En ce moment-même, adeptes, passionnés et professionnels du véhicule de loisirs se retrouvent au Caravan Salon Düsseldorf (Allemagne). Organisé jusqu'au 4 septembre, cet événement incontournable de ce marché peut être comparé au salon du Bourget pour l'industrie aéronautique par son importance pour cette filière en pleine croissance.

Pourtant, à environ 1.000 kilomètres de là, dans le sud de la France, à Toulouse, l'heure n'est pas à la fête pour tous les acteurs du marché du véhicule de loisirs dans la région. Un mardi en plein mois d'août, dans les locaux de Va Vis Van à Tournefeuille (Haute-Garonne), à quelques kilomètres de Toulouse, cinq vans aménagés sont encore disponibles - à tout moment - pour un départ en amoureux, en famille ou entre amis sur les routes, à la recherche du spot idéal pour une pause voire une nuit. Ce qui peut semblait étonnant alors que le marché de la location du van aménagé est présenté comme en plein boom.

"Nous aurons un taux de remplissage d'environ 40% sur la saison 2022 et ce malgré de beaux mois de septembre et octobre qui se profilent au regard des premières réservations reçues pour ces périodes. Cette année aura été compliquée et dans ce contexte, la saison 2023 se présente comme l'année vérité, à savoir si nous poursuivons l'activité ou pas après l'année prochaine", témoigne Élodie De Loriol la co-fondatrice de la société Va Vis Van avec son compagnon Benoit Morand.

Élodie propose avec Va Vis Van des locations à la semaine, mais aussi à la nuit avec diverses options comme la douche solaire (Crédits : Rémi Benoit).

Et pourtant, tout semblait avoir si bien commençait pour le couple, qui avait décidé de se lancer dans l'entreprenariat quelques années après avoir succombé à la "van Life" lors d'un circuit en Nouvelle-Zélande. Si Benoit Morand a gardé son emploi dans l'ingénierie aéronautique pour sécuriser les revenus du foyer, Élodie De Loriol, qui exerçait jusqu'alors dans une mutuelle au sein du service marketing, a quitté son poste pour se dévouer avec réussite au lancement de Va Vis Van. Pour se démarquer de ses concurrents, dès ses débuts, la jeune société a aménagé elle-même certains de ses véhicules afin de proposer un confort supérieur à la moyenne à ses clients voyageurs.

"Nous nous sommes lancés au début de l'été 2019 avec seulement trois vans pour tester notre concept et nous sommes parvenus sans véritable stratégie de communication à un taux de remplissage de 90% la première saison. Pour entretenir la dynamique et couvrir davantage nos frais, nous avons ajouté quatre véhicules à notre flotte l'été suivant tout en déménagement dans des locaux plus grands", raconte l'entrepreneuse qui s'appuie aujourd'hui sur une flotte de 11 véhicules.

Va Vis Van aménage une majorité de ses vans aménagés pour offrir plus de confort (Crédits : Rémi Benoit).

"Le prix des carburants", "un frein"

Seulement, ces lourds investissements pour une jeune société ont été difficiles à supporter en raison de la crise sanitaire de la Covid-19, qui a tronqué la saison 2020 bien que le marché de la location du van aménagé a bénéficié d'un engouement après le confinement. "Depuis, nous sommes une société de crise. Chaque année, nous avons un élément qui n'est pas de notre ressort à surmonter", regrette Élodie De Loriol qui souligne n'avoir pu bénéficier d'aucune aide financière de l'État ou des collectivités locales en lien avec la crise sanitaire, ne cochant "aucune case". "On a tenu grâce aux acomptes des clients", ajoute-t-elle, mais d'autres acteurs indépendants toulousains ont mis la clé sous la porte selon nos informations.

Après la crise sanitaire qui a perturbé 2020 et 2021, la guerre en Ukraine est venue perturber la dernière saison estivale. "Avec cet événement et les incertitudes générées, nous n'avons pas eu le pic de réservations du début d'année pour l'été à venir. De plus, le prix de l'essence a freiné une partie de la clientèle et même une partie de nos habitués ont préféré réduire la durée de leur location voire tout simplement l'annuler", analyse la co-fondatrice de Va Vis Van. D'autres entreprises ont aussi pu constater que le prix des carburants a ralenti leur activité durant l'été 2022.

"Le prix des carburants a été un frein pour les consommateurs et cela s'est traduit par une baisse d'activité dans nos agences. Par ailleurs, le fait que les vols à l'étranger aient été pleinement relancés cette année a, je pense, aussi été un facteur. Il y avait un manque de voyages à l'étranger pour certains. Des clients habitués nous ont fait savoir qu'ils délaissaient le van aménagé cet été au profit d'un voyage à l'étranger. Puis, les saisons précédentes, nous refusions des demandes par dizaines, mais cet été nous avons accepté beaucoup de départs en dernière minute car nous avions encore des vans aménagés de libre", témoigne Jean-Philippe Ferton, le fondateur et dirigeant du réseau de franchises spécialisé sur la location de vans aménagés en France, Van Away.

Va Vis Van devra faire face à une année 2023 pour la suite de son existence (Crédits : Rémi Benoit).

Malgré tout, 2022 restera "une année correct" pour le réseau Van Away qui compte une trentaine d'agences sous licence de marque dont trois en propre (Paris, Nice et Toulouse qui a été la première du réseau), pour une flotte de 350 véhicules et 390 dès 2023. Rien que l'agence de Toulouse prévoit à elle seule un chiffre d'affaires de près de deux millions d'euros cette année.

"Aujourd'hui, on peut le dire, nous faisons partie des trois réseaux français les plus matures et nous étions les premiers à proposer un tel service il y a une dizaine d'années. Depuis, chaque année, l'ensemble du réseau connait une croissance d'activité de 15 à 20%", témoigne le dirigeant.

Celui qui a commencé avec la location de trois vans aménagés dans son jardin prévoit désormais l'ouverture de franchises en Europe d'ici 2025 et s'attend à "une belle année 2023".

Le réseau Van Away va augmenter sa flotte française de vans aménagés de 40 unités en 2023 (Crédits : Van Away).

L'importance du web pour réussir ?

Cette success story qui a débuté à Toulouse ressemble à celle que vit actuellement Nicolas Bauden à la tête de Van Travel. Basée à Vic-en-Bigorre (Hautes-Pyrénées), la société de ce professionnel de l'immobilier qui a souhaité investir dans ce marché dispose actuellement d'une flotte de six véhicules. "Mais tous les ans, nous essayons de doubler notre flotte de vans aménagés", précise-t-il. Dans la troisième saison estivale de sa jeune existence, la société ne connait pas de difficulté particulière selon lui.

"Cet été, cela a été le boom. Le prix de l'essence n'a pas réduit notre clientèle. Louer un van la semaine coûte assez cher donc les personnes qui louent ce type de véhicules chez nous ne sont pas trop regardant sur leur consommation. Depuis le début du mois de juillet, on est complet et cela va être le cas jusqu'à mi-septembre", présente Nicolas Bauden, qui dispose d'agences Van Travel sur l'ensemble du grand sud-ouest.

Sans imaginer le contexte économique du moment, la société propose à sa clientèle depuis ses débuts des itinéraires définis à faible kilométrage pour limiter les frais d'essence (des road-trips de 500 kilomètres ou moins en quelques jours). Selon Nicolas Bauden, les difficultés rencontrées par certains loueurs de vans aménagés, de toutes tailles, viennent du fait qu'ils ont pour beaucoup un site internet qui ne permet pas d'effectuer des réservations en direct mais au mieux une pré-réservation voire seulement une première demande par mail en précisant leurs voeux de véhicules et les modalités du voyage prévu. "Nous, nous avons mis le paquet en matière d'investissement sur les réseaux sociaux et notre site internet car nous savions que ce serait la porte d'entrée majeure des clients", témoigne le dirigeant qui a son propre van aménagé. Par ailleurs, les professionnels de la location de van aménagé doivent faire face aussi à la montée en puissance des plateformes de location de ce genre de véhicule entre particuliers, comme WikiCampers, avec des tarifs bien plus intéressants qu'en agence traditionnelle.

L'aménagement de van, aussi un marché croissant

Pour d'autres, la folie des particuliers pour le van aménagé leur a donné des idées autre que la location de ces véhicules censés être moins réglementés que des camping-cars. Par exemple, la société Le Van Occitan, installée dans la zone En Jacca de Colomiers (Haute-Garonne), est spécialisée depuis bientôt trois ans dans l'aménagement de vans.

"À la base, je faisais du van aménagé à titre privé, puis j'ai voulu me professionnaliser dans ce domaine car j'étais attiré par la diversité des univers qu'on pouvait y retrouver comme la menuiserie, la plomberie, l'électricité, la mécanique, la carrosserie, etc", explique Adrien Laborde.

Adrien Laborde a fondé sa société d'aménagement de van en 2020 (Crédits : Rémi Benoit).

Profitant d'un licenciement économique, l'autodidacte se lance dans une formation fléchée pour cet univers, le CQP technicien VDL (véhicule de loisirs). "À l'époque, c'était la seule formation qui existait pour cela", se remémore-t-il. Désormais, avec sa TPE, l'aménageur de van réalise quatre à cinq véhicules complets chaque année, sans parler des demandes pour améliorer des véhicules déjà aménagés comme des travaux de plomberie, l'installation d'un toit relevable pour accueillir un lit ou d'un lanterneau par exemple.

"Je ne chôme pas. J'ai énormément de demandes et j'ai un peu de difficulté à y faire face alors je réfléchis à réaliser une embauche. Pour le moment, j'accepte encore des chantiers mais les clients ont un délai de trois mois d'attente", témoigne fièrement Adrien Laborde installé dans son atelier qui vient d'ailleurs de réceptionner un véhicule à aménager totalement.

Le Van Occitan aménage totalement une poignée de vans chaque année (Crédits : Rémi Benoit).

L'entreprise Le Van Occitan est en effet portée par l'attrait des nomades pour ces camping-cars nouvelles génération, au détriment de la location ? "Le vrai boom sur le van aménagé se trouve sur le marché de la vente, bien plus que celui de la location. Pour preuve, les vans que nous allons remplacer ne sont même pas encore mis en vente qu'ils sont déjà tous réservés par des particuliers", constate Élodie De Loriol du loueur Va Vis Van. Même phénomène chez Van Away, qui note néanmoins un bémol à cette tendance. "Il y a aussi un ralentissement sur ce segment du marché. On sent que l'achat d'un véhicule diesel, même quasiment neuf, fait réfléchir", observe Jean-Philippe Ferton. Ce dernier regarde de près ainsi les prototypes développés par certains constructeurs pour des vans aménagés hybrides voire tout électriques. "Nous serons précurseurs sur le sujet", promet le patron de Van Away. Certainement un virage à prendre pour ce marché qui n'a encore que quelques années de vécu et qui devra faire face lui aussi à la transition écologique et à la nécessaire sobriété énergétique.