Commerces : y a-t-il un problème dans le quartier Saint-Etienne à Toulouse ?

Tandis que la Grande Braderie de Toulouse débute ce vendredi 2 septembre, certains commerçants s'inquiètent du manque de fréquentation de leurs commerces. C'est le cas dans le (très chic) quartier Saint-Étienne où les commerçants lancent un appel à l'aide à la Mairie. Objectif : redonner vie à leur quartier et attirer davantage d'acheteurs et les touristes.

Cet été, dans la rue Croix-Baragnon, au cœur du très chic quartier Saint-Étienne de Toulouse, les pancartes 'liquidation totale' ou 'fermeture définitive' sont particulièrement nombreuses. Sur 100 mètres, pas moins de 6 locaux commerciaux montrent des devantures fermées et cadenassées, des arrières boutiques vides et abandonnées. Si cette rue très cotée (et qui propose notamment l'enseigne Louis Vuitton) ne représente qu'une toute petite partie des commerces du centre-ville, elle préoccupe néanmoins ses commerçants, qui appellent à l'aide la municipalité.

"La rue devient sinistrée, il ne se passe plus rien"

Selon les chiffres de la Chambre de commerce et d'industrie de Toulouse, entre 2010 et 2014 (derniers chiffres communiqués), le nombre de locaux commerciaux dans le centre-ville de Toulouse a baissé : les commerces non alimentaires ont diminué de 3,8 % et le nombre de commerces de services de 7,4 %. Laurent Lopez, gérant de la boutique L'Observatoire (rue des Arts), représentant des commerçants du quartier Saint-Étienne et membre de la fédération commerçante de Toulouse hyper-centre, s'inquiète de ces chiffres.

"Alors que la conjoncture économique générale est particulièrement difficile, les propriétaires des fonds de commerce augmentent les loyers. Il devient donc de plus en plus difficile pour les magasins indépendants de s'installer ici. En plus de cela, beaucoup de grandes enseignes s'installent dans le centre-ville, comme Primark qui arrivera bientôt (rue Alsace-Lorraine, NDLR). L'autre problème particulier de la rue Croix-Baragnon, c'est qu'il n'y a pas de lieu de vie. Les restaurants et les bars qui attirent du monde manquent au paysage."

Thomas Trocard, gérant depuis 3 ans du magasin L'Iconoclaste, dans la rue Croix-Baragnon, relève un autre problème : "Les parkings sont beaucoup trop chers : si l'on souhaite passer une journée en ville, il faut débourser pas moins d'une vingtaine d'euros ! Du coup, plus personne ne vient. La rue devient sinistrée, il ne se passe plus rien". Même s'il ne regrette pas son installation dans la rue Croix-Baragnon, le commerçant avoue qu'il n'hésiterait pas à déménager sa boutique si l'occasion se présentait.

Du côté de la Mairie, on souhaite tempérer ces inquiétudes. Pour Jean-Jacques Bolzan, adjoint au maire en charge du Commerce et de l'artisanat, la fermeture de certains commerces du centre-ville n'est pas forcément synonyme de désert commercial : "Tout ce que l'on voit fermé aujourd'hui n'est pas nécessairement vide : certains commerces sont en cours de transaction. Aujourd'hui, à Toulouse comme dans d'autres villes, conclure des baux commerciaux peut prendre beaucoup de temps".

L'influence des centres commerciaux périphériques

La montée en puissance des grands centres commerciaux au cours de ces dernières années a eu pour conséquence de réduire l'attrait des commerces du centre-ville. Une dizaine de zones commerciales entoure Toulouse : Portet-sur-Garonne, Blagnac, Balma, Purpan, Labège, L'Hippodrome de La Cépière, et à moyen terme peut-être Val Tolosa (Plaisance-du-Touch). Mais, Jean-Jacques Bolzan se veut rassurant et affirme que le retour vers les commerces de proximité s'opère depuis peu :

"Il n'y a plus autant d'engouement aujourd'hui pour les grands centres commerciaux. Les gens reviennent petit à petit vers les commerces de proximité. Les grandes surfaces se voient obligées de renforcer leur côté alimentaire et de faire de plus en plus appel à des producteurs labellisés ou certifiés, parce qu'elles se rendent compte que les acheteurs reviennent sur la qualité".

Pour l'élu, la Ville rose serait même particulièrement épargnée :

"L'hyper-centre de Toulouse est le plus grand centre commercial de la région, puisqu'il a le plus important chiffre d'affaires (un milliard d'euros, NDLR). Toulouse est également la ville de France où il y a le plus de commerces indépendants puisqu'ils concernent 63 % des locaux commerciaux."

Grâce à ces chiffres, Toulouse s'est imposée en 2015 comme deuxième plus grand centre-ville de France.

Quelles pistes pour attirer les clients ?

Afin de dynamiser sa rue, Thomas Trocard (gérant de l'Iconoclaste) propose de modifier la typologie des commerces qui s'y trouvent. Selon lui, la rue Croix-Baragnon devrait davantage ressembler à la rue Bouquières, située à quelques mètres et dans laquelle se nichent de petits commerces indépendants et complémentaires :

"Dans la rue Bouquières, les commerçants ont réussi à créer une super ambiance commerçante, composée essentiellement de pleins de petits magasins variés. Alors que, dans la rue Croix-Baragnon, certains commerces ne sont pas à leur place : il y a 2 cafés et 6 bijouteries, c'est très mal réparti".

Mais il a également une autre idée : y faire venir des grandes enseignes pour attirer les acheteurs dans le quartier.

Laurent Lopez (représentant des commerçants du quartier Saint-Étienne) partage en partie seulement l'avis de Thomas Trocard : selon lui, les commerces indépendants sont effectivement la clé de la survie de la rue, mais les grandes enseignes n'ont pas leur place dans le quartier :

"La priorité, c'est de re-développer le commerce de proximité, et aider les commerçants indépendants : ce sont eux qui font vivre un quartier et qui le rendent riche. L'intérêt n'est pas que le quartier affiche les mêmes grandes enseignes et les mêmes vitrines que dans les autres villes. Les clients doivent venir dans le quartier parce qu'ils savent qu'ils ne trouveront rien de similaire ailleurs."

La question du temps de travail se pose également. Au contraire des grandes enseignes, les commerces indépendants sont rarement ouverts en continu, ce qui affaiblit leur attractivité. La solution de Laurent Lopez est simple : pour rivaliser avec les grandes enseignes, les petits commerces doivent travailler autant qu'elles.

"Je défends l'ouverture des magasins le lundi, le dimanche ponctuellement, mais aussi entre midi et deux. Ça peut paraître beaucoup, mais quand deux personnes tiennent un magasin, c'est faisable. En faisant de cette manière, les magasins indépendants peuvent toucher les personnes qui quittent leurs bureaux pour déjeuner à midi par exemple. Les monuments de la ville doivent aussi être mis en valeur : par exemple, les restaurants aux alentours de la cathédrale Saint-Étienne attirent beaucoup plus de personnes le soir depuis que celle-ci est illuminée."

La Mairie de Toulouse en faveur des commerces de proximité

Quoi qu'il en soit, face aux difficultés rencontrées, les commerçants de la rue Croix-Baragnon   demandent à la Mairie de Toulouse d'agir "en profondeur" pour lutter contre les loyers élevés. Mais Jean-Jacques Bolzan explique que le pouvoir de la Mairie à agir sur les loyers, et donc sur le taux d'occupation des locaux commerciaux, est limité.

"La Mairie de Toulouse n'a aucun levier sur les loyers des baux commerciaux. En revanche, la solution serait d'améliorer plusieurs facteurs. La sécurité, la propreté, la circulation, les espaces verts, etc. sont autant de thématiques sur lesquelles nous travaillons. Il faut que la ville soit propre et accueillante, que soient mis en valeur nos atouts patrimoniaux, la qualité de l'espace public, et que l'accès aux commerces de proximité dans les faubourgs soient facilité."

En effet, parallèlement à ces actions pour le centre-ville,  la Mairie a mis en place un plan pour facilier l'accès aux commerces des faubourgs. Plus de 30 quartiers toulousains seront réaménagés et l'attraction commerciale y sera renforcée, pour un coût total de 40 millions d'euros.

Pour Laurent Lopez aussi, la priorité est d'attirer avant tout les Toulousains vers leurs commerces de proximité :

"Aujourd'hui malheureusement, Toulouse n'est qu'un lieu de passage pour la Côte basque ou la Méditerranée. Les touristes, s'ils décident de rester, ne séjournent pas plus de deux ou trois nuits. On ne peut donc pas miser sur eux pour redorer le blason des petits commerces. Ce sont avant tout les Toulousains eux-mêmes qu'il faut séduire".

À noter que la CCI, la Mairie de Toulouse et la Chambre des métiers organisent la 4e édition de la "Grande Braderie" en centre-ville, le week-end du 2 au 4 septembre 2016. Les magasins seront ouverts pendant les 3 jours de l'opération et les parkings seront gratuits. Selon Jean-Jacques Bolzan, l'objectif est d'"amener beaucoup de monde pour faire découvrir le centre historique de Toulouse et les commerces, et favoriser l'activité commerciale et artisanale".

La fluctuation du nombre de commerces à Toulouse entre 2010 et 2014

D'après les chiffres de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Toulouse, en 2014, la Ville rose comptait plus de 900 locaux commerciaux non alimentaires (derrière Lyon qui en comptait un millier), et près de 200 commerces alimentaires (devant Lyon, Bordeaux, Marseille et Lille qui tournent autour de 150). Entre 2010 et 2014, même si le nombre de locaux commerciaux des centres-villes est en baisse, celui des commerces alimentaires et des CHR (cafés, hôtels, restaurants) est en hausse : augmentation de 11,9 % pour les premiers, et de 9,7 % pour les seconds. Toulouse stagne à environ 34,5 % d'enseignes nationales en centre-ville entre 2010 et 2014. En 2014, elle est derrière Lyon (38 %) et Lille (44,9%).

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