Les 4 pistes pour féminiser les entreprises du numérique en Midi-Pyrénées

Le numérique compte seulement 27,6 % de femmes dans les entreprises de Midi-Pyrénées et dans les filières du supérieur la mixité connaît un déclin. Entre le mentorat, le télétravail ou les réseaux professionnels, quelles sont les pistes efficaces pour féminiser le secteur ? Et comment attirer les jeunes femmes vers les formations qui mènent au numérique ? Décryptage.
Seul 27,6% des salariés du numérique en Midi-Pyrénées sont des femmes.

"Il y a 10 ans dans mon entreprise, la parité femmes/hommes était pratiquement atteinte avec 40 à 45% de femmes. On me disait même d'arrêter d'embaucher des filles. Aujourd'hui, ce chiffre est tombé à 25%", remarque Hervé Lambert, directeur de Desirade, PME toulousaine de 30 salariés spécialisée dans les petites applications.

Même constat du côté d'Hélène Sardin, directrice des affaires financières au sein de la startup Squoring :

"Dans les années 90, quand j'ai commencé ma carrière, il y avait beaucoup plus d'ingénieures-informaticiennes, pratiquement 50% dans les entreprises où je travaillais".

Ce ressenti est confirmé par l'étude annuelle Mutation Elles Y factor qui montre que le nombre de filles dans les filières scientifiques stagne et connaît parfois un déclin. C'est le cas en informatique (- 6 points en dix ans), en agronomie (- 4), en science (- 5) et en ingénierie (- 2).

Selon le Syntec numérique, le principal syndicat français du secteur, seuls 27,6% des salariés de Midi-Pyrénées sont des femmes, contre 48% dans l'ensemble de l'économie.
D'ailleurs en 2011, une commission du Syntec baptisée Femmes du numérique a été créée. L'antenne locale à Toulouse a elle vu le jour au printemps dernier avec pour référente régionale Hélène Sardin. Objectif : mettre en place des indicateurs pour mesurer les inégalités femmes / hommes dans le secteur et également donner des outils aux entreprises pour évoluer. Dans la région, plusieurs pistes sont déjà testées.

Féminiser les formations menant au numérique

Tous les chefs d'entreprise s'accordent sur ce point : le nerf de la guerre repose sur la féminisation des formations qui mènent aux métiers du numérique. "80% des CV que nous recevons sont masculins", observe Hélène Sardin avant de compléter :

"Le point de basculement se situe au niveau des études supérieures. On remarque en effet qu'en terminale S, la parité filles/garçons est respectée. Les filles ont de meilleurs résultats et plus de mentions. Mais lors de l'inscription dans les filières du supérieur sur le site Admission postbac, les filles se tournent moins vers les formations scientifiques et quand elles le font c'est davantage vers la biochimie ou la médecine que vers les prépas d'écoles d'ingénieur".

Résultat : les écoles d'ingénieurs comptent seulement 17% de filles en moyenne. Alors que la région Midi-Pyrénées compte décliner le projet de grande école du numérique initié par François Hollande à destination de 200 décrocheurs, Nadia Pellefigue ex-vice-présidente en charge de l'Enseignement supérieur (et qui sera probablement réélue à ce poste en janvier) a expliqué que la parité stricte devra être respectée à l'entrée.
En visite à Toulouse, le DRH d'Orange Bruno Mettling a lui aussi prôné cette politique volontariste :

"Au sein d'Orange, nous avons réalisé de la discrimination positive en formant en interne quatre promotions exclusivement féminines."

Du côté d'Epitech qui compte 4 à 5% de jeunes filles dans ses filières, une association interne baptisée E-mma est chargée de promouvoir la mixité dans l'informatique. L'antenne toulousaine a par ailleurs décidé d'amorcer un partenariat avec Digital Girls, réseau d'entrepreneures du numérique à Toulouse (voir le paragraphe : le mentorat et les réseaux féminins):

"Elles pourront réaliser des interventions dans les classes et faire du mentorat et du coaching. L'idée est que les élèves aient des exemples en tête de femmes qui ont réussi dans le secteur et qu'elles trouvent une oreille attentive", explique Philippe Coste.

Le mentorat et les réseaux féminins

La mise en place de mentorats et la création de réseaux féminins est justement l'une des pistes en plein développement dans la région. Ces dispositifs peuvent être à la fois interne ou externe. Le mentorat permet aux jeunes femmes d'être épaulées par une personne (homme ou femme) d'expérience. C'est la voie par exemple choisie par La Tribune Toulouse avec le programme de mentorat Objectif Up. 9 jeunes femmes sont ainsi accompagnées depuis l'été dernier et pour une durée d'un an par des chefs d'entreprises ou des personnalités politiques de la région. Ce type de programme est jugé efficace par le réseau Femmes du numérique. La structure a ainsi accompagné avec un cabinet associatif des jeunes femmes de moins de 35 ans en recherche d'emploi ou en création d'entreprise. En 2015, 83% d'entre elles ont trouvé un contrat à l'issue du programme. À tel point que l'antenne régionale de Femmes du numérique prévoit également d'étendre le dispositif en Midi-Pyrénées.

Au-delà du mentorat, plusieurs réseaux généralistes (Les Reizoteuses, Entreprendre au féminin) permettent aux femmes de s'entraider. Au printemps dernier, un groupe de Toulousaines a lancé au printemps dernier Digital Girls, le premier réseau régional pour promouvoir la place des femmes dans le numérique.

"L'association compte aujourd'hui une centaine de membres et nous avons déjà pu organiser quelques rencontres sur des thèmes bien précis (la levée de fonds, comment monter sa startup...). En 2016, nous voulons organiser une rencontre à date fixe une fois par mois pour permettre aux membres de l'association de se rencontrer. L'idée c'est de faire du réseau, d'encourager les femmes ingénieures à se lancer dans entrepreneuriat et d'encourager les étudiantes à se lancer vers ces filières", détaille Lisbé Juin cofondatrice de Digital Girls et créatrice de la startup Loliplop.

Cette démarche de mentoring laisse néanmoins sceptique Hervé Lambert, directeur de Desirade : "Le secteur du numérique est assez facile d'accès et vu leur niveau de formation, il n'y a pas de raisons que les filles s'en sortent moins bien que les garçons et qu'elles aient besoin d'être aidées pour y parvenir. Ce qu'il faudrait c'est plutôt arriver à rendre attractif ces postes aux yeux des jeunes femmes pour les inciter à postuler".

De son côté, Lisbé Juin estime les deux actions complémentaires : "Via les réseaux féminins, on va pouvoir réaliser des retours d'expérience dans les écoles. Aujourd'hui, il existe un réel manque de communication dans l'enseignement autour de ces métiers et de ses filières. Par exemple, ma petite sœur qui est au collège n'a encore jamais entendu parler de programmation. Mais les choses sont en train de changer, ces thèmes seront de plus en plus présents à l'école".

Des horaires plus flexibles via le télétravail

Le télétravail figure également dans le guide des bonnes pratiques qu'est en train de concevoir l'antenne midi-pyrénéenne de Femmes du numérique : "Dans le secteur numérique, le télétravail est très facile à mettre en place. Dans mon entreprise par exemple, on a juste besoin d'avoir accès à un ordinateur portable. Le travail à distance ne coûte rien à l'entreprise, la flexibilité des horaires permet également de finir plus tôt ou plus tard pour éviter les bouchons. Ces dispositions permettent d'aider beaucoup de femmes à gérer vie personnelle et vie professionnelle", remarque Hélène Sardin.

Sensibiliser au sein des entreprises

Dans la région, certaines entreprises mènent une politique volontariste pour sensibiliser en interne aux inégalités femmes/hommes. Ce sont généralement de grands groupes : "Les groupes ont des obligations légales en matières d'égalité femmes/hommes et plus de moyens en matière de ressources humaines. Beaucoup de ces sociétés ont initié une démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et disposent parfois même d'une personne référente pour veiller à la parité", remarque la responsable régionale de Femmes du numérique.

Chez CGI, le groupe d'ingénierie qui emploie plus de 500 personnes à Toulouse, plusieurs pistes ont été testées en plus mentorat et du réseau féminin interne à l'entreprise :

"Nous avons mis en place un serious game sous la forme de questionnaire sur les stéréotypes concernant les femmes. Tous nos collaborateurs suivent également une formation pour détecter les talents en interne. On s'aperçoit que les hommes sont plus demandeurs en matière d'évolution dans l'entreprise mais parfois moins compétents et qu'à l'inverse les femmes sont plus en retrait mais souvent plus compétentes", note Laurent Gerin, vice-président Sud-Ouest de CGI et délégué régional du Syntec numérique.

Enfin Laurent Gerin explique qu'il "faut diversifier les lieux de recrutement". "Nous allons aussi repérer des profils dans les formations biochimie, des filières plus féminisées". Selon lui, pas besoin forcément d'avoir un bac+5 en programmation pour décrocher un job dans le numérique, un socle de connaissance scientifique au lycée peut suffire. Cette stratégie a l'avantage d'éviter l'écueil des 80% de CV masculins reçus dans la boîte mail du recruteur.

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