Toulouse Smart City : ce que dit un rapport du ministère de l'Environnement

"Villes intelligentes, smart, agiles : enjeux et stratégies de collectivités françaises." Ce rapport du ministère de l'Environnement publié en mars dernier dresse les différentes stratégies développées en France pour faire émerger des "villes intelligentes". Toulouse ne fait pas partie des pionnières et mise sur l'expérimentation.
Le président de Toulouse Métropole Jean-Luc Moudenc lors du forum Smart City Toulouse en décembre 2014

Toulouse, à l'instar des autres villes françaises, est confrontée à de nouveaux défis : lutte contre le changement climatique, contexte budgétaire contraint, innovations technologiques qui bousculent les modes de gouvernance, mais aussi une volonté de participation croissante des acteurs privés et des citoyens au débat public.

La très tendance expression "ville intelligente" désigne les villes qui s'adaptent à ces nouvelles données pour favoriser le développement (durable si possible).

Comment s'y prend la Ville rose ? Dans un rapport intitulé "Villes intelligentes, smart, agiles : enjeux et stratégies de collectivités françaises", publié en mars 2016, le ministère de l'Environnement compare les stratégies de plusieurs grandes villes. Toulouse ne présente pas encore de résultats probants mais développe progressivement une stratégie basée sur l'expérimentation.

Toulouse mise sur l'expérimentation

La majorité des collectivités interrogées dans le rapport partagent trois approches de la ville intelligente.

  • D'une part, le renforcement du partenariat avec les acteurs locaux (monde économique, recherche et citoyens) est présenté comme une condition incontournable de la ville intelligente.
  • D'autre part, les collectivités s'engagent dans une politique numérique globale (économique, sociale, éducative et culturelle) allant au-delà des problématiques de gestion urbaine.
  • Enfin, les collectivités se positionnent comme territoires d'expérimentation. Elles utilisent ou mettent à disposition de partenaires une partie du territoire, des infrastructures, des données, afin de tester des solutions innovantes en conditions réelles. C'est sur cette thématique que Toulouse se positionne particulièrement. Ainsi, le rapport constate :

"La métropole de Toulouse, après avoir identifié quatre champs d'actions principaux, a lancé 8 expérimentations en 2015 avec des startups porteuses de projets innovants dans ces domaines. Ayant identifié l'autonomie des seniors comme une problématique prioritaire, Toulouse Métropole accompagne le développement de la startup locale Telegrafik, ayant développé le service Otono-Me, un système de capteurs installés dans les domiciles afin d'alerter les secours en cas de chute."

Le rapport du ministère note aussi la mise en place du Laboratoire des Usages en 2014 : "un lieu de rencontre entre porteurs de projets et usagers, conçu comme un outil d'accélération et de soutien à l'innovation. Rattaché au projet French Tech, le Laboratoire des Usages est un lieu de conception et de mise en œuvre des dispositifs d'expérimentation et de création de démarches d'innovation ouverte telles que Hack The City, un marathon de l'innovation organisé lors du festival de La Mêlée Numérique. Le Laboratoire permet la rencontre des acteurs autour de l'usage. D'une part, les usagers peuvent faire remonter leurs besoins, afin que les acteurs de l'innovation s'en saisissent et développent des réponses à ces attentes. D'autre part, les entreprises peuvent expérimenter leurs nouveaux services auprès des publics concernés en lançant des appels à utilisateurs."

Bon point : la co-construction du projet

"Les collectivités de Toulouse et Plaine Commune (près de Paris, NDLR) ont mis au point une véritable démarche de co-construction de la stratégie avec les acteurs du territoire", souligne le rapport, mettant en avant la feuille de route "Toulouse Open Métropole, Stratégie Smart City 2015-2020" :

"Elle a été élaborée à partir d'un travail auprès des élus, des services de la métropole et des instances paramunicipales (autorité de transport, agence d'urbanisme, aménageurs...), mais aussi auprès des acteurs économiques qui ont fait remonter des contributions et ont participé à une journée d'intelligence collective."

Pour rappel, à l'inverse, c'est justement le manque de concertation dans la démarche que dénoncent les élus d'opposition à la Mairie de Toulouse et Toulouse Métropole.

Lire aussi : La Smart City version Jean-Luc Moudenc : pourquoi l'opposition municipale n'y croit pas

Toulouse, plus "suiveuse" que "meneuse" ?

Non, Toulouse n'est pas pionnière en matière de Smart City. Nice et Montpellier ont un coup d'avance :

"Ces villes pionnières se sont engagées depuis plus de cinq ans dans la ville intelligente à travers une approche assez technique développée avec des partenaires privés. Bénéficiant aujourd'hui de premiers retours d'expérience, elles sont actuellement en phase de réorientation de leur stratégie en interne, recentrant les priorités autour des besoins de la collectivité", précise le rapport.

Toulouse, quant à elle (comme Grenoble, Paris ou Rennes), a suivi une démarche Smart City progressive, "se saisissant de la ville intelligente après avoir constaté que de nombreux projets étaient déjà en cours sur son territoire".

"L'enjeu principal de l'élaboration d'une stratégie est alors de formaliser et consolider la démarche, en recensant les différents projets, en définissant des axes prioritaires, et en développant les conditions de mise en œuvre de la stratégie."

Pour rappel, le schéma directeur de la ville intelligente à Toulouse est constitué d'une feuille de route à court terme, moyen terme et long terme, et d'un plan d'action ciblé à 1 an, 3 ans, 6 ans et 10 ans. La métropole a par ailleurs identifié un budget précis dédié à la ville intelligente, 500 millions d'euros d'investissement public d'ici à 2020 (hors grands projets de mobilité), ainsi que 15 chantiers prioritaires. S'il est trop tôt pour commenter des résultats, "il sera utile de suivre la mise en œuvre de ces engagements et les processus d'évaluation instaurés afin de juger du caractère structurant et opérationnel de ces stratégies", indique le rapport.

À titre de comparaison, on peut noter que Bordeaux "n'a pas encore défini de stratégie de ville intelligente, son programme reposant largement sur la réponse aux appels à projets, lui permettant de mobiliser les acteurs du territoire et d'engager des dynamiques de collaboration". La métropole est aujourd'hui mobilisée sur le programme européen Horizon 2020 avec un projet majeur sur la mobilité intelligente centré sur la problématique de la liaison avec le périurbain.

"La métropole de Bordeaux admet d'ailleurs qu'il y a une part de marketing dans la ville intelligente qui, dans leur vision, n'est autre que la ville durable d'hier avec une plus grande maturité technologique leur permettant d'apporter plus de solutions numériques. En effet, la technologie n'est pas le fil conducteur stratégique de la démarche, qui vise avant tout à développer une 'métropole à haute qualité de vie'."

Les défis de la ville intelligente

Le rapport du ministère de l'Environnement dresse un constat commun à toutes les villes étudiées : les projets avancent sur le terrain mais les collectivités sont confrontées à des défis de différentes natures.

  • Premièrement, le cadre juridique et administratif, "incertain voire en inadéquation avec les ambitions des villes", est parfois un obstacle à l'innovation et au déploiement des solutions sur le territoire.
  • De plus, le mode de financement, largement basé sur des fonds nationaux et européens, "impose des contraintes et des temporalités, parfois au détriment de la qualité des projets proposés".
  • Les défis sont aussi culturels, "avec une remise en question des pratiques professionnelles et des usages".

"Les collectivités doivent parvenir à amener les acteurs économiques à collaborer, notamment sur la récupération des données de services et des processus d'innovation transparents."

  • Enfin, une plus grande visibilité est attendue, "à la fois pour faciliter l'échange d'informations et de bonnes pratiques entre les villes mais aussi en termes de rayonnement et valorisation des expériences menées".

La smart city, accélérateur d'inégalités ?

Malgré les opportunités qu'elle ouvre, plusieurs risques et limites de la ville intelligente sont pointés dans le rapport. Une incertitude entoure la gestion des données, en termes de faisabilité technique, de possibilités juridiques et de dangers liés à la circulation de données personnelles. "Le coût énergétique des technologies déployées" est également posé comme une limite de la ville intelligente. En outre, le risque existe de tomber dans une approche trop "techniciste de la ville", "déconnectée des réalités d'usage" et posant les questions de "l'appropriation des technologies par les usagers et de leur liberté d'action". Aussi, "la difficulté du déploiement des innovations et du passage à l'échelle, limitant l'impact des solutions expérimentées", est pointée. Enfin, le risque d'accroissement des inégalités sociales, générationnelles et géographiques notamment se pose dans l'accès à la ville intelligente et à ses nouveaux services.

Méthodologie

Le rapport "Villes intelligentes, smart, agiles : enjeux et stratégies de collectivités françaises" a été réalisé à partir d'interviews des personnes en charge de la Smart City dans les villes choisies (Chartres, Nice, Saint-Étienne, Roubaix, Rennes, Grenoble, Brest, Toulouse, Bordeaux, Montpellier, Issy Les Moulineaux, Mulhouse, Plaine Commune et Paris). Il ne prend donc pas en compte les éventuelles critiques de l'opposition.

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