Dans le Tarn, Bandit Manchot valorise le cuir destiné à la benne des maisons de maroquinerie

Depuis 2010, l’entreprise transforme le cuir inutilisé des maisons de maroquinerie françaises en sacs à main, trousses, chaussons, sacs à vin, cartes postales, etc. Ces créations sont réalisées à Graulhet (Tarn) et commercialisées dans toute la France et à l’international. Chaque année, Bandit Manchot valorise entre 7.000 et 10.000 mètres de cuir. Son modèle économique lui permet d’afficher "des prix démocratiques" pour du made in France généralement compris entre 20 et 50 euros.
Les trois créatrices de marques : Anne Duquesnoy, Marie-Christine Frison et Marie-Laure Biscond.
Les trois créatrices de marques : Anne Duquesnoy, Marie-Christine Frison et Marie-Laure Biscond. (Crédits : DR)

Il y a quelques années, il était inconcevable de récupérer des chutes de cuir de maisons de maroquinerie pour les valoriser. Et pourtant, depuis 2010, trois femmes font preuve de créativité et sauvent de la poubelle des milliers de tonnes de chutes de cuir chaque année pour les transformer en sacs, chaussons, petite maroquinerie, cartes postales, sacs à vin, etc. Ces précurseuses de l'upcycling (surcyclage) ont fondé leur marque, Bandit Manchot, à partir d'un constat simple : les maisons de maroquinerie ont beaucoup de peaux neuves, inutilisées qui sont destinées à être jetées. Pendant des années, Anne Duquesnoy et Marie-Christine Frison, stylistes dans diverses maisons de maroquinerie ont récupéré ces peaux, belles, de qualité, très chères, parfois spectaculaires avec l'intention d'en faire quelque chose plus tard.

"Il s'agit d'une rencontre entre Anne Duquesnoy et moi-même qui sommes stylistes établies à Paris et Marie-Laure Biscond, qui travaillait dans une maroquinerie familiale dans le Tarn. Nous avons travaillé ensemble de longues années et tissé des liens qui ont fait que le jour où l'on a voulu monter notre projet, nous nous sommes tournées vers Marie-Laure. La maroquinerie dans laquelle elle travaillait a fermé en 2008 à cause de problèmes concurrentiels avec l'Asie, mais elle n'avait pas envie d'arrêter de faire de la maroquinerie. Nous avons donc décidé de monter, toutes les trois, la marque Bandit Manchot", raconte Marie-Christine Frison, cofondatrice de Bandit Manchot.

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Entre 7.000 et 10.000 mètres de cuir revalorisés par an

Depuis près de 12 ans, la marque rachète donc du cuir initialement destiné à la benne à des maisons de maroquinerie et les transforme en maroquinerie, accessoires, objets de décoration et papeterie. La matière première, de qualité, est achetée à l'aveugle, à un tarif préférentiel, aux "meilleurs maisons de maroquineries françaises" et provient généralement de France, d'Italie et d'Espagne.

La société a débuté son activité avec une carte postale en cuir qui a connu un fort succès. Afin de vivre pleinement de leur activité, les trois associées ont très vite élargi leur gamme avec de nouvelles créations. Chaque année, Bandit Manchot revalorise entre 7.000 et 10.000 mètres de cuir. L'entreprise qui réalisait déjà du surcyclage lorsque cette technique n'était pas d'actualité, utilise 100 % de ses achats, rien n'est jeté. Toutes les créations de la petite marque sont fabriquées à Graulhet, dans le Tarn.

"Aujourd'hui, toute notre collection est upcyclée. Certaines marques proposent seulement des capsules ou des petites gammes. Nous restons les seuls sur le marché à avoir trouvé un système qui nous permet de passer toutes les peaux que l'on achète", affirme Anne Duquesnoy, co-créatrice de la marque.

Bandit Manchot

Tous les modèles sont réalisés à Graulhet. (Crédits : DR)

Des tarifs accessibles pour du made in France

Les prix de vente des différentes collections Bandit Manchot sont compris entre 20 et 50 euros selon le modèle. Des prix relativement accessibles pour une production made in France et des matières nobles. Ces tarifs "démocratiques" pour de la fabrication française, s'expliquent par l'achat du cuir à un tarif préférentiel bien plus bas que chez un tanneur ainsi que par un procédé de fabrication simplifié.

"Nous avons pensé notre marque différemment de ce que l'on faisait par le passé. Nous avons simplifié au maximum la fabrication pour avoir un coût qui reste compétitif. Nous avons supprimé tout un tas d'étapes de fabrication chronophages. Par exemple, beaucoup de nos modèles ne sont pas doublés", explique Marie-Christine Frison.

"Dans la maroquinerie, on coupe le morceau de cuir et après on a plusieurs étapes où il faut le retravailler, le refendre, le désépaissir, le coller, etc. Je ne voulais pas faire toutes ces opérations qui allaient me pousser à monter un atelier, le gérer, etc. Chez nous, les cuirs sont coupés, imprimés et montés sans aucune autre étape de fabrication. Nous avons donc choisi de travailler avec des piqueuses maroquinières à domicile qui nous montent les produits", ajoute Marie-Laure Biscond, cofondatrice en charge de la production.

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10 % des ventes à l'international

Aujourd'hui, les différentes collections de Bandit Manchot sont commercialisées à travers un réseau de distribution de près de 360 points de vente à travers l'Hexagone. Ces distributeurs sont principalement des boutiques indépendantes multimarques, des concept stores, des magasins de décoration ou de maroquinerie mais pas de boutiques de maroquinerie traditionnelles.

Les collections Bandit Manchot sont également exportées à l'international vers la Belgique, la Suisse, l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne et à quelques clients aux Etats-Unis et en Asie. L'export représente près de 10 % de l'activité de l'entreprise. À l'avenir, cette dernière souhaite étendre sa présence aux États-Unis. L'ensemble de ces professionnels achètent à l'aveugle et ne savent pas de quel couleur seront les produits commandés.

"Les professionnels achètent un modèle sans choisir le coloris. Au début, c'était assez particulier de vendre comme ça. Il fallait expliquer l'achat à l'aveugle. Sauf que nous nous sommes rendues compte que c'était quasiment des pièces uniques. C'est un atout fort. De plus, nous avons décidé de n'avoir qu'une seule couleur de fermeture éclair, le rouge. Dans la maroquinerie traditionnelle, les zips sont assortis à la couleur du cuir, ce qui est impossible pour nous. Nous avons fait ce choix à l'époque pour tenir certains prix et aujourd'hui, c'est devenu une signature", précise Anne Duquesnoy.

Une partie de la collection, généralement les petites séries, est également vendue via le site internet de la marque. Les modèles étant très limités en nombre, les trois associées ne peuvent pas alimenter le site quotidiennement, une tâche lourde et contraignante. L'offre doit être renouvelée très régulièrement car la petite marque n'a souvent pas assez de cuir du même rouleau pour faire une centaine de pièces ou plus d'un même produit.

En parallèle, Bandit Manchot réalise également de la personnalisation pour des professionnels comme des restaurateurs, hôtels ou musées qui veulent des objets de décoration uniques ou démarquer leurs goodies. "Nous avons développé, pour les restaurants, une mini ligne dédiée avec des porte-menus, des sacs à vin, des dessous de verres en cuir, etc. Par exemple, nous travaillons avec La Comédie Française et de très belle références en restauration", affirme Marie-Laure Biscond. La personnalisation représente entre 10 % et 12 % du chiffre d'affaires de l'entreprise.

Un chiffre d'affaires sans cesse en progression

Bandit Lanchot compte neuf employés répartis entre le Tarn où est situé l'atelier et Paris où sont installées Anne Duquesnoy et Marie-Christine Frison. De l'achat matières aux produits finis, en passant par le stylisme et l'administratif, les trois fondatrices maîtrisent l'ensemble de la chaîne de valeur de leur entreprise.

"Tout est fait en interne à Graulhet. Le cuir est reçu et coupé en atelier. Ensuite, il est envoyé chez les piqueuses qui sont également de Graulhet. Il revient à l'atelier où le contrôle qualité et la finition sont réalisés. Enfin, les produits finis sont packagés et envoyés", précise Marie-Laure Biscond.

En 2021, la petite structure revendiquait 560.000 euros de chiffre d'affaires. Ce dernier est hausse depuis la création. En 2019, il a connu une progression de 21 %, de 3 % en 2020, année de crise sanitaire et de 13 % en 2021. Pour l'exercice en cours, à date, le chiffre d'affaires est déjà à + 26 %.

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