction des besoins de mon client. Je m'appuie pour cela sur un réseau de douze partenaires, comme le réseau des accueils francophones de la FIAFE ou l'association d'Occitans expatriés « Racines sud » qui relaient et diffusent mes offres de missions ».

La Française s'appuie aussi sur les réseaux des anciens élèves de grandes écoles de commerce ou d'ingénieurs.

De grands voyages d'étude

Née à Mazamet, dans le Tarn, puis installée à Albi, Marie Fontbostier a ensuite effectué ses deux années de prépa à Toulouse avant de partir étudier à Nice et en Suède grâce à Erasmus. Par la suite, son passage à la direction marketing d'Habitat International lui permettra de superviser l'ouverture de magasins de l'enseigne de mobilier à l'étranger, et de se déplacer en Espagne, au Benelux, en Italie et en Allemagne. Quelques années après son retour du Sénégal, elle est embauchée en 2016 comme cadre à la BNP à Paris. Elle enseignera alors durant plusieurs mois l'analyse financière à l'école de commerce Toulouse Business School.

C'est au décès de son fils aîné, à l'âge de vingt ans, que la famille décide de rentrer sur ses terres toulousaines. « Ça a été le déclencheur, reconnaît Marie. Au lieu de me laisser arroser comme une plante verte tous les jours et d'attendre, j'ai essayé de rebondir à nouveau et de créer cette société à laquelle je pensais depuis un moment. »  Aujourd'hui, elle se consacre entièrement à sa petite entreprise et se déplace régulièrement à l'étranger. Elle organise et participe à un ou deux grands voyages d'étude d'une ou deux semaines chaque année, comme à Dubaï, au Maroc ou à New York, pour rencontrer l'écosystème international. « Visit For you » emploie actuellement trois personnes mais ne compte pas en rester là.