En Occitanie, la lente révolution des métiers verts (5/5)

Changement climatique, érosion de la biodiversité, épuisement des ressources naturelles... Aujourd’hui, l’évolution vers des modèles économiques durables est une nécessité. Cette transition écologique qui transforme lentement, mais sûrement le marché du travail et donc de l’emploi commence à produire des effets, mais où et comment ?
Le BTP représente la majorité des emplois verts en Occitanie.
Le BTP représente la majorité des emplois verts en Occitanie. (Crédits : Rémi Benoit)

Transversale, l'économie verte est amenée à transformer durablement le marché du travail. Mais dans ce domaine, il convient de distinguer deux éléments clé. Qu'est-ce qu'un emploi vert ? Pour comprendre l'impact des enjeux écologiques sur le marché du travail, il convient dans un premier temps de distinguer deux grandes familles : celle des métiers verts et celle des métiers verdissants.

Les métiers verts ont pour finalité la préservation de l'environnement, mais aussi sa restauration. Ils concernent des domaines précis comme l'assainissement et le traitement des déchets, la protection de la nature et de l'environnement ou encore la production et la distribution d'énergie et d'eau. Peu nombreux, ils représenteraient selon l'Insee 3,6 % de l'économie dite verte de la région Occitanie.

Les métiers verdissants eux ne présentent pas au premier abord une finalité directement environnementale. Si, tous ne sont pas encore engagés dans la transition écologique, ils intègrent déjà ou intégreront dans les années à venir de nouvelles compétences pour répondre aux enjeux environnementaux. Parmi les filières concernées : le bâtiment, l'industrie, l'agriculture, les transports, l'entretien des espaces verts, mais aussi la recherche et le développement ou encore le commerce ou le tourisme.

LE BTP, UN SECTEUR CLÉ

En France, d'ici à 2030, 340 000 emplois verts pourraient être créés selon l'Ademe. C'est ce constat qui est à la base d'ETRE, le réseau d'écoles de la transition écologique initié par l'association 3PA. Lancée en 2017, la première d'entre elle basée à Lahage (Haute-Garonne) - il y en a huit au total en France - fait découvrir et forme* aux métiers verts des jeunes en rupture scolaire âgés de 16 à 25 ans.

"Les jeunes rencontrent des professionnels et découvrent toute une série de métiers à travers des thématiques comme le maraîchage, le travail du bois, le réemploi ou encore les espaces verts. Cela leur permet d'affiner leur projet professionnel", détaille Doriane Silvestre, chargée d'animation du réseau des écoles ETRE.

Si l'économie verte devrait prospérer, en Occitanie, elle n'est pas encore un poids lourd. Dans la région, cette économie occupe 335 000 emplois, soit 15 % des actifs (Insee). Une part non négligeable de l'économie régionale, mais qui d'après l'institut aurait progressé moins vite que les emplois sans aucun lien avec l'environnement (respectivement + 5,9 % contre + 6,9 %). La faute à la crise de 2008 qui aurait fortement touché le secteur du bâtiment, filière qui représente la plus grosse part de l'économie verte régionale (38 %).

Si les emplois verts progressent moins vite que prévu, force est de constater que le secteur du BTP tire son épingle du jeu. Touché par l'économie verte notamment via le marché de la rénovation, majoritaire dans la filière BTP (56 % de l'activité contre 44 % pour le neuf**), le secteur affiche de bonnes perspectives d'embauche. Les programmes comme Ma prime Renov (qui permet de financer des travaux d'isolation, de chauffage, de ventilation dans son habitation), ou dans le neuf, les réglementations environnementales (RE) comme la RE2020 pour la filière construction boostent le marché. À côté des orientations de l'État en faveur de la transition écologique, le secteur a entamé une mue plus profonde.

"Il y a un marché naissant, celui du réemploi des matériaux et du recyclage des déchets. Pour le réemploi il n'y a pas encore de réelles filières. Pour les mettre en place, il faut co-constuire avec les bureaux de contrôle, avec les assureurs, les maîtres d'ouvrage et après ça nous pourrons réemployer les matériaux. Tout est à créer sur ce sujet", explique Émile Noyer, président de la fédération du BTP Haute-Garonne.

Autre point à surveiller, l'émergence de matériaux bio-sourcés comme la terre crue, la paille ou encore le chanvre qui bouleverse les process. "Il ne faut pas nécessairement rechercher de nouveaux métiers, mais comprendre qu'ils évolueront. Les matériaux bio-sourcés amèneront à des compléments de qualification pour pouvoir les mettre en œuvre", ajoute Émile Noyer.

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LA MONTÉE EN PUISSANCE DES PROFILS GÉNÉRAUX

Aux côtés de filières qui nécessitent des compétences techniques très spécifiques, d'autres métiers verts sont en train d'émerger. C'est le cas de professionnels issus de filières pointues et très générales comme le constate certains bureaux d'études à l'image d'IDE. Depuis 30 ans, ce bureau d'études et de conseil en environnement accompagne des entreprises et des acteurs publics pour des projets environnementaux comme la construction de bâtiments durables, la gestion des déchets ou l'aménagement du territoire.

"On voit apparaître des profils qui vont venir de formation comme Sciences Po. Aujourd'hui c'est minoritaire, mais cela pourrait changer dans les années à venir parce que si nous avons besoin de profils techniques, scientifiques qui puissent comprendre les enjeux industriels, proposer des orientations pour la gestion de l'eau, nous avons aussi besoin de gens capables d'expliquer aux autres ce que font les spécialistes, d'expliquer la réglementation, de convaincre de la pertinence de tel ou tel projet", explique Marc Lafond, directeur général d'IDE.

Dans le secteur des énergies renouvelables, autre secteur clé des métiers verts, cette présence de profils généraux est une réalité palpable. Producteur français indépendant d'énergies renouvelables dont le siège est à Toulouse, Solveo, est une PME qui construit, exploite et finance des centrales de production d'énergies renouvelables. Elle est notamment à l'initiative (avec l'Arec et Ilek) de la création de "Mini champ solaire Occitanie", un projet de création d'une quarantaine de petites centrales photovoltaïques.

"Dans le domaine des énergies renouvelables, il y aura toujours un noyau d'ingénieurs mais il y a des secteurs comme le juridique ou la finance qui viennent se raccrocher aux métiers verts. Ils nous aident à identifier, développer les projets, et créer des modèles économiques", avance Pierre-Emmanuel Vergez, directeur général de Solvéo avant d'ajouter : "Un métier comme celui de la concertation est en train d'émerger, car l'enjeu est aussi sur l'acceptabilité des projets. Aujourd'hui, les métiers verts font consensus, tout le monde est d'accord sur le fait qu'il faut nous diriger vers ça mais il y a encore des difficultés à le faire comprendre dans les territoires", ajoute le dirigeant de Solvéo. Si, dans l'imaginaire, métiers verts est souvent synonyme de métiers très manuels ou très techniques, la révolution des métiers verts touchera tous les secteurs, même les moins attendus.

*L'école propose une formation diplomante au métier de menuisier-agenceur / **données de la Fédération française du bâtiment Haute-Garonne

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