Des acteurs de l'industrie aéronautique s'intéresse de très près à son produit. L'industrie automobile est aussi à l'affût, comme certains chantiers navals, ou encore des acteurs du textile. Des maisons de luxe suivent également avec constance les avancées de Mariana Dominguez Penalva.
Cette entrepreneuse installée en région toulousaine a mis au point le MÆLIUM, un bio matériau qu'elle présente comme un cuir non animal. Mais la description de cuir végétal est à proscrire selon la porteuse de ce projet dénommé Fungus Sapiens. « Le MÆLIUM est le résultat de biopolymères obtenus grâce à de la fermentation microbienne. Il peut être aussi résistant que du cuir d'origine animale », commente Mariana Dominguez Penalva.
Dans les faits, la matière première exploitée par le projet Fungus Sapiens s'avère être des champignons. « Nous avons une bibliothèque de 10.000 souches différentes dans notre laboratoire », commente l'entrepreneuse. En fonction de la qualité recherchée et du produit final visé, telle ou telle souche est alors privilégiée.
Pour obtenir ce cuir non animal, Mariana Dominguez Penalva laisse reposer pendant plusieurs dizaines d'heures la souche en question, sur des plaques de diverses dimensions, dans des containers équipés pour réaliser ces cultures. Lors de cette phase de fermentation, des filaments se créent alors entre les cellules jusqu'à en devenir une matière, aujourd'hui appelée MÆLIUM. Ce résultat final fait ensuite l'objet d'un traitement pour obtenir ses caractéristiques de robustesse et ses coloris.
Mariana Dominguez Penalva s'apprête à boucler une première levée de fonds pour devenir une startup industrielle (Crédits : Rémi Benoit).
À la recherche d'un local
Après avoir obtenu une subvention de 150.000 euros du conseil régional d'Occitanie en 2021 qui a permis Mariana Dominguez Penalva d'acquérir des nouvelles machines de production, l'entrepreneuse a été retenue pour intégrer la promotion 2022 du French Tech Tremplin. En plus d'une nouvelle subvention, cette distinction lui permet de bénéficier notamment d'un accompagnement privilégié de l'IMT Mines d'Albi et de l'Institut français du textile et de l'habillement.
« Avec eux, nous allons achever la phase de tests et notamment procéder à des tests de caractérisation, demandés par de nombreux clients. Cela consiste à soumettre la matière à un certain nombre de lavages, de frottements etc, pour observer son vieillissement et voir si elle remplit les normes en vigueur en fonction des marchés que nous souhaitons adresser. Nous sommes également accompagnés pour achever la phase de propriété intellectuelle du projet, pour lequel nous allons protéger notre procédé de production », détaille Mariana Dominguez Penalva.
La prochaine étape pour Fungus Sapiens est d'aller chercher le soutien financier de la BPI et du conseil régional d'Occitanie afin d'agir comme effet levier auprès des banques dans l'optique d'obtenir un prêt bancaire et poursuivre le développement de la société. L'entrepreneuse compte aussi déployer une campagne de crowdfunding en faisant appel à l'inspiration de jeunes créateurs et designers qui désirent exercer leur talent sur le MÆLIUM afin de commercialiser sous forme d'une pré-vente des pièces en petites séries comme des chapeaux ou des montres.
Tout l'enjeu pour Fungus Sapiens est de financer l'acquisition d'un local de 500 à 2.000 mètres, dont l'identification est en cours avec la mairie de Graulhet (Tarn), afin de réunir en un seul lieu les trois sites dont la société dispose dans le Lauraguais aujourd'hui par souci d'efficacité.
Des structures pour séparer les activités
Après avoir vu ses plans contrariés, et surtout reportés, par la crise sanitaire, l'entrepreneuse espère enfin réaliser un premier chiffre d'affaires en 2023, entre 100.000 et 300.000 euros selon des scénarios établis par ses soins.
« Pendant sept ans, nous n'avons fait, moi et quelques consultants extérieurs à la société, que de la recherche. C'était très long. Une biotech, c'est du temps long et la priorité n'est pas de faire du chiffre d'affaires dans l'immédiat, mais de mettre en place les bons procédés de production. Nos actifs, ce sont les souches utilisées et les process inventés par nos soins », commente Mariana Dominguez Penalva.
Pour devenir pleinement une startup industrielle, la société Matrika, qui porte le projet Fungus Sapiens, a créé une spin-off du nom de BioFabrika, chargée de porter financièrement le projet de biomatériau pour l'industrie. La structure doit ainsi boucler une levée de fonds de 500.000 euros d'ici fin 2023 afin de sortir de terre une ferme verticale dans les futurs locaux de Fungus Sapiens et ainsi répondre à la demande des industriels. « Deux investisseurs nous suivent depuis 2019 et attendent le bon moment pour investir » confie l'entrepreneuse, qui prépare une autre opération de deux millions d'euros à court terme. Ces tours de table devront permettre aussi à Fungus Sapiens de recruter rapidement un chef scientifique spécialisé en microbiologie.
Pour l'avenir, Matrika pourrait porter d'autres projets autour de biomatériaux, avec des applications autres que celle de l'industrie. Le laboratoire et ses 10.000 souches, dans l'escarcelle de Matrika, pourraient ainsi nouer diverses collaborations de R&D, avant d'envisager la création d'autres filiales pour entamer une production en série selon les projets.
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