Géolocalisation sans batterie : Uwinloc face à un tournant stratégique

À l'origine de deux systèmes de géolocalisation avec des tags sans batterie, indoor et outdoor, la startup toulousaine Uwinloc s'est fait un nom auprès du tissu industriel. Désormais, elle s'est lancée le challenge technologique de diviser ses coûts de déploiement par trois en mettant sur pied un consortium industriel comprenant Airbus Defence and Space. En parallèle, la société innovante, en manque de liquidités, est face à un tournant stratégique déterminant après un placement en redressement judiciaire il y a plusieurs mois.
Le système MahVis, développé par Uwinloc, permis notamment de meilleurs cas d'usage de géolocalisation outdoor.
Le système MahVis, développé par Uwinloc, permis notamment de meilleurs cas d'usage de géolocalisation outdoor. (Crédits : Uwinloc)

En un peu moins de huit années d'existence, elle a déposé 23 brevets. La startup Uwinloc, maintenant plutôt assimilée à une PME, s'est faite connaitre à ses débuts en proposant aux industriels une solution de géolocalisation précise qui s'appuie sur des tags... sans batterie. "Nous sommes les seuls au monde à savoir faire cela", met en avant Cassandre Le Corre, la directrice des ventes de la jeune société installée à Toulouse. Une technologie prometteuse que l'avionneur Airbus a identifié et incubé au sein de son Airbus Bizlab pendant un certain temps.

Lire aussiFini le Bizlab et place à Airbus Scale : l'avionneur européen bouscule sa politique d'innovation

Depuis, ce système dénommé "Félix", avec ces tags alimentés en énergie uniquement grâce au captage des signaux radios, a conquis une trentaine de grands comptes (Airbus, Alstom, Thales, Safran...) et est utilisé dans six pays différents. Seulement, cette technologie, bien que très innovante de par la non-nécessité de remplacer la batterie des tags/étiquettes, avait des limites pour certains cas d'usage et rendait impossible la promesse d'une géolocalisation précise à 30 centimètres.

"Le système Félix ne couvrait pas tous les usages comme par exemple, le stockage de palettes en extérieur. Dès qu'il s'agissait d'une activité en outdoor la précision de la géolocalisation était difficile à tenir. Ce système nécessite l'installation de petites antennes et vous ne pouvez pas en installer partout selon la structure et la configuration du site en question et même sur le plan économique", explique Cassandre Le Corre.

Diminuer les coûts de déploiement

Alors, contre un million d'euros d'investissement, Uwinloc a développé le système MahVis, pour lequel trois clients de la PME toulousaine se sont joints pour du co-développement, à savoir Michelin, Eramet et Collins Aerospace.

"Cette technologie consiste à équiper d'un boîtier étanche les chariots élévateurs et tous les engins de manutention que nous pouvons retrouver sur un site industriel. Ce sont ainsi eux qui rechargent en énergie les tags en extérieur et qui récoltent leurs données", décrit la directrice des ventes.

Uwinloc

À gauche de l'image, le boîtier du système MahVis développé par Uwinloc (Crédits : Pierrick Merlet).

Les grands groupes qui ont co-développé la technologie avec Uwinloc ont été les premiers utilisateurs. Depuis, la commercialisation du système MahVis a débuté en début d'année 2022. "Nous avons d'autres références de clients en France et à l'étranger mais que nous ne pouvons pas communiquer", regrette la dirigeante.

Pour une société intéressée, s'équiper de MahVis a un coût : 4.500 euros la construction du projet, 975 euros par boîtier et par mois, ainsi que 35 centimes d'euros par tag et par mois. Un modèle de revenus par abonnement identique à celui développé pour le premier système. "Nous sommes sur un coût de déploiement entre 15 et 30 euros le mètre carré pour la solution Félix", fait savoir Cassandre Le Corre, tandis que sur MahVis celui-ci est bien moindre. Alors, en réponse à une concurrence qui mise une géolocalisation moins précise mais des coûts d'installation aussi moins importants comme la startup toulousaine Sigscan, Uwinloc veut diviser par au moins trois ses coûts de déploiement.

À l'image du développement de MahVis, la PME toulousaine qui emploie 18 salariés aujourd'hui veut rapidement mettre sur pied un consortium avec des industriels utilisateurs pour parachever les briques technologiques nécessaires. Airbus Defence and Space serait déjà montée dans le wagon et deux autres pourraient suivre prochainement. L'idée principale consisterait à diviser le nombre d'antennes nécessaire par projet par deux en augmentant leurs capacités techniques d'autant.

Lire aussiAvec sa solution de géolocalisation indoor, Sigscan multiplie les collaborations

Un redressement judiciaire, pour quelle issue ?

Depuis sa naissance en 2015, Uwinloc a inévitablement beaucoup investi dans la recherche et le développement de ses technologies, à hauteur de plusieurs millions d'euros. Ce qui justifie maintenant son intérêt de monter des consortiums industriels par projet avec une volonté de partage des coûts de développement, après avoir bouclé plusieurs opérations financières.

À ses débuts, elle a officialisé une levée de fonds d'amorçage d'un peu plus d'un million d'euros en 2016, notamment auprès du fonds ACE Management, aujourd'hui gestionnaire du fonds de consolidation aéronautique. La PME a bouclé une autre opération, en série A, de 4,5 millions d'euros, toujours auprès d'ACE, mais aussi Galia Gestion et M Capital Partners. Désormais, elle voudrait boucler une autre opération financière pour assurer sa pérennité et atteindre son point de rentabilité fin 2023, huit ans après sa création.

Lire aussiUwinloc lève 4,5 millions d'euros pour s'étendre à l'étranger

La croissance est au rendez-vous (400.000 euros de chiffre d'affaires en 2021, contre 850.000 en 2022) mais les besoins en liquidité sont devenus vitaux pour Uwinloc, placée en redressement judiciaire depuis quelques mois par le tribunal de commerce de Toulouse. Selon nos informations, plusieurs entités étrangères ont manifesté leur intérêt pour un rachat, mais la direction de la startup toulousaine privilégie une prise de capital modérée avec pourquoi pas un partenaire industriel, afin de d'assurer une continuité de service à ses clients et poursuivre son développement sereinement en préservant ses emplois. Là aussi des pistes en ce sens sont sur la table.

"En France, nous avons tout ce qu'il pour développer des produits et lancer les sociétés. Mais pour arriver jusqu'au stade d'une ETI viable voire d'un grand groupe, c'est le tunnel de la mort (...) Il nous manque trois millions d'euros pour arriver tranquillement jusqu'à notre seuil de rentabilité", précise Éric Cariou, le CEO d'Uwinloc.

L'audience décisive au tribunal de commerce de Toulouse est fixée au 8 novembre pour statuer sur le sort de la startup toulousaine.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.