L'avenir des vins du Sud-Ouest, "ni vins paysans, ni vins Coca-Cola"

150 personnes ont assisté lundi 22 avril à l'afterwork organisé par Objectif News et l'ESC Toulouse autour des vins du Sud-Ouest. Cette soirée, qui s'est déroulée à la CCI de Toulouse, a permis à cinq vignerons d'échanger sur l'avenir de ces vins qui souffrent encore d'une mauvaise réputation et d'un déficit d'image. La soirée s'est terminée sur une dégustation de plusieurs crus régionaux.
Soirée Objectif News à la CCI de Toulouse avec 5 vignerons du sud-ouest

18 appellations réparties sur 12 départements, allant du Massif Central au pays basque. Du Marcillac à l'Irouleguy en passant pas le Cahors, le Fronton ou les Côtes de Gascogne, les vins du Sud-Ouest sont marqués par une grande diversité de cépages et de terroirs. Et ils peinent à exister à l'ombre des vignobles du Bordelais. Invités à débattre sur l'avenir des vins de la région, Olivier Bourdet-Pees (Plaimont Producteurs), Diane Cauvin (Château La Colombière), Jacques Legros (Château Cantelauze), Jacques Tranier (Vinovalie) et Bertrand Vigouroux (SAS Georges Vigouroux) ont pourtant dressé un tableau optimiste tout en donnant des directions à suivre.

Interrogée sur la réputation de qualité moyenne des vins du Sud-Ouest, Diane Cauvin, propriétaire et exploitante avec son mari Philippe du Château La Colombière en AOP Fronton, s'est montrée très claire. "Aujourd'hui, avec tous les moyens dont nous disposons et les connaissances qui sont les nôtres, il faut presque le faire exprès pour faire du mauvais vin. Il y a des vins de grande qualité parmi les vins du Sud-Ouest." Une affirmation partagée par Jacques Legros, récent propriétaire du Château Cantelauze près de Cahors (46) qui tient cependant à alerter les professionnels du vins. "Nous avons un véritable état des lieux à dresser. Les vignerons français doivent avoir conscience de la fragilité de leur modèle économique. C'était facile d'être les meilleurs quand nous étions quasiment les seuls à produire du vin. Aujourd'hui, la concurrence est pléthorique et nous devons nous faire connaître. Actuellement nos concurrents sont californiens, néo-zélandais. Demain ils seront chinois, libanais ou indiens. Il est capital que nous mettions en avant la typicité de nos vins."

La diversité, une richesse
Partant de ce constat, chacun a pu défendre son positionnement ou son originalité. Pour Olivier Bourdet-Pees, directeur général de Plaimont Producteurs, "notre typicité est effectivement un atout. Partout dans le monde on peut boire les mêmes vins tandis que les nôtres sont différents. Je suis d'accord pour dire qu'il y a de la qualité partout mais nous voulons des vins avec lesquels on ne s'ennuie pas. Il y a des "grands vins" avec lesquels je m'emmerde foncièrement. Notre richesse, c'est la diversité de nos terroirs, de nos cépages", martèle celui qui représente aujourd'hui près de 1 000 producteurs dans les appellations Saint-Mont, Madiran, Pacherenc de Vic-Bilh ou Côtes de Gascogne. Diane Cauvin, dont le domaine est exploité en biodynamie et qui adopte une démarche haut de gamme, ne dit pas autre chose. "Nous valorisons nos vins issus de cépages originaux à travers la relation forte entre vigne et terroir."

Le directeur général de Vinovalie, s'il convient que la qualité est un facteur différenciant, a choisi une stratégie différente pour se positionner sur le marché très concurrentiel du vin. "Aujourd'hui, les différents vins doivent correspondre à des instants de consommation. Vinovalie est connu pour casser les codes dans un univers traditionaliste", explique Jacques Tranier. Vinovalie est par exemple à l'origine du Rosé Piscine, véritable succès commercial, qui surfe sur la mode des vins "tendance". "La filière se porte bien mieux qu'il y a 30 ans, notamment parce que nous sommes sortis du dogmatisme du goût", ajoute-t-il.

L'union fait la force
Tous sont cependant d'accord, les vins du Sud-Ouest souffrent clairement d'un déficit d'image. Et Jacques Legros accuse d'abord l'État français de se tirer une balle dans le pied. "En France, en raison de la loi Evin, on n'ose pas parler du vin. Seul internet permet de contourner cette loi." Un chemin qu'il a lui-même emprunté puisqu'il a créé le site www.terreetvigne.com, site de promotion des vins sur lequel il propose des reportages mettant en avant vignerons et méthodes de vinification. Le propriétaire du Château Cantelauze convient malgré tout qu'il y a un véritable travail à effectuer. "Nous devons créer plus de proximité avec le consommateur potentiel qui doit pouvoir être guidé dans son acte d'achat."

Bertrand Vigouroux, directeur général de la SAS Georges Vigouroux, entreprise familiale des vignobles de Cahors, développe. "Dans un marché hyper concurrentiel, ce qui fait vendre c'est l'image. Nous avons pris du retard sur l'export. Aujourd'hui, nous devons être en avance sur l'œnotourisme", explique celui qui a été un précurseur dans ce domaine. Pour lui comme pour les autres vignerons invités, Toulouse doit également devenir la capitale des vins du Sud-Ouest. Un événement regroupant les différentes appellations dans la Ville rose "est une évidence". Pour Jacques Tranier, "le Sud-Ouest a une force de frappe et doit s'unir. Nos entreprises sont de petites marques et le drapeau Sud-Ouest doit être visible pour que nos vins soient demandés par les consommateurs. Sinon nos appellations disparaîtront."

Un avenir radieux
Malgré le travail qui reste à accomplir et les difficultés à surmonter, tous sont cependant très optimistes sur l'avenir des vins français. "Dans 20 ans, les vignerons auront en moyenne doublé leur chiffre d'affaires. Nous avons 20 ans de croissance devant nous. Il suffit de se baisser pour gagner de l'argent", assure Jacques Tranier. "Nos régions bénéficient d'un climat qui ferait rêver n'importe quel vigneron. Nous avons la qualité et la diversité pour répondre à la demande", ajoute Olivier Bourdet-Pees, de Plaimont Producteurs. "Nous ne faisons ni un vin de paysan, ni un vin Coca-Cola, caricature Jacques Tranier. Nous avons la chance de répondre à une multiplicité de goûts. Nous sommes plus complémentaires que différents."

Jacques Legros est encore plus définitif. "Même l'eau minérale est polluée aujourd'hui. Le vin est la seule boisson saine qui nous reste." Une boisson que Sophie Kopetzki, œnologue et fondatrice d'Œnoconsult a pu faire déguster. Plusieurs appellations régionales étaient ainsi proposées avec des mets spécialement préparés par le traiteur toulousain Falcou.

Paul Périé
© photo Rémi Benoit

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