Centre commercial Val Tolosa : énième bataille judiciaire…jusqu’à quand ?

Le méga centre commercial qui aurait dû voir le jour sur la commune de Plaisance-du-Touch, proche de Toulouse, est devenu au fil des ans un feuilleton judiciaire. Alors qu’en décembre dernier, la cour administrative de Bordeaux a confirmé l’annulation de deux arrêtés préfectoraux favorables au projet, il fait encore l’objet de querelles administratives. Mais dans les rangs de l'opérateur Unibail-Rodamco, l'idée d'une refonte totale du projet ou de son abandon semble prendre de l'épaisseur. Analyse de la situation et explications.
Prévu non loin de Toulouse, le projet de centre commercial Val Tolosa bientôt enterré ?
Prévu non loin de Toulouse, le projet de centre commercial Val Tolosa bientôt enterré ? (Crédits : Reuters)

C'est un projet de méga centre commercial qui a fait couler beaucoup d'encre, partageant depuis plus de 15 ans une commune en deux camps. À Plaisance-du-Touch, près de Toulouse, le dossier Val Tolosa est devenu au fil des ans une bataille judiciaire dont l'épilogue est à ce jour loin d'être dessiné.

63 000 m2 de surface de vente avec un hypermarché, une centaine de boutiques et un grand magasin, l'ambitieux plan initié par le groupe d'immobilier commercial Unibail-Rodamco, aurait dû se matérialiser en un mega centre commercial. Mais ce projet, basé sur le Plateau de la Menude, un site situé sur cette commune de 20 000 habitants était-il celui de trop dans la périphérie de Toulouse ?

C'est en tout cas l'avis de la justice. Le 29 décembre dernier, la cour administrative de Bordeaux a confirmé l'annulation de deux arrêtés préfectoraux pris en faveur du projet, ne les considérant pas d'intérêt public majeur. L'un portait sur l'emprise de la route départementale 924 qui devait desservir Val Tolosa, l'autre accordait une dérogation pour détruire des espèces protégées, au total 47 espèces végétales et animales présentes sur le site.

"Ce projet n'avait aucune pertinence. La région toulousaine est saturée de centres commerciaux et le site présente des espèces protégées. C'est quelque chose qu'il faut avoir en tête, quand on consomme de l'espace, on détruit des espèces. Soit, des espèces qui en apparence sont banales, mais dont on s'aperçoit qu'elles sont en réalité en voie de disparition, soit des espèces qui sont protégées", avance Thierry de Noblens, président de l'antenne Midi-Pyrénées de France Nature Environnement (FNE).

Cette association de défense de l'environnement a rejoint la lutte que mène le collectif Non à Val Tolosa contre le projet de méga centre commercial. Car dans le dossier Val Tolosa, le terme de lutte n'est pas exagéré, au regard de la chronologie des événements. Le projet, dans les cartons d'Unibail-Rodamco (le groupe est devenu Unibail-Rodamco Westfield soit URW après le rachat de l'australien Westfield Group en 2018) depuis près de deux décennies, fait l'objet d'une longue bataille judiciaire.

De défaite en défaite

Le groupe qui a vu plusieurs de ses hauts cadres cultiver des relations étroites avec le parti politique fondé par l'actuel président de la République - à l'image de Benjamin Griveaux, ancien secrétaire d'État et ancien porte parole du gouvernement, qui fut directeur de la communication du groupe entre 2014 et 2016 ou encore Astrid Panosyan, co-fondatrice d'En Marche et conseillère d'Emmanuel Macron quand ce dernier était à Bercy, toujours employé par le groupe en tant que directrice générale des fonctions centrales - n'en finit pas d'essuyer les revers judiciaires.

Depuis 2006, le promoteur aux 89 centres commerciaux, implanté dans 12 pays, a vu plusieurs de ses permis de construire se faire annuler. Avec à chaque fois, des suites judiciaires qui ne sont pas en sa faveur. Comme c'est le cas des arrêtés préfectoraux pris en faveur du groupe qui se voient eux aussi être rétoqués par la justice.

Cela fut le cas en juillet 2017 avec l'annulation par la cour administrative de Bordeaux d'un arrêté préfectoral autorisant la destruction des espèces protégées sur le site de Plaisance-du-Touch. En décembre de la même année, c'est le Conseil d'État qui annulait un permis de construire, le deuxième déposé par Unibail-Rodamco.

L'année suivante, même scénario avec l'annulation par le tribunal administratif de Toulouse le 7 septembre 2018 des deux arrêtés préfectoraux concernant le site en lui-même et la route qui aurait dû le desservir. Le 24 juillet 2019, c'est le Conseil d'État qui confirmait l'annulation (validé auparavant par les tribunaux de Toulouse et Bordeaux) du premier arrêté préfectoral en date du 29 août 2013.

Lire aussi : Val Tolosa : le Conseil d'État rejette "l'intérêt public majeur" du centre commercial

Et alors que l'énième défaite judiciaire du groupe en date du 29 décembre dernier éloigne de plus en plus la perspective que Val Tolosa sorte un jour de terre, le groupe reste très mystérieux lorsqu'on l'interroge sur ce qu'il compte faire du site dont il est propriétaire.

"Le groupe URW a pris note de la décision du Conseil d'Etat et étudie les différentes options envisageables pour l'avenir du site", répond-t-il à La Tribune ajoutant que "d'autres procédures sont par ailleurs toujours en cours".

Que faire après la bataille judiciaire ?

"Nous ne sommes pas surpris par leur position, ils vont aller au bout des procédures judiciaires. Il y a encore une procédure en cours pour le troisième permis de construire qui a été signé en août 2016", note Patrick Gaborit, co-président du collectif Non à Val Tolosa avant de s'interroger sur les suites du dossier. "On ne s'est pas battus pendant 15 ans pour rien. Nous aimerions qu'il y ait un aménagement intelligent du site".

Car procédures judiciaires encore en cours ou pas, le devenir du site de la Ménude interroge. Dans un document édité par le groupe sur ses résultats annuels et consulté par la rédaction de La Tribune, le projet Val Tolosa figure dans la liste des projets supprimés et/ou qui nécessitent "une redéfinition majeure".

Du côté politique, Philippe Guyot, maire de Plaisance-du-Touch a ardemment soutenu le projet de mega centre commercial avant d'annoncer publiquement en 2019 qu'au vu des décisions judiciaires, il fallait se résoudre à l'abandon du projet. L'édile, sans étiquette, encarté au Parti Socialiste de 1996 à 2018 avant d'être soutenu par LREM aux dernières élections municipales a des idées pour le futur du site.

"On a demandé à Unibail de réfléchir à la suite. C'est eux qui auront la clé. Si j'avais le droit de rêver, je penserai par exemple à une gamme d'industries innovantes dans la transition écologique. C'est une proposition que l'on a faite au bailleur, mais nous n'avons pas eu de réponse", avance Philippe Guyot avant de jouer la carte du pragmatisme : "Pour moi, l'écologie, cela ne peut pas combattre les emplois".

À l'heure où nombre de municipalités affichent leur soutien aux petits commerçants durement touchés par la crise sanitaire, les méga-centres commerciaux et leur modèle économique apparaissent désormais datés. Mais là où il est de bon ton pour les élus de prendre des engagements en faveur de l'écologie, quid des grands groupes comme URW ? Dans le dossier Val Tolosa, la réponse risque de se faire encore attendre.

Lire aussi : Les market places localisées, nouvel allié du commerce de proximité à Toulouse ?

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