Pollution de l’air : quand respirer tue

Particules fines, métaux lourds, monoxyde de soufre, oxydes et dioxyde d’azote, ozone, benzène, pesticides ou encore pollens sont quelques-uns des polluants que respire, au quotidien, la population à Toulouse, en France et dans le monde. Quels sont les impacts de ces polluants sur la santé de l’homme ? Quel est leur coût financier ? Quels pays sont les plus concernés ? Lors des Rencontres Internationales Air et Santé 2019, organisées le 17 septembre par Atmo France et Atmo Occitanie à Toulouse, des chercheurs, députés, sénateurs du monde entier ont apporté des éléments de réponse et alerté sur l’urgence de la situation.
En France, la pollution de l'air génère au moins 48 000 décès prématurés par an.
En France, la pollution de l'air génère au moins 48 000 décès prématurés par an. (Crédits : CC)

"Chaque année, sept millions de personnes décèdent dans le monde à cause de la pollution de l'air", interpelle Nathalie Roebbel, coordinatrice pour la pollution atmosphérique et la santé urbaine au sein de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). En effet, la relation de causalité entre exposition aux particules fines et gaz à effet de serre d'une part, et mortalité d'autre part, a été établie de façon formelle par de nombreuses études. Et le 17 septembre, veille de la Journée nationale de la qualité de l'air, Atmo France, la fédération des associations agréées de surveillance de l'air, et Atmo Occitanie, l'observatoire régional de l'air, organisaient les Rencontres Internationales Air et Santé 2019 à Toulouse afin d'alerter le plus grand nombre.

La qualité de l'air a des impacts directs sur la santé de l'homme et fragilise, selon sa vulnérabilité, ses poumons et son système cardio-vasculaire. Ainsi, au niveau mondial, la pollution de l'air est la deuxième cause de maladies non-transmissibles (MNT) et représente 23 % des décès. Les populations peuvent contracter, entre autres, des pneumonies, des cardiopathies ischémiques, des bronchopneumopathies chroniques obstructives, des AVC et des cancers du poumon qui leur seront fatals. Ces effets sanitaires surviennent dès les plus faibles niveaux de pollution et une exposition de quelques heures par jour à celle-ci.

"Nous faisons face à une situation dramatique où la concentration des particules fines est largement répandue dans les régions du monde. Aujourd'hui, 91 % de la population mondiale respire de l'air pollué. La situation n'est bien sûr pas la même partout dans le monde et des régions sont plus à risque que d'autres, notamment en Afrique, en Asie et dans le Pacifique. Les populations les plus vulnérables restent les enfants. Un enfant exposé à des niveaux dangereux de pollution aura des séquelles à vie", prévient Nathalie Roebbel.

Parmi ces sept millions de décès prématurés par an, 400 000 surviennent en Europe. Un chiffre important pour un continent arrivé à ce niveau de développement. La pollution atmosphérique a ainsi pour conséquence 17 % de décès par cancer du poumon en Europe.

"Quand bien même l'Europe se décrit à juste titre comme étant à la pointe sur les questions environnementales au niveau mondial, nous avons encore à faire en terme de qualité de l'air. Chaque jour, un nouvel impact sur la santé apparaît. Dernièrement, c'est la dégradation de la santé mentale qui a été pointée du doigt. La pollution de l'air est facteur d'accélération de la dégradation de l'état mental, pas seulement en terme de dépression mais également de dégénérescence des cellules", déplore François Wakenhut, responsable de l'unité Air Pur et de la direction générale de l'environnement au sein de la Commission européenne.

Au niveau national, la qualité de l'air est la deuxième cause de mortalité en France derrière le tabac et devant l'alcool. L'Agence nationale de santé publique (ANSP) estime que la pollution par les particules fines émises par les activités humaines est à l'origine chaque année, d'au moins 48 000 décès prématurés, ce qui correspond à 9 % de la mortalité et à une perte d'espérance de vie à 30 ans d'au moins deux ans.

À Toulouse, et d'après l'association pour la surveillance de la qualité de l'air, Atmo Occitanie, entre 8 000 et 18 000 personnes vivent dans une zone qui dépasse les limites réglementaires en matière de pollution. Chez ces populations qui vivent généralement à proximité des grands axes automobiles, de nouveaux cas d'asthme chez l'enfant (une augmentation de 15 % à 30 %) et des pathologies chroniques respiratoires et cardiovasculaires chez les adultes de 65 ans (pneumonies, infarctus ou AVC) ont été constatés selon les résultats de l'étude européenne Aphekom.

Effets sur le climat

Si la mauvaise qualité de l'air a des conséquences sanitaires directes sur les populations mondiales, elle est également étroitement liée au réchauffement climatique. Selon Mathilde Pascal, épistémologiste chez Santé publique France, les polluants de l'air ont un effet sur le climat et certains gaz à effet de serre comme l'ozone ou le méthane participent au réchauffement de la planète.

"Les polluants réagissent entre eux et sont influencés par la météo et vont à leur tour influencer le climat. Au niveau physiologique, on trouve de plus en plus de synergies entre la température et la pollution. On a observé des situations où, par exemple, pour un même niveau de pollution le risque est plus élevé lorsqu'il fait chaud. C'est le cas dans des villes françaises", explique-t-elle.

En effet, sur le seul mois de juin 2019, Atmo Occitanie a placé en alerte, durant plusieurs jours, les départements de la Haute-Garonne, de l'Hérault, du Gard, de l'Aude et des Pyrénées-Orientales pour un épisode de pollution à l'ozone liée à une canicule tenace.

Un coût de 101 milliards d'euros par an en France

Le coût de la pollution de l'air a également fait l'objet de discussions durant ces rencontres internationales. Selon le membre de la Commission européenne, François Wakenhut, elle coûterait à l'Europe environ 24 milliards d'euros par an "en coûts directs notamment de santé". Les coûts indirects sont bien plus importants puisqu'ils seraient de l'ordre "de 330 à 940 milliards d'euros par an".

En 2015, Jean-François Husson, le sénateur de Meurthe-et-Moselle, a mené une enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l'air en France, lors de son passage à la présidence de la Commission d'enquête du Sénat. Dans un rapport intitulé "Pollution de l'air : le coût de l'inaction", le coût annuel de pollution de l'air a été évalué à plus de 101 milliards d'euros.

Selon la Commission, les dépenses sanitaires - qui incluent la mortalité prématurée, les traitements des maladies, l'absentéisme, etc. - représentent à elles seules entre 68 et 97 milliards d'euros. Le coût non-sanitaire provoqué par la baisse des rendements agricoles, les dépenses de prévention, la dégradation des bâtiments, etc. atteint 4,3 milliards d'euros.

"Ce qui m'a frappé lors des auditions c'est que certains organismes hospitaliers ou d'assurance maladie se sont demandé pourquoi ils étaient auditionnés", se souvient-il.

"Nous en savons assez pour agir"

Pour les différents intervenants de ces Rencontres Internationales Air et Santé 2019, il est important d'agir vite pour le bien de l'homme, de l'environnement et des finances publiques. Des mesures sont prises pour améliorer la situation à l'image de l'OMS qui donne des recommandations à travers son document, "Les lignes directrices", depuis près de 30 années. "Certains pays manquent de données, de connaissances et d'outils pour pouvoir agir et prendre des décisions. Les morts sont évitables", regrette Nathalie Roebbel.

La Commission européenne, pour qui la qualité de l'air est "un sujet de préoccupation de premier plan", n'hésite pas à poursuivre en justice certains pays membres comme en témoigne François Wakenhut : "14 États-membres de l'Union européenne font l'objet d'infractions ouvertes pour le dioxyde d'azote. Pour les particules fines, nocives pour les voies respiratoires, 15 États-membres sont en infraction, et dans deux cas que sont la Bulgarie et la Pologne, ont fait l'objet d'un arrêt de la Cours de justice de l'Union à Luxembourg. L'Europe fait des progrès par rapport au reste du monde, mais n'a pas de leçons à donner".

Selon Mathilde Pascal, le temps est à l'action et il est primordial d'agir, pour éviter le scénario apocalyptique du changement climatique, pour les bénéfices sanitaires et contre les effets néfastes sur la santé et la forte mortalité prématurée.

"Nous en savons assez pour agir. Plus nous tarderons plus les effets et impacts sanitaires seront importants et plus nous attendons plus nous enlevons des moyens d'action aux générations futures qui auront dix fois moins d'options parmi lesquelles choisir", lance-t-elle.

Pour le sénateur Jean-François Husson, qualité de l'air et bonheur se conjuguent et se complètent : "Le pays qui a la meilleure qualité de l'air en Europe est la Finlande. Et depuis deux ans, le pays où le taux de bonheur est le plus important est aussi la Finlande", conclut-il.

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Commentaires 2
à écrit le 19/09/2019 à 11:19
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En néolibéralisme il vaut être résistant au cancer !

à écrit le 18/09/2019 à 21:38
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notons egalement que respirer c'est inspirer de l'oxygene et exopirer du co2 ce qui contribue au rechauffement climatique et vaudra bientot un impot pour que les gens respirent plus lentement et moins et greta langstrumpf pourra venir montrer ses co...

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