Comment les entreprises de Midi-Pyrénées misent sur la silver économie

Logements intelligents, domotique, objets connectés, et même robots... Dans la région toulousaine, startups et promoteurs immobiliers misent clairement sur la silver économie, un marché estimé en France à 92 milliards d'euros. Tour d'horizon des initiatives prometteuses en Haute-Garonne, mais aussi dans l'Ariège.

En 2050, un habitant sur trois sera âgé de 60 ans ou plus, selon l'Insee, et l'espérance de vie atteindra en moyenne 91 ans pour les femmes, et 86 ans pour les hommes. Ces seniors voudront continuer à vivre chez eux. Équiper les domiciles, prévenir les chutes et les malaises, c'est tout l'enjeu de la silver économie. Ce secteur pesait en France 92 milliards d'euros en 2013 et devrait dépasser les 130 milliards en 2020.

En Midi-Pyrénées, près d'une centaine d'entreprises et une quinzaine de laboratoires travaillent dans ce secteur prometteur, dont 70 % en Haute-Garonne. Deux axes de développement sont en train d'émerger : d'un côté, les promoteurs immobiliers se positionnent sur le marché des logements intelligents ; de l'autre, les startups mettent au point via les objets connectés (voire des robots) des solutions de téléassistance pour assurer le maintien à domicile des seniors.

Les promoteurs misent sur la maison intelligente

"La silver économie, on ne peut pas passer à côté", confirme Gérard Pinneberg, directeur de la communication des Senioriales. Cette filiale du groupe Pierre & Vacances est aujourd'hui le leader des logements pour seniors avec une soixantaine de résidences à travers la France. Depuis sa création en 2002, la société toulousaine a recruté 141 salariés et enregistré une croissance de 72 % en cinq ans.

"Nous avons, en Île-de-France, un appartement témoin qui est un démonstrateur de notre R&D en la matière. Nous travaillons en concertation avec nos résidents actuels pour nous adapter à leurs besoins", poursuit Gérard Pinneberg.

Si les capteurs "font peur" aux retraités selon lui, le promoteur va proposer dès le printemps 2016, dans les nouvelles résidences, des équipements de téléassistance comme, par exemple, des détecteurs de chute. Autre axe en développement, les cloisons mobiles qui permettent de réajuster facilement les pièces d'une maison sans avoir besoin de casser les murs. D'ici à deux ans, la domotique, qui permet de faire communiquer à distance tous les appareils électriques, sera également proposée en option aux clients. Enfin, le robot de compagnie Buddy sera présent bientôt dans les espaces en commun des résidences.

Dans la métropole, d'autres initiatives ont émergé depuis quelques années. À Blagnac, la société Domo Center a élaboré en collaboration avec l'IUT et la Mairie de Blagnac (31) la maison "intelligente", un laboratoire d'expérimentation à disposition des chercheurs et des entrepreneurs pour favoriser le maintien des personnes âgées ou handicapées à domicile. L'appartement de 80 m2 est équipé des dernières technologies : pilulier électronique, détecteur de chute, caméras... En 2014, l'entreprise toulousaine Domo center (membre du groupe Arc Center) s'est également vue confier la réalisation de 9 logements adaptés aux personnes handicapées par le groupe des Chalets à Toulouse. "Le cahier des charges de départ était clair : il fallait que les habitants puissent entrer et sortir de la résidence de façon autonome", nous expliquait alors Hervé Agnan, le fondateur d'Arc Center. Une télécommande universelle sert à piloter l'ensemble du logement depuis l'intérieur (volets, éclairages...), 4 ou 5 capteurs équipent chaque appartement, permettant la reconnaissance de la personne et anticipant par exemple des ouvertures de portes motorisées.

Dernier exemple, Patrimoine SA Languedocienne, groupe spécialisé dans la location sociale et l'accession sociale à la propriété a lancé l'an dernier une résidence passerelle intergénérationnelle à Saint-Orens. "Dans cette résidence de 41 logements, un tiers sera occupé par des familles, un tiers sera adapté aux séniors actifs (pré-équipés, ils pourront évoluer sans gros travaux en cas de perte de mobilité) et 1/3 sera des logements adaptés aux séniors en perte de mobilité (motorisation, salles d'eau, balisage nocturne)", décrit Pascal Barbottin, le directeur général.

Les objets connectés au service
de la téléassistance

Mais au-delà de la domotique qui se restreint à une mise en réseau et une automatisation des différents appareils électriques d'une maison, un autre marché s'annonce prometteur : celui de la téléassistance. Tête de pont de ce mouvement, la startup toulousaine Telegrafik est partie du constat suivant : les appareils de téléassistance qui permettent de secourir les personnes âgées à leur domicile en cas de problème ne sont efficaces qu'à 25 %. C'est la raison pour laquelle Telegrafik a cherché à développer un nouveau système d'alerte destiné aux personnes âgées isolées. Ce dernier est basé sur l'installation de capteurs dans les pièces stratégiques de la maison. Par conséquent, si une anomalie est détectée, l'alerte est immédiatement donnée. Ce système porte un nom : Otono-me. Ce dernier est actuellement en installation dans une centaine de logements. La startup compte 4 salariés et vise 200 000 euros de chiffre d'affaires en 2015 après seulement deux années d'activité. La fondatrice Carole Zisa-Garat a été lauréate cette année du prix La Tribune Jeune Entrepreneur.

Depuis 2013, le mouvement de création de startups dans la silver économie s'est accéléré dans la région Midi-Pyrénées. Dans l'Ariège, une pépinière d'entreprises spécialisée dans l'e-autonomie a même vu le jour en avril 2014. Elle offre la possibilité aux startups d'expérimenter leurs innovations au sein des Ehpad, établissements hospitaliers. Ainsi, Cap Bellissen accueille aujourd'hui quatre jeunes sociétés.

"La startup Oxyma a mis au point une plateforme de téléassistance à destination des associations et des entreprises d'aide à domicile. L'idée est d'ajouter de la proximité dans la téléassistance. Aujourd'hui, le leader français du secteur, Présence Verte, dispose d'une plateforme téléphonique, mais éloignée", détaille Hervé Denudt, chargé de développement territorial au sein d'Ariège expansion (l'agence économique du département).

"Avec Oxyma, les associations ariégeoises, à l'image de Bouillotte et Chaudron (qui rend visite aux personnes dépendantes), pourront utiliser directement ce système d'alerte et se rendre sur place en cas de problème."

De son côté, la société Smart Risks développe un boîtier pour connecter les compteurs d'eau ou d'électricité. Pas besoin d'installer de capteurs aux quatre coins de la maison, les données de consommation en disent déjà long sur le mode de vie des seniors : "Suivant la quantité d'eau utilisée, on peut savoir si l'habitant arrête de prendre sa douche. En surveillant les horaires de consommation d'électricité, on voit aussi s'il a un mode de vie nocturne (ce qui peut révéler des troubles du comportement)", complète Hervé Denudt.

Parmi les autres innovations ariégeoises figure le pilulier connecté de i-Meds Helthcare qui donne au patient le nombre exact de cachets et alerte le médecin quand la prise de médicaments est anormale. La startup cible les hôpitaux et les pharmacies et table sur une commercialisation d'ici à fin 2016. Enfin, la société C diet ! a inventé un service de consultation à distance de nutritionnistes. "Beaucoup de maisons de retraite n'ont pas les moyens d'avoir de diététiciens. Or, une personne âgée qui mange mal peut subir des effets secondaires", remarque le chargé de développement Ariège expansion.

Le patch Sacha de Sigfox testé
auprès d'une trentaine de seniors

Cap Belissen suit en parallèle le projet Sacha, piloté par la société toulousaine Sigfox. La startup a réalisé un bracelet connecté et un patch souple à coller entre les omoplates des patients atteints d'Alzheimer.

"Pour un patient touché par cette maladie, déambuler dans un parc, limite les risques de démence. Grâce au projet Sacha, il est possible de délimiter un périmètre de promenade (par exemple 1 km autour de la maison ou de l'établissement) et quand le patient sort de ce périmètre, l'alerte est donnée via le réseau Sigfox et la géolocalisation permet de repérer où est le patient", explique Hervé Denudt.

Le projet, chiffré à 3,8 M€, est financé par le Fonds unique interministériel, et les régions Midi-Pyrénées et Aquitaine. Il a été testé auprès d'une trentaine de patients cet été et devrait entrer en phase de commercialisation en 2016.

Et pourquoi pas des robots ?

Capteurs dans les maisons, systèmes de téléassistance, de géolocalisation... et pourquoi pas des robots ? À Toulouse, la startup RoboCARE Lab distribue le robot américain Milo. Équipé d'une caméra et d'un écran, il est destiné à rendre visite de manière virtuelle aux personnes en situation de dépendance. Depuis octobre, l'engin est testé dans deux Ehpad de Midi-Pyrénées à Villeneuve-Tolosane et Pibrac.

Mais face aux géants du secteur à l'image de Google et d'Apple qui "ubérisent" tous les pans de la transformation numérique, les petites pépites régionales parviendront-elles à s'imposer ?

"Toutes ne survivront sans doute pas, reconnaît Hervé Denudt. Mais pour les aider dans la phase d'amorçage, nous proposons aux startups de la pépinière d'expérimenter leurs solutions dans les Ehpad (Établissement d'hébergement pour personne âgée dépendante) et les structures hospitalières du département. Cela leur permet de décrocher les premiers contrats et d'en faire une vitrine pour conquérir de nouveaux clients."

De son côté, la société Alterhome, incubée dans l'Ariège, a déménagé vers Toulon dans le Var où ses solutions auprès de clients plus fortunés qui n'avaient pas besoin de l'aide aux personnes âgées (Apa) pour souscrire au dispositif.

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