Financement des entreprises : les conseils de Jean-Michel Six, chef économiste chez Standard and Poor's

Jean-Michel Six, chef économiste de l'agence de notation Standard&Poor's pour l'Europe, était à Toulouse hier 27 novembre, dans le cadre du Forum Reprise économique et financement des entreprises. L'occasion pour lui d'évoquer le nouveau plan européen d'investissement, le "AA" de la France, le financement des entreprises et l'action du gouvernement Valls. Interview.
Jean-Michel Six. © photo A.L.

Objectif News : Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, vient tout juste de dévoiler un plan destiné à mobiliser en trois ans 315 milliards d'euros pour les investissements en Europe. Qu'en pensez-vous ?

Jean-Michel Six : Il est important de remettre cette annonce dans son contexte. La zone euro termine l'année 2014 avec une performance très faible. La croissance n'a pas cessé de ralentir et le taux de chômage est coincé à 11,5 %. L'année se termine donc sur une note extrêmement décevante. Et les annonces qui viennent d'être faites marquent la prise en compte de cette faiblesse persistante. La relance de grands projets d'investissement est bienvenue. On estime à plus de 500 milliards d'euros le manque d'investissement en Europe depuis 2005. Il faut trouver un moyen de retrouver la croissance.

Vous croyez en ce plan ?

Il va se heurter à un certain nombre de défis, c'est certain. Ce plan prévoit en effet, avec une très faible mise européenne, de mobiliser 300 milliards d'euros d'investissements privés. Mais rien ne garantit que cet effet de levier puisse jouer à ce point. Pour que cela paraisse attrayant aux yeux des investisseurs privés, il faut qu'ils y trouvent une rentabilité à moyen terme.

Quels sont aujourd'hui les besoins des entreprises françaises en matière de financements ? Vers quels types d'acteurs doivent-elles se tourner, au-delà des partenaires bancaires ?

Aujourd'hui, les entreprises françaises se tournent encore essentiellement vers les acteurs bancaires. Elles ne sont que 20 % - surtout des grandes entreprises - à se tourner vers les marchés. Mais nous avons enregistré depuis quelques années une progression de la désintermédiation financière. Les marchés jouent un rôle de plus en plus important. L'enjeu, en France, est le développement du capital risque. Car ce qui déclenche une reprise durable, c'est l'innovation. Et le financement de l'innovation reste difficile dans notre pays.

En octobre dernier, Standard and Poor's a maintenu la note de la France à "AA", tout en passant sa perspective de "stable" à "négative". La France peut-elle voir sa note dégradée prochainement ?

Ce que je peux répondre, c'est qu'historiquement, quand une perspective est "négative", cela signifie qu'il y a une chance sur trois que la note soit abaissée dans les vingt-quatre mois. Mais il est important de garder à l'esprit que "AA" est une note très élevée sur notre échelle.

L'action économique du gouvernement vous semble-t-elle aller dans le bon sens ?

La politique d'abaissement des charges et entreprises et de baisse des coûts du travail devrait à terme améliorer la compétitivité des entreprises françaises. Mais le CICE (Crédit d'impôt compétitivité emploi, NDLR) et le Pacte de responsabilité ne font que ramener le niveau de charges à ce qu'il était en 2010.

Que préconisez-vous ?

Notre rôle n'est pas de préconiser telle ou telle solution. Ce que je peux dire, c'est que lorsque l'on observe les exemples du Canada et de la Suède, dont les économies et les modèles sont similaires aux nôtres, on constate que l'effort d'ajustement, en France, ne s'est porté essentiellement que sur la hausse des recettes et très peu sur la baisse des dépenses. Les exemples étrangers suggèrent un effort plus équilibré entre l'un et l'autre.

En savoir plus :

Quid du financement des collectivités locales françaises ? Christophe Doré, analyste pour l'agence de notation Standard&Poor's (qui ne note aucune collectivité de Midi-Pyrénées), rappelle que "le niveau moyen de notation des collectivités est françaises est élevé, entre "A" et "AA"." Et l'analyste constate "un recours accru des collectivités à un financement direct auprès des marchés", qui pourrait représenter environ 15 % des financements globaux cette année, contre seulement 4 % en 2008. Un phénomène qui trouve une double explication : "D'une part, les crédits aux collectivités intéressent beaucoup les investisseurs, et d'autre part, les conditions de financement sur les marchés sont souvent meilleures que celles des banques traditionnelles".

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