"Des éleveurs de brebis m'ont contacté pour faire des vêtements à base de laine. Je me suis demandé où partait certaines laines habituellement et pourquoi les éleveurs devaient la valoriser eux-mêmes et en faire des produits finis ? Je me suis rendu compte que 80 % de cette laine française partait à l'étranger, en Chine surtout, était très mal payée et revenait en produits finis chez nous", raconte Cinthia Born, couturière de métier.
À partir de ce constat, Cinthia Born et Élodie Madebos décident de lancer un projet qui valorise une partie de cette laine française. Les deux amies créent Le Mouton Givré, le premier sac isotherme non polluant fabriqué en France à partir de laine de brebis, de chanvre et de lin. Généralement, ce produit pratique pour faire ses courses et transporter des repas n'est réalisé à base de laine mais en plastique, une matière extrêmement polluante. Le Mouton Givré est donc aussi une manière de réduire l'usage du plastique.
Ce premier sac zéro plastique, qui a nécessité près d'un an de R&D est breveté en Europe. Il est réalisé à partir de matières naturelles et biodégradables. "Le but était de lier cette matière naturelle avec des matières elles aussi naturelles mais surtout écologiques et locales", explique le cofondatrice de la marque lancée en août 2019 à Cambes, dans le Lot.
Cinthia Born et Élodie Madebos, les fondatrices du Mouton Givré (Crédits : DR)
Une durée de vie de "entre 10 et 15 ans"
Côté pile : la laine. L'intérieur des sacs Le Mouton Givré est couvert d'une laine de brebis extrêmement isolante. Épaisse, elle est antichoc, et permet de transporter des bocaux en verre. Cette dernière est récoltée dans le Lot, lavée dans le Gévaudan, et feutrée dans le Limousin. Côté face : le chanvre et le lin. L'extérieur des sacs est couvert de toile de lin, une matière naturelle peu gourmande en eau. Les sangles et les biais sont faits de chanvre, une plante particulièrement écologique et résistante : sa culture ne nécessite peu d'eau et aucun engrais ni pesticide, et chaque hectare de chanvre absorbe 15 000 tonnes de CO2.
Ainsi, grâce aux propriétés isolantes de la laine, le sac isotherme nouvelle génération conserve les aliments au froid pendant 4 à 6 heures, au chaud jusqu'à 4h, et protège les surgelés de la décongélation pendant 1h30.
Si le maintient est plus au moins équivalent avec un sac isotherme classique, l'empreinte carbone du Mouton Givré est elle beaucoup plus raisonnable et la durée de vie bien plus longue. "Notre produit à une durée de vie entre 10 et 15 ans, voire plus s'il est entretenu correctement, comparé à un sac isotherme en plastique ou en aluminium qui va durer grand maximum deux ans car il va se déchirer et se tâcher", affirme Cinthia Born. Plus résistant, ce dernier est le seul sac isotherme lavable en machines.
"Au niveau de la santé, c'est beaucoup mieux car une fois détériorés les sacs isothermes en aluminium ou plastique vont laisser du plastique et de l'aluminium dans nos aliments. Ce qui n'est pas le cas des sacs Le Mouton Givré".
Des modèles cousus main
L'ensemble des modèles sont imaginés, développés et fabriqués à la main, à Cambes, dans le Lot, au sein du petit atelier de l'entreprise. Seule la découpe des différentes pièces est sous-traitée à une entreprise située à Clisson près de Nantes. Aujourd'hui la société développé trois modèles de sacs isothermes : Marguerite, un lunch bag d'une contenance de six litres pour le repas du midi avec deux options de portage, Berthe, un grand cabas d'une capacité de 26 litres adapté pour les pique-niques ou les courses et Edmond, un sac à dos isotherme pour les randonneurs et des citadins.
Les modèles sont commercialisés entre un prix de 60 et 115 euros selon le modèle. Un prix élevé, mais justifié pour des produits de haute qualité, qui ne sont "pas comparables" à un sac isotherme classique et entièrement réalisés à la main, en France.
"Nous sommes sur des matières nobles, de qualité et une fabrication française à la main. Nous avons une durée de vie beaucoup plus importante. Au final, le client fait des économies au lieu de changer son sac à 15 euros tous deux ans, il va pouvoir le garder entre 15 et 20 ans. De plus, nous ne bradons pas le travail de chacun, de l'éleveur à la couturière. Le cours de la laine est à 0,05 centimes du kilo, ce qui est une aberration. Aujourd'hui, nous payons les éleveurs 0,50 centimes le kilo de laine. D'ici deux ans, notre objectif est de pouvoir les rémunérer à 1,50 € du kilo pour au moins couvrir les frais de tonte."
La marque slow fashion commercialise ses différentes références sur son e-shop Le Mouton Givré. Afin d'adresser une clientèle étrangère plus large, elle envisage de traduire son site en anglais. Localement, elle est également distribuée au sein de quelques petites boutiques indépendantes dans le Lot, à Toulouse ou encore Marseille. La société souhaite désormais structurer un réseau de distribution afin d'être présente au niveau national. Elle vise des petites structures qui partagent leur valeurs environnementales et locales et une aussi pour une question de volumes.
Utiliser 100 % de matières premières françaises
Avec quatre employés, les deux associées fondatrices ainsi que deux couturières et un petit atelier, Le Mouton Givré à une capacité de production d'environ 500 pièces par mois. En 2021, le petite entreprise locale a produit près de 3.000 pièces. Cette même année, la société revendiquait un chiffre d'affaires de 200.000 euros. Le Mouton Givré a ainsi écoulé près de 6.000 pièces en trois années d'existence. En 2022, son objectif est de monter en régime et de produire jusqu'à 7.000 pièces et d'atteindre un chiffre d'affaires de 300.000 euros.
Cinthia Born et Élodie Madebos souhaitent garder une structure "à taille humaine" et avancer "doucement, étape par étape sans se brûler les ailes". Elles veulent avant tout stabiliser leur structure dans une conjoncture spéciale.
Elle qui pour l'instant importe son chanvre de Roumanie, a pour objectif d'utiliser 100 % de matières premières françaises. La filière du chanvre textile étant en pleine réindustrialisation et relocalisation en France, la société lotoise espère d'ici "deux à trois ans" avoir du chanvre français à un coût intéressant.
En attendant, elle travaille déjà à l'élaboration de nouveaux produits et sur de nouveau projets. Elle souhaite convaincre les marché des traiteurs et du tourisme/hébergements insolites. "Nous lançons les webinaires afin de leur présenter notre offre afin qu'ils puissent l'intégrer dans leur équipements", détaille Cinthia Born. La marque lowtech mène également une réflexion autour de la teinture naturelle. À horizon 2024, les sacs isothermes Le Mouton Givré pourraient arborer plusieurs coloris.
"Nous ne voulons pas faire de la surconsommation de sacs isothermes. Nous voudrions faire adhérer une communauté autour de l'alimentation et de ce produit, permettre aux consommateurs du Mouton Givré d'avoir accès à une consommation locale. Notre ambition est de revaloriser ces matières que sont le lin, le chanvre et la laine. Il faut vraiment que que l'on montre que l'on peut faire des choses magnifiques sans que cela ne coûte pas non plus des milliers d'euros. Notre ambition est de donner une voix à cette agriculture, à la ruralité et montrer ce que nous pouvons le faire", conclut la porteuse de projet.
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