Toulouse a-t-elle assez d'atouts pour accueillir l'Agence européenne du médicament ?

Toulouse sera-t-elle choisie, à l'échelle nationale, pour tenter d’accueillir l'Agence européenne du médicament ? Cette institution, basée à Londres, va être relocalisée dans un autre pays de l'UE, en raison du Brexit. Les associations de patients ont des revendications pointues et d'autres capitales européennes sont en lice. L'enjeu est énorme : 900 emplois. Toulouse a-t-elle suffisamment d'atouts ?
L'Oncopole, à Toulouse

C'est une des conséquences du Brexit : l'Agence européenne du médicament (AEM, ou EMA en anglais) va devoir quitter Londres. Plusieurs pays ont fait savoir leur intérêt pour héberger ce gendarme européen du médicament (Belgique, Italie, Espagne, Danemark, Suède) et, en France, plusieurs villes sont candidates : Lens, Lille, Lyon, Nice, Strasbourg, Paris, Montpellier, et... Toulouse.

Au niveau national, le grand oral était hier, jeudi 14 avril, à Paris. Daniel Rougé, adjoint au maire de Toulouse en charge des relations avec les acteurs de la santé, a défendu le dossier toulousain avec Jean-Claude Dardelet, conseiller municipal en charge des Affaires européennes, et Benjamin Gandouet, directeur de l'Oncopole à Toulouse Métropole, devant un jury présidé par l'ancienne ministre de la Recherche, Geneviève Fioraso et François Philizot, délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine.

L'enjeu est colossal : 900 emplois à la clé et de nombreux congrès organisés, avec ce que cela implique en termes de retombées économiques (nuits d'hôtels, restauration, loisirs). Par ailleurs, l'Agence européenne du médicament est une source de rayonnement international pour la ville qui l'accueille car elle y fait venir des experts scientifiques internationaux et elle emploie des salariés hautement qualifiés (et au fort pouvoir d'achat). Son déménagement pourrait également provoquer celui de certaines industries pharmaceutiques, qui suivraient l'agence dans son nouveau pays pour des raisons de proximité et de business. À Toulouse sont déjà présents les Laboratoires Pierre Fabre et Evotec.

Le verdict tombera la semaine prochaine et l'on saura si la France choisit Toulouse pour tenter sa chance face aux autres villes européennes. Parmi elles, Barcelone, une sérieuse concurrente : en 1992, la capitale catalane avait déjà proposé d'accueillir l'agence, mais avait fini à la deuxième place derrière Londres. In fine, c'est Michel Barnier, négociateur en chef de la Commission chargé de la conduite des négociations avec le Royaume-Uni, qui devrait prendre la décision, en accord avec les États de l'Union européenne.

L'accueil, au cœur des atouts de Toulouse

Dès octobre 2016, lors d'un conseil métropolitain de Toulouse Métropole, le groupe majoritaire avait déjà déposé un vœu, exprimant son souhait de porter la candidature de Toulouse pour l'accueil de l'AEM.

"La candidature de Toulouse Métropole comporte des atouts indéniables, écrivent les élus. En premier lieu, nous disposons d'un formidable potentiel scientifique et la qualité du tissu médical de notre agglomération est reconnue bien au-delà de nos frontières. À cela s'ajoute l'environnement 'cloud computing' ou numérique et les compétences de Toulouse dans l'utilisation des données mathématiques.

Nous offrons ensuite une implantation sur un site entièrement dédié à la recherche et aux soins : l'Oncopole, qui rassemble sur un même lieu des compétences publiques et privées. Enfin, notre position géographique et nos moyens de communication : aéroport international au cœur de l'Europe, future LGV... rendent d'autant plus pertinente notre candidature."

L'Oncopole est en effet un argument de taille pour Toulouse. Ce campus de 100 hectares est unique en Europe car il réunit les acteurs régionaux impliqués dans la lutte contre le cancer et l'innovation en santé : soignants, chercheurs publics, universitaires, chercheurs privés, entrepreneurs. "Mais ce n'est pas l'atout que nous avons mis le plus en avant lors de notre présentation hier, indique Daniel Rougé. Le jury connait l'existence de l'Oncopole. Nous avons préféré insister sur notre capacité, connue et expérimentée, à accueillir des salariés européens à Toulouse, notamment via Airbus."

Toulouse dispose en effet d'une expertise dans l'accueil de sièges internationaux d'entreprises et de salariés européens, avec Airbus, ATR, ou Akka Technologies, mais aussi d'importantes antennes du Cnes et de Siemens, et plus récemment, d'Hyperloop TT.

"Tout le monde ne peut pas pas accueillir 900 salariés et leurs familles dans de bonnes conditions. Nous avons à Toulouse deux fois plus de crèches que la moyenne nationale, des écoles, collèges et lycées internationaux, de l'emploi pour les conjoints des salariés, un immobilier à un prix abordable. 9 000 personnes arrivent chaque année à Toulouse", vante Daniel Rougé.

En termes d'accueil de manifestations internationales, Toulouse se classe 4e ville de France avec, en tête des secteurs représentés, les congrès scientifiques académiques (50 %), le médical et la santé (20 %).

 Problème : l'accessibilité ?

Ces atouts seront-ils suffisants pour Toulouse ? Plusieurs associations européennes de patients se sont inquiétées, dans un courrier datant du 11 avril, que le futur lieu ne soit pas suffisamment accessible. " Un aéroport international avec des vols quotidiens, directs et à prix raisonnables , est nécessaire, souligne la lettre. Le coût du vol est également un facteur important, impactant sur le budget de l'agence, mais aussi pour les représentants des patients et des consommateurs qui sont tenus de couvrir leurs propres coûts."

Les associations de patients demandent aussi des transports sûrs, efficaces et peu chers entre l'aéroport et l'agence, ainsi que des hôtels abordables à proximité. Plusieurs milliers de personnes en provenance de toute l'Europe, voire du monde, se rendent chaque année à l'Agence européenne du médicament.

"Notre aéroport est de dimension européenne, et nous militons, avec le soutien du gouvernement, pour avoir une ligne directe pour les USA car notre infrastructure le permet", indique l'élu, même si pour le moment,  Toulouse-Blagnac ne rivalise en aucun cas avec les aéroports de Londres, Paris ou Amsterdam. Mais, encore (trop) peu considérée comme une capitale européenne, la Ville rose pourra-t-elle rivaliser avec Barcelone (ou Francfort, Berlin, Madrid, Bruxelles, Amsterdam...) ? L'AEM, dont tous les documents et publications sont en anglais, ne serait-elle pas pénalisée par l'environnement francophone ?

Dans quelques jours, on saura si Toulouse représentera la France dans cette compétition. En attendant, Daniel Rougé est prudent :"ce que je sais, c'est que lors de notre présentation, nous n'avons pas été à côté de la plaque. Nous avons été écoutés et entendus. On croise les doigts."

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