Voiture autonome : "Nous allons étudier le poids économique de la filière en Occitanie"

La filière régionale du véhicule autonome et connecté est en phase de structuration. Le directeur général de Renault Software Labs, Thierry Cammal, a été nommé à la tête d'un comité qui a pour mission de la structurer. Celui-ci rassemble quatorze membres, dont Continental, EasyMile, Vinci Autoroutes, l'Irit, et l'Aerospace Valley. Cette mission, entamée au début du mois d'octobre, entre dans le cadre de la stratégie régionale de l’innovation que portent la Région Occitanie et son agence de développement économique Ad'Occ. Thierry Cammal livrera ses conclusions et recommandations au mois de mai 2019. Entretien.
Thierry Cammal est à la présidence d'une mission sur la filière des voitures autonomes et connectées en Occitanie.
Thierry Cammal est à la présidence d'une mission sur la filière des voitures autonomes et connectées en Occitanie. (Crédits : Renault / EsayMile)

La Tribune : Quels sont les objectifs du comité de filière autour de la voiture autonome que vous dirigez depuis quelques semaines seulement ?

Thierry Cammal : La mission qui m'a été confiée est de fournir un rapport qui résumera les enjeux de la filière du véhicule autonome en Occitanie, les attentes placées en elle et lister les actions à mettre en place pour rendre la région plus attractive sur cette thématique.

Nous essaierons aussi de définir l'investissement potentiel que devrait faire la Région en ce sens. Soit pour attirer des nouveaux industriels, soit pour faire un terrain d'expérimentation qui soit le plus agréable et le plus satisfaisant possible au vu des besoins de tests de roulage. L'idée est que les industriels puissent, si ce n'est s'installer, au moins venir faire des expériences. Nous avons pour objectif de rendre ce rapport au printemps 2019.

Pour établir ce rapport, comment va procéder ce comité ?

Nous avons 14 membres dans ce comité que nous allons étendre à d'autres participants en fonction des thématiques. Nous en avons défini quatre.

Il y a d'abord l'écosystème du véhicule autonome et connecté qui concerne notamment l'infrastructure pour faire les tests de roulage, la partie connectivité, les plans d'expérimentations pour des services de mobilité. La deuxième thématique : l'emploi et les compétences. Là, nous allons nous intéresser à l'attractivité de la région et ce qu'il faudra mettre en place pour les métiers de demain autour du véhicule autonome et connecté. Une troisième thématique porte sur la recherche et le développement. Elle est consacrée à la synergie d'acteurs locaux, aux opportunités d'intelligence artificielle et de data analytique, de cyber-sécurité. Enfin, nous avons une thématique plus transversale, relative à l'attractivité et à la compétitivité du territoire.

Pourquoi la création de ce comité était nécessaire, alors que l'écosystème autour de la voiture autonome est récent ?

Les enjeux consistent à anticiper la révolution des usages qui va se produire autour de la mobilité. Dans la perspective des véhicules autonomes, qui peuvent être des véhicules de type voiture, robot, ou robot taxi, nous allons essayer de ne pas cantonner la filière uniquement à la voiture. Nous allons l'étendre à tout ce qui peut être autonome, comme le train et le bateau.
Un certain nombre de projets sont d'ailleurs déjà en cours dans la région Occitanie. Il y a le projet AutOcampus, ou encore le projet Smart urban logistic à Montpellier, et un projet de navettes autonomes pour les gares dans l'agglomération de Nîmes.

Le tissu académique, industriel et de recherches et développement est important dans la région. Ainsi, pourquoi ne pas mettre tous ces acteurs dans un comité de filière et l'organiser pour répondre à des appels à projets nationaux ou européens.

Mais aujourd'hui, Toulouse est surtout réputée pour être la capitale mondiale de l'aéronautique. Alors, reste-t-il une place pour la filière du véhicule autonome ?

Il est vrai que la région Occitanie et en particulier la région de Toulouse sont dominées par l'aéronautique et tout un tissu de sous-traitants. Mais nous oublions que nous avons un tissu industriel approprié à d'autres activités que le secteur aéronautique. La force de la région est de regrouper ces acteurs. Il y a beaucoup d'activités de R&D développées pour l'aéronautique qui sont directement utilisables dans la filière des véhicules autonomes et connectés. Alors, nous allons nous appuyer sur ce qui a été fait dans la filière aéronautique, en particulier par Aerospace Valley, pour l'appliquer au monde du véhicule autonome.

Quelles technologies de l'aéronautique, ou savoir-faire, pourraient être transposer sur le véhicule autonome ?

L'avion autonome existe déjà... La plupart d'entre-eux volent en pilotage automatique la majeure partie du temps. Il y a donc des technologies à réutiliser. Je ne dis pas que la complexité à faire voler un avion en autonomie soit la même que celle pour faire rouler un véhicule au sol, mais d'un point de vue technique, il y a des transpositions possibles entre les deux filières.

La complexité est notamment différente en matière de législation. Où en est la législation en matière d'expérimentation des véhicules autonomes notamment ?

C'est un élément extrêmement important pour l'acceptabilité de ces nouveaux modes de mobilités. La législation ne se fera que si la technologie est sûre. C'est le chantier qui nous paraît être le plus compliqué par rapport à la technologie elle-même. C'est ce chantier de réglementation qui définira la mise en circulation des vrais véhicules autonomes avec un niveau d'autonomie de quatre ou cinq (sur une échelle allant de un à cinq, ndlr), ce qui correspond à un véhicule où vous ne mettez plus les mains sur le volant. Quand vous faites un logiciel pour un véhicule autonome et que vous constituez les algorithmes, il y a des décisions critiques à prendre, et elles seront réglementées. Si la technologie est prête dans les années 2022-23, la réglementation risque de prendre plus de temps.

Même si la voiture totalement autonome n'est pas sur le marché, elle mobilise déjà un certain nombre de personnes. Combien d'emplois représente la filière à Toulouse et en Occitanie ?

Ce n'est certainement pas équivalent à l'aéronautique, mais nous n'avons pas les chiffres. Seulement, si nous regardons les industriels automobiles dans la région qui travaillent sur le sujet, nous avons Bosh, Siemens, Alstom, Actia, Renault qui a racheté les anciennes équipes d'Intel, Continental, EasyMile et toutes les entreprises de sous-traitances autour. Cela représente quelques milliers de salariés. En tout cas, nous allons étudier le poids économique de la filière en Occitanie.

Est-ce un secteur d'activité qui peut monopoliser davantage de ressources humaines à l'avenir au fil du développement de la technologie ?

Ça fera l'objet d'une étude dans notre rapport. Nous établirons des objectifs d'attractivité et de compétences, et nous essaierons de qualifier et de mettre un chiffre sur le potentiel de croissance. Il faut que les entreprises localisées en Occitanie puissent bénéficier du tissu académique, recherches et développement local, mais aussi tirer plus d'activités dans le domaine du véhicule autonome. Si nous pouvons utiliser de la technologie et des brevets développés ailleurs, cela va générer de l'emploi chez les industriels de la région.

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