À Toulouse, l'agritech fait face à un démarrage commercial poussif

La Ville rose compte de nombreuses entreprises prometteuses et innovantes dans le secteur agricole. Malgré l'intérêt incontestable de leurs technologies (usage réduit des produits chimiques, automatisation de certaines tâches, etc), le déploiement commercial est plus lent que pour les autres startups. Décryptage avec les premiers concernés.
Toulouse compte cinq startups dans la première sélection Agri 20, dont Naïo Technologies.
Toulouse compte cinq startups dans la première sélection Agri 20, dont Naïo Technologies. (Crédits : Naïo Technologies)

Toulouse et sa région nouveaux bastions de l'agritech ? L'un des premiers déplacements du nouveau ministre du Numérique, Jean-Noël Barrot, s'est effectué à Toulouse à l'été 2022 pour présenter la première promotion du programme Agri 20, autrement dit les 20 startups françaises les plus prometteuses dans l'agriculture. Et cinq se trouvent en région toulousaine : Agreenculture, Micropep, Naïo Technologies, Asclepios Tech et Green Spot Technologies. En plus de leur secteur d'activité, elles ont toutes un autre point commun : un démarrage commercial poussif.

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Fondée en 2011, le concepteur de robots agricoles autonomes Naïo Technologies connaît un réel démarrage commercial depuis 2017. Quant à Agreenculture, qui a vu le jour en 2016, et malgré un chiffre d'affaires légèrement supérieur au million d'euros en 2021, la société qui a mis une solution pour rendre autonome les outils agricoles est rentrée dans le giron du constructeur Pellenc. Micropep (procédé pour des cultures sans OGM) et Green Spot Technologies (upcycling de résidus alimentaires) ne réalisent eux pas de chiffre d'affaires pour le moment et assurent leur développement grâce à des subventions et investisseurs. Enfin, Asclepios Tech enregistre ses toutes premières ventes actuellement mais qui ne lui permettent pas encore un autofinancement.

« Pour les startups du numérique classiques, le développement se fait en trois à cinq ans et le décollage commercial se fait, tandis que sur l'agritech et particulièrement la robotique agricole on parle de sept à dix ans pour mettre en place le développement commercial et donc autant de besoins financiers à assurer derrière... Donc je salue la récente levée de fonds de Naïo Technologies qui va lui permettre de continuer à grandir», commente Sandrine Jullien-Rouquié, la présidente de la French Tech Toulouse.

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L'innovation toujours au rendez-vous

Plus ancienne des agritech de Toulouse, Naïo Technologies compte « seulement » 300 robots en service actuellement. « Notre objectif est de démocratiser la robotique agricole en France et à l'étranger. Avec la levée de fonds, nous allons investir dans la communication et le commercial pour développer notre réseau de distributeurs. On a une trentaine de distributeurs en Europe et Amérique du Nord actuellement. L'objectif c'est d'avoir 1.000 robots vendus en 2025 », annonce Gaëtan Séverac, le directeur général de la société.

La sensibilisation et la démocratisation des nouvelles technologies, c'est le même combat que mène une autre agritech toulousaine, Abelio, qui développe une plateforme d'aide à la décision sur plusieurs verticales (gestion de l'eau, herbicides, etc.) «Aujourd'hui, nous travaillons avec un peu plus de 10.000 agriculteurs, pour environ 100.000 hectares en France et en Belgique. Nous permettons notamment d'augmenter les rendements de 5% des agriculteurs tout en réduisant l'usage d'engrais synthétiques. Aussi, nous travaillons sur 10.000 hectares de céréales et dans 84% des cas nous avons réussi à réduire l'usage des herbicides grâce à notre plateforme », détaille Grégoire Dupré, le CEO d'Abelio.

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Le dirigeant prépare d'ailleurs une levée de fonds d'un million d'euros pour poursuivre sereinement son développement commercial. Il espère d'ailleurs atteindre le million d'euros de chiffre d'affaires à la fin de l'année 2023. Abelio envisage notamment d'approcher des acteurs de la viticulture et de l'arboriculture. Si Naïo Technologies est présent sur le premier marché, il compte appréhender le second avec possiblement une nouvelle gamme de robots présentée dans un futur proche, toujours avec la même logique de réduire l'usage de produits chimiques et automatiser les tâches répétitives.

Besoin de rassurer les agriculteurs

Leur volonté d'innover n'est donc pas freiner par les démarrages commerciaux poussifs, au contraire. Pour Grégoire Dupré, comme pour Gaëtan Séverac, le problème de l'équation commerciale de leurs agritech ne vient pas tant du prix de leur solution.

«Dans sa vie, un agriculteur, en moyenne, a le droit à 40 essais-erreurs en partant du principe qu'une culture c'est une année. C'est différent du métier logiciel où on va pouvoir faire 40 essais-erreurs dans la même journée. L'agriculteur a une approche de la gestion du risque assez prudente parce qu'il gère constamment de l'incertain (météo, prix de vente, prix de production à travers ses engrais, etc), analyse le directeur général du concepteur de robots agricoles autonomes.

Il y a des agriculteurs expérimentés qui voient tout l'intérêt d'adopter nos outils et il y a des jeunes agriculteurs plus friands des nouvelles technologies qui vont y aller prudemment car ils sont au début de leur carrière et ils veulent monter en puissance sur leurs compétences agricoles avant d'aller vers l'optimisation agricole. Mais une fois qu'ils ont adopté nos produits, ils ne reviennent pas en arrière. Face aux divers risques, les agriculteurs ont besoin d'être rassurés et convaincus comme dit Gaêtan. Ils ne croient que ce qu'ils voient. Il leur faut parfois 2 ou 3 saisons, voire 4 pour être séduit et en parler à d'autres », ajoute l'entrepreneur à l'origine d'Abelio.

Par ailleurs, tous les deux partagent le constat que le monde agricole est « très friand » des nouvelles technologies, malgré un droit à l'erreur faible voire inexistant. Mais Abelio, comme Naïo Technologies compte sur leurs usagers, les meilleurs ambassadeurs possibles pour « accélérer cette acceptation des nouvelles technologies dans le monde agricole. »

Aujourd'hui, selon Sandrine Jullien-Rouquié, « les startups agricoles représentent 19% des adhérents de la French Tech Toulouse et cela évolue positivement car on parle beaucoup de souveraineté alimentaire, avec des dispositifs de financement dédiés ».

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