Étude des océans : l'excellence méconnue de Midi-Pyrénées

La filière océanographique compte plus de 1 000 emplois en Midi-Pyrénées. La région dispose de nombreux leaders du secteur, à l'image des sociétés toulousaines Mercator Océan ou CLS, et peut également s'appuyer sur un fort tissu de chercheurs. Pourtant, cette filière souffre de faibles débouchés et doit encore gagner en visibilité.
Le colloque Passion océan s'est tenu le 8 juin à Toulouse

"Quand j'explique que je travaille dans l'océanographie, souvent mes proches s'étonnent : 'Pourtant, Toulouse n'est pas au bord de la mer!' ", raconte Yves Morel. Le directeur du Legos (Laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiales) participait ce lundi 8 juin à Toulouse au colloque "Passion Océan" organisé à l'Hôtel de Région lors de la journée mondiale des océans. L'occasion de faire le point sur une filière méconnue de l'écosystème toulousain. L'océanographie désigne l'étude des océans et des mers. Cette discipline inclut aussi bien l'observation des courants, des organismes et écosystèmes marins, que les liens entre océans et modifications climatiques.

Une filière créatrice d'emplois

Elle emploie des chercheurs spécialisés dans l'étude des océans, des climatologues mais aussi des acteurs du spatial qui, grâce à l'usage des satellites, peuvent améliorer notre connaissance des mers.

"Cette filière représente plus de 1 000 emplois en Midi-Pyrénées, soit 7 à 8 % de l'ensemble de la filière du secteur du spatial qui emploie 15 000 personnes", note Philippe Lattes, délégué aux affaires spatiales et aux projets européens au sein du pôle de compétitivité Aerospace Valley.

Chef de file de cette filière océanographique, la société Mercator Océan a réussi en novembre dernier à décrocher l'appel d'offres de l'Union européenne du programme Copernicus dédié aux océans. L'Europe lui a ainsi confié un budget de 144 millions d'euros et délégué une mission de surveillance et d'observation jusqu'en 2021. Objectif : rassembler et analyser sur un même portail internet en libre accès des relevés océanographiques réalisés par une centaine d'organismes. "Ce n'est pas un hasard si cela arrive à Toulouse, estime Pierre Bahurel, le directeur de Mercator Océan. La recherche est très forte au niveau spatial et météorologique (la moitié des effectifs de Météo France est installée à Toulouse, NDLR)."

Parmi les autres grandes réussites régionales figure la société CLS. Le groupe toulousain fondé en 1986 s'est spécialisé dans la surveillance des océans en s'appuyant sur une trentaine de satellites. L'entreprise propose également des services à destination des compagnies pétrolières offshore : détection des nappes par satellite radar, suivi des pollutions... CLS a réalisé 96 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2014 et prévoit de dépasser les 100 millions cette année. "La société a démarré avec 35 emplois et compte aujourd'hui plus de 535 salariés à travers le monde", indique Antoine Monsaigeon, le directeur stratégie de CLS. "La réussite de CLS montre que l'océanographie est une source de développement économique puisque elle est créatrice d'emplois à court terme et long terme", estime de son côté Philippe Lattes d'Aerospace Valley. Autre acteur majeur du secteur : le Cnes. Basé à Toulouse, le centre national d'études spatiales produit également des satellites pour surveiller les océans du globe. Il lancera cet été son nouveau satellite : Jason-3. À côté de ces grands groupes, une foule de PME et de TPE a rejoint cette filière à l'image de Magellium, spécialiste du traitement du signal et de l'image et des systèmes intelligents qui analyse également désormais des données océanographiques.

Peu de visibilité et de débouchés pour les chercheurs

Pourtant, à l'occasion du colloque organisé ce lundi à Toulouse, plusieurs voix se sont élevées pour souligner les freins à l'essor de l'océanographie en Midi-Pyrénées. À commencer par le manque de notoriété de la filière dans une région identifiée aux succès de l'aéronautique et du spatial. "Cette discipline est confrontée en premier lieu à un manque de visibilité. Nous avons lancé le projet Toulouse-sur-mer pour travailler sur ce point et nous avons pris pris contact avec la Région. Mais ce projet n'a pas encore abouti, or nous avons besoin des collectivités pour développer cette visibilité", explique ainsi Yves Morel, directeur du Legos.

Autre faiblesse de la filière : les faibles débouchés pour les jeunes doctorants.

"En tant que chercheur, nous essayons d'encourager nos étudiants vers la recherche en océanographie. Mais est-ce vraiment pertinent sachant que nos anciens doctorants peinent à trouver quelques CDD ?", s'interrogeait ainsi Alexandre Ganachaud, chercheur scientifique au sein du Legos.

Des propos nuancés par Philippe Dandin, directeur adjoint de recherche au sein de Météo France : "Il existe une petite entreprise toulousaine qui embauche dans la filière : il s'agit de Météo France International !" Créée en 2012, cette filiale de Météo France (qui emploie une cinquantaine de salariés) vise à moderniser les services météorologiques nationaux étrangers. "En Indonésie, nous avons dû reconstruire des infrastructures de base pour observer la météo et former des ingénieurs sur le long terme." Le directeur stratégie de CLS, Antoine Monsaigeon cite lui aussi un exemple indonésien : "En 2013, nous avons remporté le marché pour la création d'un centre d'océanographie spatiale en Indonésie (pour un montant de 23 millions d'euros, NDLR). Et c'est en partie parce que notre contact pour ce contrat avait fait ses études à Toulouse. Notre qualité de formation a des conséquences à long terme." Les chercheurs toulousains de la filière océanographique auraient donc d'autant plus intérêt à valoriser leurs atouts à l'étranger.

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