Électroménager durable : en difficulté financière, le Toulousain Kippit pourrait disparaître

Fondée en 2018, le fabricant d’électroménager made in France, durables et réparables, Kippit a été placé sous la protection du tribunal de commerce de Toulouse. Des retards sur le calendrier de production et de livraison de son premier produit, une bouilloire multifonctions, a fortement fragilisé la trésorerie de la startup toulousaine. Menacée par un redressement judiciaire si aucune solution ni investisseurs ne sont trouvés, la marque française aurait besoin de 700.000 euros pour continuer à faire vivre le projet et sauvegarder l’emploi. Les détails
L'entreprise est sous l'observation du tribunal de commerce de Toulouse durant les 12 prochains mois.
L'entreprise est sous l'observation du tribunal de commerce de Toulouse durant les 12 prochains mois. (Crédits : Kippit)

Elle est considérée par certains comme le futur de l'électroménager durable, réparable et made in France. Et pourtant, en interne, la réalité est tout autre et l'avenir incertain pour la marque Kippit. Dans un long message publié, le 2 juin, sur le réseau social Linkedin, Kareen Maya Levy, la cofondatrice de la startup toulousaine, ne cache pas son inquiétude quant au futur de son entreprise fondée en 2018.

"(...) l'aventure n'est pas simple. (...)  Nous subissons de plein fouet la perte des savoir-faire français en matière d'industrialisation. Les retards successifs nous ont placés dans une situation financière critique. Il s'est avéré nécessaire de nous placer sous la protection du Tribunal de Commerce", écrit-elle.

Avec une trésorerie insuffisante et un chiffre d'affaires quasi inexistant, les porteurs du projet ont décidé de protéger l'emploi et l'activité de la société en la plaçant sous la protection du tribunal de commerce de Toulouse, depuis le 12 mai dernier.

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"Nous sommes au milieu du gouffre"

Tout avait si bien démarré pour le fabricant d'électroménager et le futur semblait prometteur. En effet, son premier produit, "Jarren", une bouilloire électrique multifonctions, avait rencontré un franc succès et les consommateurs étaient au rendez-vous. Entre le pré-lancement et la commercialisation officielle, quelques 2.100 pièces, à un prix moyen de 230 euros, ont été vendues.

Cependant, l'industrialisation de la bouilloire a connu quelques difficultés ce qui a entraîné des retards de production et donc des livraisons. Pour l'heure, seules 100 bouilloires ont été livrées. 300 de plus le seront à la fin du mois de juin. Le reste, ne sera pas livré avant la rentée prochaine. Or, Kippit prévoyait de tout livrer sur le premier semestre 2022. Ce retard de calendrier a fortement affaibli l'entreprise qui a été contrainte de piocher dans sa trésorerie pour poursuivre ses activités.

"Nous sommes au milieu du gouffre. Nous avons mené de front beaucoup de chantiers dont l'industrialisation de notre premier produit, le sourcing et les commandes des pièces nécessaires à la production. Nous avons constitué pas mal de stock pour pouvoir assembler. Nous avions de quoi produire plus de 6.000 Jarren. Et pendant ce temps, notre fournisseurs d'inox nous donnait des calendriers de livraison qu'il fallait à chaque fois repousser. Il a ensuite été racheté. Les repreneurs ont redémarré beaucoup plus sérieusement le projet, sauf que cela prend du temps. En attendant, la tension sur la trésorerie était trop importante qu'il fallait se protéger et trouver des solutions d'urgence", déplore Kareen Maya Levy, contactée par La Tribune.

La marque d'électroménager qui avait vendu pour près de 400.000 euros de bouilloires "Jarren", n'a pas pu constaté de chiffre d'affaires, les livraisons n'ayant pas été réalisées. Rien que sur l'année 2022, elle avait pour ambition d'en vendre 14.000. Aujourd'hui, faute de pouvoir assurer la demande de ses clients, Kippit, a pris la décision de bloquer les nouvelles commandes sur son site internet. "Nous ne voulions plus donner de dates que nous étions pas sûrs de tenir. Nous sommes en transparence avec les consommateurs. Les visiteurs peuvent s'inscrire sur notre site pour être prévenus de la reprise des ventes", explique la cheffe d'entreprise. Selon les périodes, entre 50 et 100 personnes intéressées par une bouilloire multifonctions Kippit s'inscrivent par semaine.

Un développement de nouveaux projets à l'arrêt

La situation financière a également poussé la startup à mettre en stand-by son projet de construction d'usine à horizon 2024-2025, à Prat-Bonrepaux, en Ariège sur un terrain de 10.000 m2. Elle avait prévu d'y construire un outil de production, une unité d'assemblage de leur lave-linge, produit pour lequel la jeune entreprise est encore à la phase de conception. Ce projet devait engendrer la création d'une quarantaine d'emplois supplémentaires.

Parallèlement, la jeune pousse travaillait également sur la conception d'un second produit, un grille-pain.

"Le développement du grille-pain a aussi eu un impact sur notre trésorerie. Nous avions remporté un appel à projets de l'Ademe qui est une aide importante au financement de l'éco-conception du produit. Pour tenir leur calendrier nous devions avancer sauf que les aides ne sont versées qu'une fois que les factures sont réglées, beaucoup plus tard. Nous avons donc pioché dans la trésorerie pour financer le projet."

À la recherche d'un investisseur

Le message publié sur le réseau social professionnel est également un appel direct aux potentiels partenaires financiers qui seraient prêts à injecter des fonds dans le projet. Pour renflouer ses caisses, reprendre une position financière confortable et poursuivre son calendrier de développement, Kippit a idéalement besoin de 700.000 euros. Augmentation de capital, vente de certaines parts dans l'entreprise... les fondateurs Jacques Ravinet et Kareen Maya Levy, sont ouverts à toutes les options qui permettraient de protéger leur structure et de sauvegarder l'emploi de ses six salariés repartis entre Toulouse (4) et Paris (2).

"Nous cherchons des investisseurs, un industriel qui ont la même philosophie que nous. Kippit est un projet ultra engagé qui fait sens sur la partie éco-production, sociale, etc. Nous nous engageons dans une voie différente mais nécessite aujourd'hui. Nous ne pouvons plus compter uniquement sur le reste du monde pour nous fournir. Nous avons fait des choix autour de la durabilité, de la réparabilité et de l'inox. Cela aurait été beaucoup plus simple de faire des produits en plastique ou en verre. Sauf que nous volons des produits qui durent à vie.

Nous avions commencé à travailler une levée de fonds mais les acteurs, qui avaient des avis favorables, nous disaient qu'ils regarderaient notre dossier dès nous aurions fait 1 million d'euros de chiffre d'affaires. Ce montant était tout à fait faisable avec le calendrier de livraison que nous avions en fin 2021 et qui n'a pas été respecté. À partir du moment où la livraison et la production commençaient à être régulières, le chiffre d'affaires allait permettre de passer le cap."

Sous l'observation du tribunal de commerce durant les 12 prochains mois, Kippit pourrait être placée en redressement judiciaire si elle n'amène pas de solution rapidement. "En terme de trésorerie, nous ne pourrons pas tenir 12 mois", alerte la cofondatrice de la marque française. Affaire à suive.

Lire aussi 3 mnKippit, le fabricant toulousain d'électroménager durable, rencontre un vif succès

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Commentaire 1
à écrit le 07/06/2022 à 22:16
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Ils feraient mieux de partir travailler dans l'ouest, car il y a forcément un manque de personnel qualifié. Je pense à kramproutz no 1 mondial de la crêpière même pas agacé par la crise, chez-moi on dit une billig. Mais en dehors c'est une kramprou...

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