Fintech : "WiSEED va changer d'échelle" en visant l'Europe

Forte d'une nouvelle direction, la plateforme de financement participatif Wiseed, basée à Toulouse et numéro 1 en France, s'apprête à changer de dimension. En se tournant vers l'Europe à l'avenir, l'entreprise veut doubler de taille d'ici deux à trois ans. Par quelle stratégie ? Éléments de réponse avec l'interview croisée de Nicolas Sérès, fondateur et président de WiSEED, ainsi que le nouveau directeur général, Christophe Azaïs.
Le président, Nicolas Sérès, et son nouveau directeur général, Christophe Azaïs, dévoilent leurs ambitions pour la plateforme WiSEED, basée à Toulouse.
Le président, Nicolas Sérès, et son nouveau directeur général, Christophe Azaïs, dévoilent leurs ambitions pour la plateforme WiSEED, basée à Toulouse. (Crédits : Rémi Benoit)

La Tribune : Le 24 septembre, WiSEED a annoncé l'arrivée d'une nouvelle gouvernance avec la nomination de Christophe Azaïs comme directeur général, mais aussi celle de Mathilde Iclanzan en tant que directrice générale adjointe et directrice d'exploitation. Cette nouvelle équipe dirigeante entre-t-elle dans le cadre d'une nouvelle stratégie pour la plateforme toulousaine de financement participatif ?

Nicolas Sérès : Nous sommes à un moment où on est en capacité de progresser fortement et j'ai de fortes ambitions pour cette entreprise. Mais je pense qu'avant de mettre en œuvre une stratégie, il faut être certain d'avoir l'équipage qui va bien.  Christophe Azaïs bénéficie de solides expériences de terrain et il est en capacité de driver un projet d'envergure pour WiSEED. C'est ce que nous sommes en train de préparer et que nous allons mettre en place très prochainement.

Christophe Azaïs : Ma caractéristique est le business développement via une approche industrielle. Quand j'ai repris l'activité grands comptes chez Berger Levrault, j'ai multiplié par trois le chiffre d'affaires en deux ans et demi. Autre exemple avec une petite PME nommée Caplaser. Lorsque j'ai rencontré son dirigeant il m'a dit : " J'ai une bonne équipe et de bons produits mais je ne sais pas comment faire pour développer l'activité". L'entreprise était à l'époque en redressement judiciaire, avec un million d'euros de dettes et 22 salariés dans le Tarn. En dix ans, nous avons comblé les dettes,  doublé la taille de l'entreprise, racheté des confrères et on est devenu le leader régional de notre secteur. Pour ce qui est de WiSEED, quand Nicolas Sérès m'a contacté et présenté la plateforme, je n'ai jamais vu dans ma carrière une entreprise avec autant d'avenir potentiel.

La Tribune : Par le passé vous avez réalisé des levées de fonds et même envisagé une entrée en bourse. Est-ce que ce projet de grande envergure pour l'avenir de WiSEED est en lien avec ce type d'opérations ?

N.S. : Tout cela est concomitant et il y a beaucoup de scénarios possibles. Les discussions en interne que nous avons en ce moment sont de savoir quel est le scénario idéal et comment nous organisons tout cela entre croissance organique et croissance externe. Il faut également évaluer nos besoins en capitaux pour nourrir la machine et atteindre nos objectifs. Nous sommes en train de formaliser ces éléments. Donc oui, il y aura besoin de capitaux pour se structurer et réaliser nos ambitions.

C.A. : Pour être un leader durable sur notre marché, il faut toujours proposer de nouveaux produits financiers et de nouveaux services car l'expérience utilisateur est primordiale mais nous avons déjà la réputation, ce qui est un bon point. Nous avons d'autres investissements qui sont à prévoir avec les nouvelles technologies et pour les amortir WiSEED doit changer d'échelle. Nous avons vraiment un objectif de scale-up et pour cela il faut au moins doubler notre taille d'ici deux à trois ans.

La Tribune : Dans les faits, que va induire ce changement de dimension que vous souhaitez tous les deux pour WiSEED, qui réalise aujourd'hui un chiffre d'affaires annuel de 4 millions d'euros ?

C.A. : Il s'agit de multiplier le chiffre d'affaires sous deux à trois ans, avec une augmentation de l'effectif de 50 % (actuellement composé de 30 personnes, avec six recrutements en cours, ndlr) via croissances interne et externe. Cette croissance externe est un point de passage obligé pour nous parce qu'il y a des sociétés qui ont des compétences, des produits, des collaborateurs de qualité et qui sont sur des segments de marché très particuliers. Désormais, nous nous posons la question suivante : allons-nous approcher des acteurs qui sont exactement sur notre marché pour conforter notre positionnement ou allons-nous chercher des acteurs légèrement décaler par rapport à notre offre actuelle pour enrichir la nôtre et adresser de nouveaux marchés ? Nous allons essayer de créer des opportunités mais nous savons déjà comment nous allons boucler le financement de ces opérations.

N.S. : Nous avons des connexions avec des acteurs qui sont sur des zones au niveau national où WiSEED n'est pas présent (l'entreprise est actuellement implantée à Toulouse, Paris, Grenoble, Marseille, Lyon et Bordeaux, ndlr), mais également avec des entreprises situées en dehors du territoire national et qui développent des produits que nous n'avons pas et qui seraient intéressants pour nos clients.

La Tribune : Quels sont ces trous dans la raquette ?

C.A. : Ils ont été créés essentiellement par WiSEED car quand une société démarre elle fait des choix. On ne peut pas attaquer tous les marchés donc historiquement cela a été les startups, les ENR, l'immobilier et la santé. Mais en arrivant, je me suis rendu compte qu'il y avait des points communs entre ces différents marchés et que nous nous sommes enfermés des pans entiers comme l'aéronautique, le spatial, l'électronique ou la chimie. On y est de manière occasionnelle mais pas de manière durable.

L'idée est donc de se dire que nous amenons des fonds à des entreprises pour se développer. Alors, quelles sont les entreprises françaises qui ont besoin de WiSEED ? Le point commun de toutes ce n'est pas le marché mais la stratégie. Aujourd'hui, nous pouvons avoir une grosse valeur ajoutée pour toute société innovante du moment qu'elle fait de la R&D qu'il faut financer ou encore des sociétés qui ont de gros projets de développement. Le but du jeu n'est plus de raisonner en segment de marché mais sur les moments de vie d'une entreprise.

La Tribune : Au-delà d'avoir jusqu'à présent une approche segmentaire dans votre choix de financer un projet, quels sont vos critères de sélection avant de les faire bénéficier de vos services ?

N.S. : Nous avons une politique de sélection quelle que soit la filière très organisée et rigoureuse. La spécificité de notre ADN et de notre métier reste de proposer des actifs non côtés en bourse à une population d'investisseurs non professionnelle. Donc si nous décevons ces personnes, dans deux ans nous n'avons plus de raison d'être. Toute la pérennité de notre modèle tient sur cette question de la sélection des dossiers accompagnés.

Pour faire cette sélection, nous allons récupérer des données fournies par nos six analystes qui vont étudier chaque projet. Nous avons également des intervenants extérieurs qui vont travailler sur des spécificités de marché et nous apporter des éclairages. Tous ces éléments sont fournis à un comité d'engagement, qui lui même est composé de personnes indépendantes à WiSSED. Nous décidons le financement ou pas d'un projet au sein de ce comité.

C.A. : Surtout, avant de le proposer au financement, on va sonder nos 130 000 adhérents en leur présentant des bilans, le marché en question et le projet de l'entreprise sur un forum commun. Ces dizaines de milliers de personnes vont exprimer leur avis car nous sommes sur une tranche de la population qui a une forte expérience du marché via leurs divers parcours professionnels. S'ils sont favorables au projet, nous le mettons en financement. Par contre, s'il y a trop d'éléments négatifs qui ressortent de la part de notre communauté, nous abandonnons le projet.

L'une des autres richesses est que nous permettons à l'un de nos investisseurs de devenir président de la société d'investissement dans une entreprise financée, pour apporter son expertise dans le domaine en question. Au préalable, cette personne est choisie par le dirigeant auquel on aura proposer une liste de profils en amont.

La Tribune : Depuis votre création en 2008, votre plateforme a permis de lever 200 millions d'euros pour environ 470 projets. Au regard du marché des finances actuel, selon vous, le financement participatif peut-il représenter l'avenir du financement des entreprises ?

N.S. : Nous allons devenir un composant permanent des tours de table. Et nous sommes en train d'endosser ce rôle car le marché commence à avoir confiance en nous. Nous sommes entrés sur un terrain de jeu réservé à certains d'acteurs qui ont du mal à accepter qu'on y rentre. Il a fallu beaucoup de temps et d'opérations communes pour leur démontrer que nous avions le même niveau de professionnalisme qu'eux. Dans d'autres pays, le financement participatif est bien plus puissant comme au Royaume-Uni qui lève des fonds 20 à 30 fois supérieurs à ce que nous levons en France.

C.A : Nous ne serons jamais l'acteur majeur du financement des entreprises mais nous allons prendre des parts de marché. Nous avancerons quand nous allons venir au niveau de l'Europe en permettant à des sociétés françaises d'être financées par des fonds particuliers européens. Mais aussi, on trouvera des pépites européennes et nous offrirons la possibilité à nos investisseurs français de faire de belles opérations.

Ce qui se passe aujourd'hui c'est que nos investisseurs veulent investir davantage que la somme totale des projets que nous proposons. Nous plafonnons l'investissement pour qu'il y en ait pour tout le monde. WiSEED avance avec le frein à main... Alors pour doubler notre chiffre d'affaires et nos effectifs, ils nous suffit juste de lever ce frein à main soit par de la croissance externe, soit en étoffant nos équipes commerciales pour aller chercher davantage de projets, dans une zone géographique plus vaste.

La Tribune : La loi PACTE permet aux plateformes de financement participatif de lever, non plus 2 millions par projet, mais huit désormais. Avez-vous noté un effet après son entrée en vigueur récente ?

C.A. : Historiquement, les projets proposés sont de quelques centaines de milliers d'euros voire 1,5 million maximum. La loi PACTE ouvre le potentiel, mais aujourd'hui lever 8 millions d'euros en quelques semaines paraît compliqué quelle que soit la plateforme. Cette loi nous ouvre la route mais il faut encore que nous doublons le nombre de nos investisseurs et notre force commerciale. Néanmoins, nous sommes en train d'évaluer la somme que notre groupe d'investisseurs serait prête à mettre sur la table. Début octobre, nous avons mis pour la 1ère fois un projet à 2 millions d'euros sur la plateforme. Le premier million a été levé en 45 minutes et le second dans les six heures qui ont suivi. Nous y allons progressivement car nous ne voulons pas nous tromper entre vitesse et précipitation.

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