Sobriété énergétique : "On n'a pas attendu le gouvernement pour agir". Le tissu économique toulousain acide face au contexte (2/3)

Au sein du tissu économique de Toulouse, les annonces et les volontés du gouvernement en matière de sobriété énergétique sont mal accueilles sur la forme. Néanmoins, sur le fond, les entreprises sont déjà à pied d'oeuvre, mais elles restent limitées financièrement après deux années de crise sanitaire qui ont fragilisé les trésoreries. Décryptage.
Les entreprises toulousaines tentent déjà de prendre le chemin de la sobriété énergétique.
Les entreprises toulousaines tentent déjà de prendre le chemin de la sobriété énergétique. (Crédits : Rémi Benoit)

Lors de la Rencontre des Entrepreneurs de France, sa demande avait fait grand bruit. Invitée à prendre la parole devant des centaines de dirigeants d'entreprises, la Première ministre, Élisabeth Borne, a sonné le 29 août les sociétés de préparer chacune un plan de sobriété énergétique pour le mois de septembre. L'objectif est de diminuer de 10% la consommation en électricité de la France d'ici 2024.

Au sein de l'écosystème toulousain, cette annonce provoque plusieurs sentiments. "On demande toujours aux entreprises de faire des efforts, mais depuis deux ans, on subit", peste Vincent Aguilera, le nouveau président de la CPME Haute-Garonne - qui succède à Samuel Cette - faisant référence à la crise sanitaire. "Nous n'avons pas attendu que la Première ministre nous alerte pour agir", ajoute-t-il.

"La sobriété énergétique ? On est déjà dedans car les entreprises n'ont pas le choix pour diverses raisons et notamment l'explosion de la facture en énergie depuis les tensions russo-ukrainiennes. Le monde économique porte déjà ces transformations de consommation et elles sont impulsées par les entreprises, non pas la force publique", confirme Julien Pinna, le secrétaire général du Medef Haute-Garonne présidé par Pierre-Olivier Nau.

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Une facture d'énergie qui va exploser en 2023 ?

Il est vrai que les deux organisations patronales ne manquent pas d'idées pour illustrer la sobriété énergétique à Toulouse. Par exemple, le projet européen COMMUTE s'est concrétisé il y a quelques mois avec le lancement d'une application d'éco-mobilité à destination des dizaines de milliers de salariés de la zone aéroportuaire située au nord-ouest de l'agglomération. Les collaborateurs d'Airbus, d'ATR, de l'aéroport et d'autres sociétés de la zone bénéficient ainsi d'une interface qui mélange à la fois des solutions de transports en commun, de covoiturage et de mobilités douces. Grâce à un système de classement et récompenses, l'objectif est de mettre fin à l'usage individualiste de la voiture personnelle pour se rendre au travail. Toujours dans le domaine des mobilités, face à la flambée des prix des carburants, les transporteurs locaux comme Jimenez Transport ont formé l'ensemble de leurs chauffeurs à l'éco-conduite.

"Depuis quelques temps, nous remarquons un changement d'attitude chez nos collaborateurs. Ils pensent à bien éteindre la lumière ou la climatisation quand ils sont les derniers à quitter la pièce, par exemple. Ils veillent à ce que les machines soient bien éteintes quand elles ne sont pas utilisées", témoigne pour sa part Nathalie Duquesne, la directrice générale de Liebherr Aerospace à Toulouse, qui s'attend tout de même à un "fois trois" sur sa facture d'énergie à partir de début 2023.

Pour certains acteurs économiques, la hausse des prix de l'électricité et du gaz a déjà des conséquences importantes. Une pizzeria de la commune d'Aussonne (Haute-Garonne), qui a vu ses factures augmenter de quasiment 1.000 euros par mois depuis peu, a fait le choix de ne plus ouvrir le midi car peu lucratif pour rester plus longtemps ouvert sur ses services du soir tous les jours.

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 "Des hausses de 45 à 50%, en moyenne, sont déjà ressenties au sein des entreprises, mais pour les contrats qui vont s'achever en fin d'année et les nouveaux qui vont suivre en 2023, les fournisseurs d'énergie évoquent des facture multipliées par 10 ou par 20. Cela réduit considérablement nos marges nettes et cela pousse même certaines entreprises à se demander s'il est bon de continuer à produire ! Mais cela vient s'ajouter aux Prêts garantis par l'État (PGE) à rembourser, tout comme l'étalement de nos charges fiscales et sociales (...) Il y a également la parité dollar-euro qui s'effondre et cela va avoir un coût pour nos entreprises", énumère le président de la CPME départementale.

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Que faire désormais ?

Dans ce contexte, quelles marges de manoeuvre ont les entreprises au-delà d'arrêter la production ? Moderniser leurs outils de production et leur patrimoine immobilier ? Investir dans les énergies renouvelables notamment via des toitures photovoltaïques ? Faire appel à des prestataires externes pour s'équiper dans le but de faire des économies d'énergie comme en installant des peintures réflectives sur les toits pour rafraîchir l'intérieur des bâtiments ?

"Quand vous payez votre électricité et votre gaz multiplié par quatre, par cinq voire plus, et que vous êtes une entreprise, comment voulez-vous investir dans la transformation énergétique en même temps ? Il manque de l'argent. Au niveau national, le Medef a mené une étude et il faudrait au moins 10 à 15% d'aides diverses en plus que ce que l'Etat met actuellement sur la table pour accompagner les entreprises sur cette voie", fait savoir Julien Pinna, le secrétaire général de l'antenne local du Medef.

En attendant un éventuel coup de pouce de l'État au, le Medef a prévu une réunion nationale avec tous les énergéticiens prochainement afin de partager les bonnes pratiques déjà en place dans certains territoires et ainsi limiter la casse. Il est prévu que le président du Medef de Haute-Garonne y participe.

"Contrairement aux consommateurs, les entreprises et tout particulièrement les artisans, les PME et TPE n'ont pas de bouclier tarifaire sur leur facture d'énergie. Nous sommes au pied du mur car il n'y a eu aucune anticipation de la part des pouvoirs publics. Nos adhérents sont inquiets et au bout du rouleau. Pour éviter le stress des entrepreneurs et le ralentissement de l'activité, il faut de la concertation et de l'anticipation sur ces sujets", plaide Vincent Aguilera.

Le dirigeant de la CPME 31 partage également la nécessité de sensibiliser pas que les collaborateurs face à cette hausse des prix de l'énergie, mais bien les fournisseurs et les clients des entreprises pour que chacun agisse à son niveau.

"Les économistes disent que la solution c'est la croissance mais ces mêmes économistes disent, à propos de la dette, qu'on ne peut pas vivre au-dessus de nos moyens. Alors, pourquoi ce discours n'est pas appliqué pour la planète ? Elle a des ressources, mais on ne peut pas dépenser plus que ce qu'elle a et ce qu'elle nous donne. Il faut changer de modèle c'est une évidence. Il vaut mieux s'approprier ce message que le subir", conclut Alix Roumagnac, le président de la société montpelliéraine Predict Services.

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 (Retrouvez mercredi 7 septembre le troisième et dernier volet de notre série sur les innovations au service de la sobriété énergétique).

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