"Nous avons compris que le président de la SNCF ne nous aiderait pas, le ministre des Transports a été assez passif au cours des derniers mois sur le dossier de la LGV. Je regrette par ailleurs le blocage de la région Nouvelle-Aquitaine sur les crédits qui devaient être débloqués en mai... Mais je ne peux pas accepter l'idée que Toulouse soit la seule grande ville écartée du réseau national et européen", a interpellé le président de Toulouse Métropole Jean-Luc Moudenc en ouverture du Sommet Économique Occitanie/Nouvelle-Aquitaine organisé ce jeudi 23 mars par La Tribune Toulouse.
À trois mois du lancement de la ligne LGV Tours-Bordeaux qui va relier la capitale aquitaine à Paris en 2h15, la question du prolongement de cette ligne jusqu'à Toulouse (dont la mise en service était prévue à l'origine pour 2024) crispe les esprits. Le 14 mars dernier, le PDG de la SNCF Guillaume Pepy a déclaré sur France Inter que le chantier Tours-Bordeaux serait "le dernier pour le moment".
Les propos de Guillaume Pepy ne passent pas
Dix jours après la prise de position de Guillaume Pepy, ses propos restent dans les esprits des décideurs toulousains. "Je voudrais rappeler que le PDG de la SNCF n'est pas décisionnaire sur ce dossier, contrairement à l'État et aux collectivités locales", a souligné la présidente de Région Carole Delga, qui a assuré qu'elle ne "lâcherait rien". Plus lapidaire, Jean-Louis Chauzy, président d'Eurosud transport et du Ceser Occitanie a lancé : "L'idée de Guillaume Pepy est de ne rien faire. Il aurait mieux fait de ne rien dire."
De son côté, Bernard Uthurry, le vice-président du Conseil régional Nouvelle-Aquitaine en charge du développement économique a déclaré : "Guillaume Pepy a eu une prise de position brutale alors que le premier bénéficiaire de la ligne, c'est bien la SNCF via la redevance versée par les collectivités". L'élu a réagi par ailleurs aux propos de Jean-Luc Moudenc en précisant que "la LGV Bordeaux-Toulouse restait une priorité pour la Région Nouvelle-Aquitaine".
Le serpent de mer du financement du projet
Pour Carole Delga, la ligne à grande vitesse est "indispensable pour la région, sinon nous serons considérés dans 20 ans comme la région des Pouilles en Italie. C'est une très jolie région certes, mais il n'y a pas là-bas Airbus ou Sigfox. Il est hors de question de créer une France à deux vitesses en matière de transports."
Pour rappel, la LGV Bordeaux-Toulouse doit ramener la Ville rose à 3h15 de la capitale contre plus de 5h30 aujourd'hui. Le projet GPSO nécessite 9,2 milliards d'euros d'investissements (en comptant l'aménagement des gares de Bordeaux et Toulouse et le tronçon vers Dax). Il faudrait que les travaux commencent cette année pour arriver à respecter le calendrier d'une mise en service à l'horizon 2024. Le projet a franchi une étape importante en juin 2016 avec la publication du décret de déclaration d'utilité publique de la ligne et ce malgré l'avis défavorable émis par la commission d'enquête publique en mars 2015. Dans ce rapport, les commissaires estiment que la construction de la LGV présente "une rentabilité socio-économique faiblement positive" et que les retombées économiques "favoriseront essentiellement les deux grandes métropoles" Bordeaux et Toulouse. Le coût de construction de la ligne est estimé à 30 millions d'euros au kilomètre.
Un prix exorbitant pour François Simon, l'ancien vice-président EELV au Conseil régional Midi-Pyrénées, qui avait présenté à l'époque un projet alternatif :
"Le SNCF a alerté dès novembre 2014 sur la situation déficitaire des LGV. Sur le tracé Tours-Bordeaux, il y aura 37 trajets quotidiens de trains qui ne seront pas remplis, donc la ligne sera structurellement déficitaire. Je ne vois pas comment cette ligne pourra être financée sachant que la Région ne veut pas d'un partenariat public-privé et que la région Nouvelle-Aquitaine ne veut pas investir au-delà de ses engagements initiaux.
Je reste persuadé qu'il faut plutôt envisager de rénover les lignes existantes, ce qui coûterait 7 milliards d'euros de moins sur Toulouse-Bordeaux. La SNCF a déjà beaucoup de travail pour remettre en état les lignes existantes. Je ne vais pas vous rappeler les accidents de train qu'il y a eu dernièrement."
Ce à quoi la présidente de Région a répondu qu'il ne fallait pas voir "uniquement le coût au kilomètre mais aussi les minutes gagnées sur le trajet".
"Par ailleurs, plusieurs études comme celle de l'École polytechnique de Lausanne ont montré que le seul aménagement du réseau existant ne pourrait suffire à offrir une solution acceptable en termes de transport", a ajouté Carole Delga.
Pour boucler le financement du projet, Jean-Louis Chauzy plaide pour la possibilité pour les collectivités de souscrire à un emprunt sur 30 à 40 ans. "Ce sont des investissements sur un siècle", justifie-t-il. Le président du Ceser souhaite par ailleurs une modification de la loi pour que la Région puisse lever une taxe sur les contribuables afin de supporter le remboursement de cet emprunt, une solution choisie pour financer le métro du Grand Paris.
"C'est une solution simpliste. Comme s'il suffisait, pour une collectivité, de réaliser un emprunt sur 30 ans comme le ferait un ménage pour un crédit immobilier !", a réagi François Simon.
L'autre inconnue est de savoir si le prochain gouvernement sera un moteur ou un frein pour le projet de LGV à Toulouse.
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