La filière occitane des fruits et légumes démunie face aux ventes sauvages

En Occitanie, ces étals de fruits et légumes vendus à des prix très bas et sans passer par le circuit légal fleurissent depuis plusieurs années aux abords des routes. Non respect des normes d'hygiène, économie parallèle, face à cette concurrence déloyale, les professionnels du secteur s'inquiètent pour la pérennité de leurs entreprises.
Au MIN de Toulouse, l'origine, la traçabilité et la sécurité alimentaire des fruits et légumes sont garanties.
Au MIN de Toulouse, l'origine, la traçabilité et la sécurité alimentaire des fruits et légumes sont garanties. (Crédits : Rémi Benoit)

C'est un phénomène difficile à quantifier mais qui impacte toute une filière. Les ventes sauvages de fruits et légumes sont devenues la plaie des primeurs et grossistes. Installés sur des bords de routes ou des parkings privés, des vendeurs à la sauvette français et étrangers proposent des agrumes, le produit le plus touché, à des prix défiants toute concurrence. Ce marché parallèle de vente au déballage, c'est-à-dire des marchandises vendues dans des locaux ou sur des emplacements qui ne sont pas destinés à la vente au public, est pourtant encadré par la loi comme le stipule l'article L310-2 du Code de commerce : déclaration dans la mairie du lieu de vente et limitation de celle-ci à deux mois par année civile et par arrondissement, lequel correspond à une sous préfecture. Mais pour Mihaela Streanga, juriste de Saveurs Commerce, fédération qui regroupe 14 000 détaillants spécialisés en fruits et légumes, la loi comporte des failles.

"Aujourd'hui cette activité n'est pas une activité d'appoint pour ces vendeurs mais une vraie activité qui se déroule sur des parkings privés et donc soumise au droit privé. En 2016, nous avons rencontré le gouvernement pour demander une limite de ces ventes à deux mois mais dans une même région, ce qui été refusé", déplore la juriste.

Une absence de révision de la loi qui a un coût pour les professionnels du secteur comme Didier Pigasse. Détaillant à Albi dans le Tarn et président des grossistes de Toulouse, il vend ses produits au Marché d'intérêt national de Toulouse (MIN)."En 2014, j'ai recensé six points de vente illégaux à Albi. Cette année-là, j'ai eu 40 000 euros de perte sur mon bénéfice, j'ai dû licencier un salarié. Aujourd'hui on remonte un peu la pente parce que ces ventes se sont diluées à travers la France. À Albi ils ne sont  plus que deux désormais. J'ai pu embaucher un salarié à mi-temps", note Didier Pigasse.

Des contrôles...pour le consommateur

Pour les grossistes et primeurs traditionnels, le manque à gagner est lourd. La liste des frais auxquelles ne sont pas soumis ces vendeurs à la sauvette est longue : contribution financière des entreprises dite CFE, loyer ou crédit pour payer un local, redevance payée à la mairie pour avoir un droit de place sur les marchés, TVA, impôts sur les sociétés ou les revenus en fonction du statut, cotisation volontaire étendue dite CVE, une taxe propre à la filière ou encore frais d'investissements liés au logiciel de caisse ou aux emballages respectant les normes environnementales . Des vendeurs non professionnels et facilement identifiables selon Maguelone Pontier, directrice du Min.

"Des cagettes posées directement sur le sol sans étiquette indiquant l'origine de la marchandise, des prix anormalement bas, un vendeur qui ne connait pas la variété du produit qu'il propose sont des éléments qui doivent alerter le consommateur", détaille Maguelone Pontier tout en estimant que la baisse d'activité de la filière n'est pas chiffrable mais réelle.

Pour faire face à cette concurrence déloyale, des agents effectuent des contrôles coordonnés par les services de la Direccte en Occitanie (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi). Une structure dont le travail "ne concerne pas les taxes impayées par ces vendeurs mais la protection du consommateur", rappelle Jean Delimard, directeur régional de la Direccte. Ces deux dernières années, 50 contrôles ont eu lieu (30 en 2016 et 20 en 2017). Sur ces contrôles, 19 procédures pénales ont été transmises au parquet. Des amendes allant jusqu'à 8500 euros ont été prononcées. Des sentences qui pour l'heure ne semblent pas enrayer une tendance qui s'amplifie dans la région.

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