Sigfox en difficulté, quel avenir pour le campus de l'IOT Valley près de Toulouse ?

Porte-étendard de la création d'une "Silicon Valley des objets connectés" près de Toulouse, Sigfox vient d'être placé en redressement judiciaire. Un coup dur qui ne freine pas la construction à proximité de ses locaux d'un campus de 20.000 m2 dédié à l'internet des objets et plus largement à la data industrielle. Le projet à 42 millions d'euros doit aboutir en 2023.
Le campus de l'IOT Valley doit accueillir 1.200 personnes dans un bâtiment de six étages.
Le campus de l'IOT Valley doit accueillir 1.200 personnes dans un bâtiment de six étages. (Crédits : Jean-Paul Viguier & Associés)

"Rien n'a changé, la pertinence du projet est toujours là. Je crois beaucoup au potentiel de l'IOT Valley pour la ville et la région", indiquait à La Tribune en février 2021 Ludovic Le Moan. Sigfox, l'entreprise qu'il a co-fondé en 2010 venait d'annoncer son remplacement au poste de PDG, mais le dirigeant a conservé depuis la présidence de l'IOT Valley.

Ce regroupement d'entreprises a émergé à Labège, près de Toulouse, autour du siège social de la pépite très médiatisée. En 2015, le Sicoval (communauté d'agglomération du sud-est toulousain) a racheté les huit hectares de l'ancien siège de Sanofi avec l'ambition de profiter de l'essor important de Sigfox pour attirer des centaines de startups et créer "une vallée des objets connectés".

Un campus de 20.000 m2 sur six étages

Très vite, Sigfox et les startups de l'IOT Valley se sont retrouvées à l'étroit dans leurs 13.000 m2 de locaux à Labège d'autant que l'écosystème réunissant 700 collaborateurs en 2018 affiche alors d'importantes perspectives de recrutement. Alors que Ludovic Le Moan espérait à l'origine un programme occupant les huit hectares de l'ex-terrain de Sanofi, les collectivités optent finalement pour un projet plus modeste, avec tout de même un hectare de surface au sol.

Le campus de 20.000 m2 doit accueillir 1.200 collaborateurs et une centaine de startups dans un bâtiment de six étages. Le budget de l'opération est alors chiffré à 42 millions d'euros (dont 8 millions d'emprunt). La région Occitanie y met 15 millions d'euros, tout comme la Caisse des dépôts et la Caisse d'Épargne.

Mais un an après le départ de son dirigeant emblématique, Sigfox fait face à nouveau coup dur avec l'annonce le 26 janvier dernier de son placement en redressement judiciaire, la société ayant accumulé plus de 150 millions d'euros de dettes fin 2020.

Lire aussi 5 mnInternet des objets : Sigfox en redressement judiciaire

Lire aussi 6 mnSigfox :ces mauvais résultats financiers qui ont mené au redressement judiciaire

Une emprise de Sigfox réduite ?

Les difficultés de Sigfox vont-elles contraindre à revoir le projet à la baisse ? Aucunement d'après Laurent Chérubin, maire de Labège et responsable du développement économique au sein du Sicoval : "L'ambition du bâtiment, ne sera pas modeste. La force d'énergie et la qualité du bâtiment portée par la région est exemplaire. C'est un totem d'innovation", plaide-t-il.

Même son de cloche du côté de Sylvie Vergez, directrice générale de l'association IOT Valley. "La continuité du réseau Sigfox sera assurée. Notre seule interrogation porte sur le nombre d'emplois qui seront sauvegardés par le futur repreneur", indique-t-elle. Après un PSE portant sur 47 suppressions de postes (dont 25 départs volontaires) à l'automne 2020, Sigfox compte aujourd'hui 350 salariés. "Nous espérons que l'impact de la reprise sera le plus mesuré possible mais en fonction du nombre de personnes qu'il faudra accueillir, il pourrait y avoir une diminution des mètres carrés réservés par Sigfox sur le nouveau campus", ajoute-t-elle. Malgré cette inconnue, "le bâtiment sera rempli sans aucun souci", assure Laurent Chérubin.

De toute manière, la construction du futur campus est déjà engagée depuis début 2021. Elle doit se terminer au premier semestre 2023 avec une entrée dans les locaux programmée en fin d'année, le temps d'aménager les locaux.

L'organisation définitive du futur bâtiment sera actée au cours de l'assemblée générale de l'IOT Valley au mois de mai. Pour l'instant, il est prévu que le rez-de-chaussée accueille le programme d'accélération de l'IOT Valley qui accompagne les startups les moins matures. Le premier et deuxième étage seront dédiés à l'hébergement des 40 startups de l'IOT Valley. Les étages supérieurs pourraient être utilisés pour accompagner les entreprises du territoire dans leur démarche d'innovation autour de la donnée industrielle. "Nous avons des demandes de partenaires industriels qui souhaiteraient mettre leurs équipes de façon temporaire, parfois au sein de l'écosystème, pour bénéficier des expertises de l'IOT Valley", indique Sylvie Vergez. 20 grands comptes soutiennent déjà le projet à l'image de Total Énergies, le groupe Spie, la SNCF, etc.

Des objets connectés à la data industrielle

Les difficultés de Sigfox renforcent en tout cas le virage déjà engagé par le projet vers la data industrielle. Plus question de parler de "Silicon valley des objets connectés", le futur campus a été rebaptisé officieusement d'ailleurs "data valley".

"L'idée, c'est vraiment de pouvoir adresser toute la chaîne de valeur de l'IOT. Nous étions au départ beaucoup positionnés sur la création de hardware pour extraire de la donnée. La volonté désormais c'est de pouvoir accueillir des projets qui sont sur l'extraction, le traitement et la valorisation de cette donnée en se positionnant davantage sur le machine learning, l'intelligence artificielle", développe Sylvie Vergez. 

Illustration de cette diversification, l'IOT Valley compte parmi ses startups aussi bien l'opérateur de paris sportifs en ligne France Paris que le spécialiste des drones d'inspection Donecle. Parmi les 40 startups de l'écosystème, une demi-douzaine font reposer leurs produits et services IOT sur la technologie Sigfox. "À la création de notre startup, le réseau Sigfox était notre unique réseau de communication. Depuis nous nous sommes diversifiés mais Sigfox reste le principal réseau de communication pour les objets qu'on vend", témoigne le dirigeant de l'une d'entre elles. Pour autant, le redressement judiciaire de la société ne met pas en péril son activité :"À court terme, l'image de Sigfox en pâtit et nos clients peuvent être inquiets. À nous de les rassurer car nous pensons au contraire que l'avenir sera plus stable avec un nouveau repreneur comme un gros opérateur téléphonique qui fait des dizaines de milliards de chiffre d'affaires."

L'IOT Valley assure que sa capacité à attirer des startups au-delà de Toulouse reste intacte. "Nous avons accueilli encore récemment une société californienne et une autre brésilienne. Nous attirons ces startups parce que nous avons l'expertise sur l'industrialisation de la donnée des objets", conclut Sylvie Vergez.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.