RER toulousain : pourquoi cela n'avance pas malgré son potentiel ?

Le projet de réseau RER à Toulouse est aujourd'hui au point mort. Mais les nouvelles pistes, moins ambitieuses mais plus réalistes, de l'association Rallumons L'Étoile pourraient relancer la mobilisation des collectivités locales sur le sujet. Six lignes potentielles ont été identifiées et des entreprises s'intéressent à leur concrétisation.
Le RER à Toulouse, ce ne sera pas pour tout de suite.
Le RER à Toulouse, ce ne sera pas pour tout de suite. (Crédits : GONZALO FUENTES)

De part son dynamisme économique, Toulouse et son agglomération reçoivent quotidiennement une vague d'actifs importante. Selon une dernière étude sur le sujet menée par l'Insee en 2020, la Ville rose et les communes proches accueillent chaque jour 129.000 personnes qui viennent travailler alors qu'elles ne vivent pas sur la zone. Un chiffre qui ne cesse de croître selon l'institut. Seulement, un peu moins de 10% de ces "navetteurs" utilisent les transports en commun pour réaliser le trajet entre leur lieu de résidence et celui de leur travail.

Pour certains, ce contexte est une aubaine à leurs yeux, dont l'association "Rallumons L'Étoile", une organisation transpartisane qui porte depuis des années un projet de RER toulousain, auprès du grand public mais aussi des acteurs institutionnels. Dans son idéal, elle a identifié six axes potentiels.

Tout d'abord, à l'ouest de Toulouse, la ligne entre la gare Saint-Cyprien Arènes et l'Isle-Jourdain, qui passe par Colomiers et Brax pourrait être renforcée. Plus au nord, le collectif a identifié une ligne au départ de Toulouse Matabiau passant par Fenouillet, Saint-Jory, Castelnau-D'Estretefonds, Dieupentale et Montauban. Toujours au départ de  la gare centrale, une ligne vers Baziège et passant par Labège est sur la table. D'autres liaisons vers Muret-Carbone, Auterive et Saint-Sulpice sont aussi à l'étude.

RER Toulousain

Le réseau du RER toulousain imaginé par l'association Rallumons l'Etoile.

Un alignement des planètes en cours ?

Mais depuis la naissance de cette association indépendante en 2018 - qui dénombre 800 citoyens, une trentaine de communes et une quinzaine d'associations comme adhérents- les avancées notables sur le sujet sont quasiment inexistantes. Plusieurs raisons peuvent l'expliquer. Tout d'abord, la dynamique collective des collectivités locales concernées n'est pas en faveur du développement d'un réseau type RER toulousain.

Par exemple, pour Toulouse Métropole et son bras armé sur les mobilités Tisséo, ce n'est pas une priorité. Les intéressés par ce projet n'ont pas oublié la sortie face à une poignée de journalistes de Jean-Luc Moudenc, le maire de Toulouse et président de la Métropole, à propos d'un éventuel RER toulousain. "Le RER, on agite ça comme un totem. Une sorte de rêve, de fantasme... Mais si on regarde tout le réseau de train en Occitanie, c'est 66.000 voyageurs par jour, quand la seule ligne A (du métro de Toulouse, ndlr), c'est trois fois plus de passagers !", avait-il déclaré au début de l'été. Par ailleurs, la priorité de la majorité métropolitaine depuis 2014 en matière de transports a toujours été la naissance de la troisième ligne de métro, dont les travaux commencent à peine.

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"Sur le principe, un réseau toulousain composée de sa troisième ligne de métro et d'un réseau RER, ce serait un réseau qui aurait beaucoup plus de vertus. Mais nous relevons quatre questions autour de ce projet et il faut avancer dessus avec lucidité. Il y a tout d'abord la question du coût de construction. Selon une étude, l'axe nord vers Montauban est estimé à 700 millions d'euros et l'ensemble du projet à plus de trois milliards. Des points restent aussi à éclaircir sur sa temporalité et le nombre de passagers, tout comme la question des coûts de fonctionnement. Un RER c'est quatre fois plus cher qu'un métro en coût de fonctionnement", expose Jean-Michel Lattes, adjoint au maire de Toulouse et président de Tisséo.

Du côté du conseil régional d'Occitanie, la priorité de sa présidente Carole Delga depuis son élection a toujours été la concrétisation des deux lignes LGV, entre Toulouse et Bordeaux ainsi que Montpellier-Perpignan. Tout d'abord, parce qu'elles sont attendues depuis le début du siècle par les habitants de la région, et surtout, l'élue a répété à plusieurs reprises qu'un RER toulousain n'est possible techniquement que si les aménagements ferroviaires du nord toulousain (AFNT) sont réalisés en raison de la saturation du réseau ferroviaire existant. Dans le cadre du chantier de la LGV Toulouse-Bordeaux, ce point figure bien au programme et rend donc possible techniquement le projet à terme. Mais dans les rangs de l'association Rallumons L'Étoile, on estime que plusieurs éléments rendent encore plus probables des avancées politiques concrètes dès les prochains mois.

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"L'Etat et le conseil régional ont commandé des études sur le sujet à la SNCF pour huit millions d'euros. Par ailleurs, la région négocie actuellement avec la SNCF la future convention TER 2023-2027 qui pourrait permettre de mettre plus de trains sur le réseau. Enfin, la région et l'État discutent actuellement autour du futur CPER 2023-2027 (contrat de plan État-région) qui pourraient inclure certains travaux sur le réseau", liste Benoit Lanusse, le président de l'association.

Stratégie politique du petit pas pour une vraie avancée à court terme ?

D'ores et déjà, pour sortir de cette impasse, Rallumons L'Étoile a revu à la baisse ses ambitions face aux discours et points de blocage émanant des collectivités locales. "On propose désormais un projet plus pragmatique", reconnaît Benoit Lanusse. Fini la volonté d'un train toutes les quinze minutes sur l'ensemble du réseau. Place désormais à l'amélioration de l'existant dans un premier temps et un cadencement par étape. Une première phase pourrait mener jusqu'en 2029 afin de coïncider avec l'ouverture supposée de la troisième ligne de métro à Toulouse.

"Les avancées que connaissent les projets de RER sur Bordeaux (optimisation d'une ligne existante entre Arcachon et Libourne et lancement d'une concertation publique le 20 septembre, ndlr) et Strasbourg (un "choc de l'offre" à partir de décembre, ndlr) peuvent être des inspirations pour Toulouse. La première phase du RER toulousain pourrait consister à cadencer les lignes à l'heure voire la demi-heure, de 5 heures à minuit, par étapes et pour des coûts compatibles avec le financement de la troisième ligne de métro", propose le président de Rallumons L'Étoile.

Par exemple, comme axe de travail et d'amélioration à court terme, Benoit Lanusse met sur la table un meilleur cadencement (toutes les 30 minutes) de la ligne Saint-Cyprien Arènes - Brax/Léguevin, en direction de l'Isle-Jourdain et Auch (Gers), et ce de 5 heures à minuit, tandis que le dernier train aujourd'hui est à 20h21.

"La région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée, qui a reçu l'association le 7 juillet dernier, en présence de Jean-Luc Gibelin, vice-président chargé des transports, rappelle sa volonté de poursuivre ces échanges sur le futur de l'étoile ferroviaire de Toulouse. Elle souligne par ailleurs le caractère plus réaliste du nouveau scénario avancé par l'association. La capacité du nœud de Matabiau à absorber l'augmentation du nombre de trains venant du sud de l'étoile ne permet pas, en l'état actuel des infrastructures, de développer le niveau de service selon les principes envisagés dans les premiers scénarios proposés par Rallumons l'Etoile. Cette alternative tient donc compte des arguments techniques avancés par la région et constitue une base de travail plus réaliste", commente le conseil régional sollicité par La Tribune qui rappelle "sa détermination à voir aboutir ce RER toulousain" après avoir déjà rajouté une quarantaine de trains par jours sur l'étoile ferroviaire depuis 2020.

"Cette base de travail plus réaliste" sera sans aucun doute débattue à l'occasion du prochain "G5" mis en place depuis quelque temps par le préfet de région, Étienne Guyot. Ce consortium, qui réunit l'État, Tisséo, Toulouse Métropole, le conseil régional et le conseil départemental de Haute-Garonne, étudie les questions multimodales autour des transports dont le sujet du RER toulousain. Le collectif doit d'ailleurs se réunir une nouvelle fois au mois de novembre ou de décembre. "Il est donc faux de dire qu'il ne se passe rien à ce propos. La collaboration existe déjà", appuie Jean-Michel Lattes, qui tient également à souligner que le conseil régional d'Occitanie participe au financement de la troisième ligne de métro parce qu'elle desservira cinq gares ferroviaires et donc rend compatible le réseau Tisséo avec un potentiel RER toulousain. Quant à l'avenir de celui-ci, le "monsieur transports" de la majorité locale a son idée. "L'axe nord vers Montauban est celui qui me semble le plus probable en raison des futurs aménagements ferroviaires via la LGV Toulouse-Bordeaux. Il faut avancer dans les études et prioriser les axes à réaliser", juge le président de Tisséo.

Cet axe intéresse grandement Liebherr Aerospace, qui emploie plus de 2.000 personnes sur ses sites de Toulouse et Campsas. Elle vient même d'adhérer à l'association Rallumons L'Étoile et rejoint ainsi le Medef Haute-Garonne, aussi adhérent.

"L'objectif de cette adhésion est de promouvoir une meilleure desserte en train de la région toulousaine, et en particulier pour Liebherr-Aerospace Toulouse, d'augmenter la fréquence des trains aux gares de Lacourtensourt et de Dieupentale, les plus proches des sites de Toulouse et Campsas (...) Ce RER serait une vraie opportunité pour l'entreprise, avec des trains cadencés avec des arrêts à la station de métro La Vache et la gare Matabiau d'un côté et Montauban de l'autre (même si moins cadencé). Déjà une centaine de salariés utilisent le train pour les déplacements domicile - travail", commente la société.

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