À Toulouse, "l’année est terminée" pour la filière événementielle

À l’arrêt depuis de six mois, l’activité de la filière événementielle ne semble pas près à repartir. De plus, la préfecture de Haute-Garonne vient de durcir ses restrictions sanitaires, en interdisant les événements rassemblant plus de 1000 personnes sur le département. Un nouveau coup dur pour un secteur à bout de souffle qui dénombre une perte de huit millions d'euros de chiffre d'affaires par semaine dans la Ville rose. Dans une interview à La Tribune, Pierre Garrigues, fondateur de PGO et vice-président de l’association Events31 (regroupant près de 200 entreprises), dévoile les revendications des professionnels pour préserver l’emploi.
Les professionnels toulousains de l'événementiel et du spectacle se sont mobilisés autour de l'action symbolique nationale Alerte Rouge le 16 septembre.
Les professionnels toulousains de l'événementiel et du spectacle se sont mobilisés autour de l'action symbolique nationale Alerte Rouge le 16 septembre. (Crédits : Rémi Benoit)

La Tribune : le secteur de l'événementiel a été le premier impacté par la Covid-19, et ce, bien avant le confinement. Aujourd'hui encore, les activités des professionnels ne sont pas reparties à 100 %. Quel bilan faites vous de cette crise sanitaire et économique sans précédent ?

Pierre Garrigues : Fin février voire début mars, nous, professionnels, avons décidé de nous rassembler et de se structurer sous le collectif Events31 pour faire face à la crise sanitaire. Malheureusement, six mois sont passés et nous sommes toujours là, à défendre nos métiers. Logiquement nous serons les derniers à repartir puisque nous rassemblons les gens.

À Toulouse, la filière représente près de 3 000 emplois directs et 6 000 emplois indirects. Sur tous les secteurs d'activité concernés (traiteurs, prestataires techniques, sites d'accueil, agences événementielles, hôteliers, etc), et sur l'aire urbaine de Toulouse, nous notons une baisse du chiffre d'affaires allant de 60 à 100 % depuis le début du confinement. La filière perd près de huit millions d'euros par semaine depuis le mois de mars. D'après les chiffres récoltés par Events31, nous prévoyons un affaiblissement de chiffre d'affaires de 50 à 85 % sur l'exercice 2020. De plus, pour l'année à venir, nous allons repartir sur des prévisionnels qui se situent entre 20 % et 30 % de ce qui été réalisé en 2019. Qui peut résister à cela ? Aujourd'hui, certaines entreprises déposent le bilan.

Enfin, il y a un sujet tout aussi important que l'aspect économique et dont peu parlent, c'est la détresse morale. C'est très difficile de continuer à se battre pour qu'au final, tout ce que l'on fait aujourd'hui soit, neuf fois sur dix, défait le lendemain. Nous naviguons à vue depuis des mois.

alerte rouge

Le 16 septembre, la filière événementielle toulousaine s'est mobilisée autour de l'opération nationale Alerte Rouge (Crédits : Rémi Benoit).

Ce lundi 21 septembre, face à une augmentation défavorable des taux d'incidence  à Toulouse et en Haute-Garonne, la préfecture, a décidé d'interdire tous les événements rassemblant plus de 1 000 personnes. Comment réagissez-vous à cette annonce ?

Il est temps que nos métiers soient consultés, de mettre en place des réunions de travail communes avec des experts en la matière avant que ce genre de décisions soient prises. Entre tout et rien, il y a des choses qui peuvent être créées. Il faut que l'État nous dise clairement si nous pouvons exercer ou non, plutôt que de laisser les gens travailler, espérer.

Il y a deux poids, deux mesures. D'un côté, nous avons des étudiants qui sont entassés dans des salles de classe et de l'autre, des professionnels dont le métier est d'encadrer et de mettre en sécurité les gens qui ne sont pas autorisés à travailler. Cela manque totalement de logique.

Quelles sont les répercussions de cette interdiction sur la filière toulousaine ?

C'est une décision tragique pour les organisateurs et les exposants de la Foire internationale de Toulouse qui devait avoir lieu du 26 septembre au 5 octobre (après un report) et qui a malheureusement été annulée. Pourtant, vendredi 18 septembre, le préfet disait encore que la Foire pouvait avoir lieu. De ce fait, l'événement a commencé à être monté, des gens sont venus travailler et ont engagé des frais pour au final recevoir la nouvelle restriction lundi 21 septembre. Pourquoi ne pas avoir annoncé la limite des rassemblements avant ? Que s'est-il passé en un week-end ? Un événement comme celui-là, ne peut pas être rentable avec seulement 1 000 personnes présentes simultanément sur un site en incluant les exposants et le personnel. C'est impossible. Nous parlons de millions d'euros de pertes.

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Globalement, l'année est terminée pour nous. Là, la situation sanitaire ne s'améliore pas ce qui a pour conséquence une annulation quasi-totale des événements qui devaient se tenir de septembre à décembre 2020 et le premier semestre trimestre 2021.

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(Crédits : Rémi Benoit).

Le plan de relance économique de 100 milliards d'euros présenté par l'État est destiné à limiter les pertes financières, alléger les charges et accélérer la reprise d'activité. Est-il à la hauteur de vos attentes ?

Évidemment, mettre 100 milliards d'euros sur la table n'est pas neutre, donc nous ne pouvons pas dire que ce n'est pas une bonne chose. Cependant, il est difficile d'amener cela à sa filière. Nos représentants syndicaux au niveau national, travaillent actuellement avec l'État et notamment Bruno Le Maire (ministre de l'Économie) pour établir un plan de relance propre à notre activité, à l'image de celui mis en place pour le secteur aéronautique.

Que demandez-vous au gouvernement ?

Premièrement, il est urgent que l'État nous donne un cadre de travail ou pas avec un protocole spécifique. Le Synpase (Syndicat national des prestataires de l'audiovisuel scénique et événementiel) a demandé au gouvernement une extension de l'exonération des charges sociales et du chômage partiel sans reste à charge, ainsi que des exonérations ou allègements fiscaux jusqu'au 31 décembre 2021. De notre côté, Events31, nous souhaitons des délais de remboursement de PGE beaucoup plus importants, sinon, certains seront dans l'incapacité de repayer. S'ajoute à cela, la mise en place d'un fonds qui pourrait amortir les pertes de chiffre d'affaires.

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Avez-vous des suggestions pour améliorer la situation ?

Nous entrons dans une période d'élections départementales et régionales, ce qui signifie que toutes les commandes publiques sont gelées. Nous comprenons tout à fait qu'il y ait un temps politique, cependant, nous proposons de maintenir la commande publique sur la période des élections ainsi qu'une réorientation de celle-ci (externalisation d'événements internes, systématisation acompte, délai de règlements raccourcis, etc). De plus, nous proposons à la Ville, la Région et au Département d'accorder chaque manifestation à des sociétés différentes pour palier la pénurie d'événements.

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(Crédits : Rémi Benoit).

Le 16 septembre dernier, la filière événementielle toulousaine s'est mobilisée autour de l'opération nationale Alerte Rouge. Cette initiative consistait notamment à éclairer en rouge plusieurs lieux emblématiques de Toulouse afin de sensibiliser les pouvoirs publics sur la situation. Comptez-vous renouveler ce type d'actions ?

Alerte Rouge défend les intérêts de la profession qui est touchée de manière conséquente. La situation est grave certes, mais nous passons nos journées à essayer de trouver des solutions, des idées pour sauver nos métiers tout en suivant les restrictions sanitaires qui sont la priorité. Cette opération n'est qu'une parmi tant d'autres. Nous comptons les renouveler dans les semaines, mois à venir. Les temps sont compliqués, mais la profession est plus que jamais unie et fait front.

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