Toulouse structure sa filière microdrones pour remporter plus d'appels d'offres

Le 19 novembre prochain, 11 laboratoires de recherche toulousains signeront un partenariat pour créer un groupement d'intérêt scientifique consacré aux microdrones. Une façon de se structurer pour mieux répondre aux appels d'offres sur ce secteur de niche. Jean-Marc Moschetta, professeur d'aérodynamique à l'Isae-Supaero, est le futur président de la structure. Entretien.
Jean-Marc Moschetta, professeur d'aérodynamique à l'Isae-Supaero et futur président du GIS Microdrone

Qu'est-ce qu'un "microdrone" ?
Les drones sont divisés en catégories selon leur taille. Les plus importants, comme le Prédator américains sont appelés drones MALE (Medium Altitude Long Endurance). Ils peuvent faire 15 mètres d'envergure. Les minidrones ont des envergures de l'ordre d'un mètre. Les microdrones, que nous étudions depuis 15 ans, font entre 10 et 50 centimètres. En dessous, on parle de nanodrones pour les engins de quelques centimètres

À quoi peuvent-ils servir ?
Les microdrones peuvent aller dans des espaces confinés difficile d'accès comme un oléoduc ou un conduit d'égout. Cela permet d'inspecter l'état mais aussi de repérer d'éventuelles charges explosives dans les zones de guerre.
Les microdrones peuvent aussi être déployés en nuées comme dans le cadre du projet "Sky Scanner" pour analyser les nuages dans différents endroits en même temps. Le domaine des microdrones est aujourd'hui en forte croissance du fait des nombreuses applications potentielles pour des besoins civils ou militaires dans le monde, notamment dans les domaines de l'observation, de l'exploration, de la surveillance, de l'inspection, de la cartographie.

Pourquoi cet intérêt toulousain pour les microdrones ?
Dans les années 2000, nous avons vu que nous avions du retard comparé à la communauté universitaire américaine qui étudiait les drones depuis les années 90. Il était temps de s'y mettre. Nous nous sommes positionnés sur les microdrones car ils sont moins coûteux à développer. En cas de casse, la perte est moins importante. Les perspectives de recherche sont également plus intéressantes du fait de la miniaturisation des systèmes.

Avec l'Onera, l'Enac (École nationale d'aviation civile) et le Laas (Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes), nous avons lancé quelques projets d'étude. Petit à petit, le cercle s'est élargi et nous avons créé le "Micro Air Vehicule Research Center".

Celui-ci regroupe aujourd'hui l'Isae-Supaero, le Laas-CNRS, l'Enac, l'Onera, l'IMFT (Institut de mécanique des fluides de Toulouse), Laplace (Laboratoire plasma et conversion d'énergie), Traces (Travaux et recherches archéologiques sur les cultures, les espaces et les sociétés ), le CNRM-Game (unité mixte de recherche constituée par le CNRS et Météo-France), Geode (laboratoire Géographie de l'environnement), l'Inrap (Institut de recherches archéologiques préventives), LA (Laboratoire d'Aérologie) et Météo-France.

À partir de 2012, nous avons organisé des conférences et des événements comme le "Garden Workshop", consacré aux microdrones et à leurs usages scientifiques. Nous avons par exemple invité Météo-France ou encore les archéologues de l'université Jean-Jaurès, qui utilisent les drones pendant leurs fouilles. Les microdrones peuvent réellement améliorer la recherche.

Pourquoi créer ce groupement d'intérêt scientifique ?
Notre cercle informel regroupe des dronistes, qui conçoivent des drones comme Supaero, le Laas ou l'Onera, et des "droneurs" qui utilisent les drones pour leurs recherches. Cette rencontre nous a semblé intéressante pour développer des drones au plus près des besoins et des usages scientifiques.

Le STAE, une fondation du Réseau technologie de recherche appliquée, qui nous soutient depuis 2012 en nous octroyant un financement de 10 à 15 000 euros par an, nous a demandé de nous structurer. Le GIS est donc une professionnalisation de ce que nous faisons depuis 2011.

Il va permettre de représenter la filière. C'est une forme de guichet unique pour répondre plus efficacement aux appels d'offres et aux questions que la société se pose sur les drones et leurs impacts. Nous avons ainsi pu répondre à un appel d'offres du Danemark qui cherche à assurer sa souveraineté sur le Groenland grâce aux drones.

Moschetta

Jean-Marc Moschetta © photo Rémi Benoit

Est-il limité aux laboratoires toulousains ?
À ma connaissance, c'est le seul GIS en France spécialisé sur les microdrones. Ses acteurs sont aujourd'hui principalement toulousains. Nous pensons l'ouvrir nationalement à l'avenir.

Par ailleurs, la fédération professionnelle du drone civil sera associée à cette structure, ainsi qu'une dizaine d'entreprises comme Airbone Concept, l'Avion Jaune système, Droniris, Drotek, Parrot, Juste Drone It, Sunbird, Bonx, Skeyelabs, etc. L'idée n'est pas de rester entre chercheurs mais de se rapprocher des petites PME du secteur et de leur donner accès à nos installations. Nous disposons par exemple à l'Isae-Supaero de nombreuses souffleries. Cela n'aurait pas de sens que ces sociétés investissent dans ces équipements que nous pouvons leur mettre à disposition.

Comment se situe Toulouse dans le secteur des drones ?
Comparée à l'Aquitaine, l'Île-de-France et le sud-est, nous sommes les mieux placés sur le plan académique car nous disposons d'un très beau réseau de recherche. Au niveau international, les États-Unis et l'Allemagne sont très avancés mais notre retard est en train d'être rattrapé grâce au changement de législation en 2012. Avec plus de 1 000 dronistes répertoriés, nous sommes en tête en Europe.

Quels sont vos projets futurs ?
Comme en 2013, nous organiserons l'IMAV (International Micro Air Vehicles), un événement associant compétition et conférences sur les microdrones, en 2017. J'aimerais à cette occasion mettre en place un salon professionnel pour réunir les acteurs de la filière. Tout cela pourrait avoir lieu à Francazal dans le futur village des drones et de la robotique, pour faire briller Toulouse et la grande région.

À terme, il serait bon d'aller vers un consortium européen pour avoir quelque chose d'ambitieux. Le réseau IMAV est un levier pour cela, mais ce n'est pas pour tout de suite.

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