Agroalimentaire : "avec le sans-viande, l'humanité entière relève un vrai défi" (2/2)

Spécialiste des "trois sans" (sans-gluten, sans-sucre et sans-viande), le groupe Nutrition & Santé, basé à Revel (31), s'est positionné sur un marché prometteur qui lui permet de lancer 300 nouvelles références par an. Pour le président de son directoire, le Toulousain Didier Suberbielle, les protéines végétales représentent un défi industriel mais, plus largement, une véritable opportunité pour nourrir les 9 milliards d'habitants de la planète à horizon 2050. Seconde partie de cet entretien.
Didier Suberbielle, président du directoire de Nutrition & Santé

Nutrition & Santé mise sur le "sans-viande". Pouvez-vous donner un exemple de produit ?

Nous avons lancé en 2016 un nouveau produit qui s'appelle "Grill Végétal", un substitut de viande. Ce sont des produits qui ressemblent à des nuggets, à des escalopes, à des steaks, mais qui sont à base de soja et de blé. Ce lancement a été tout à fait réussi avec une très bonne demande consommateur. Nous sommes donc aujourd'hui face à la nécessité d'agrandir nos sites de production pour faire face à une demande accrue.

Allez-vous investir sur le site de Revel ?

Oui.Notre site de Revel est le plus grand site européen de produits de substitut de viande ou d'alternative végétale. Cette unité va doubler de taille en passant de 5 000 à 10 000 mètres carrés de surface de production (le montant de l'investissement est gardé confidentiel, NDLR). Le deuxième grand projet est l'extension de notre usine de Compiègne, spécialisée dans le sans gluten. Une usine toute neuve de 8 000 m2 a été construite à côté de l'ancienne et entrera en service dans quelques semaines.

Peut-on parler d'industrie du futur dans l'agroalimentaire comme on le fait dans l'aéronautique ?

Si on parle d'industrie du futur, je me réfère à ce que disait Eric Schmidt, ancien PDG de Google, qui estimait qu'au début du XXIe siècle, il y aurait quatre industries importantes qui se développeraient : l'impression 3D, la réalité virtuelle, les voitures autonomes et... la viande végétale.

Pourquoi la viande végétale représente un enjeu sociétal selon vous ?

La transition des protéines animales vers les protéines végétales est vraiment un objectif clé de notre société civilisée, et je dirais même pour être un peu prétentieux, de l'humanité toute entière. En effet, sans cette transition, je ne vois pas comment nous allons pouvoir nourrir 9 milliards d'habitants d'ici 2050. Mettre notre petit pierre dans cet édifice de la transition alimentaire est vraiment essentiel pour nous, et c'est même notre objectif numéro 1.

Vous êtes leader européen sur les produits végétaux, quelle est votre avantage concurrentiel ?

 Nous avons été la première société à introduire en grande surface du lait de soja et la première société à introduire des substituts de viande en rayons frais en France. Aujourd'hui, nous proposons des qualités de produits vraiment bluffantes. Nos émincés soja et blé ressemblent vraiment à du poulet : je vous met au défi de faire la différence avec du vrai poulet. La qualité est similaire, et cela sans cruauté animale, sans hormones, sans antibiotiques et sans pollution liée aux déjections.



Selon vous, que mangera-t-on dans 20 ans ?

La viande va devenir ce que le vin rouge est devenu depuis 30 ans. Lorsque j'étais petit, dans ma famille, il y avait du vin de table de mauvaise qualité qu'on consommait tous les jours. Aujourd'hui, je consomme du très bon vin une fois par semaine. Pour la viande ce sera probablement la même chose. Au lieu de consommer du steak haché ou du jambon fabriqués dans des conditions de cruauté animale quelquefois sidérantes et vendus très peu chers par les grandes surfaces, on consommera bio et végétal.

Dans combien de temps ne mangera-t-on de la viande que de manière exceptionnelle selon vous ?

On ne peut pas le dire pour le moment, mais on voit bien que la consommation de viande baisse de 3-4% tous les ans et la consommation de charcuterie est en train de baisser aussi. Il y a de plus en plus de gens qui s'intéressent à ce qui se passe dans les abattoirs et les usines, et un scandale sanitaire comme celui de la viande de cheval est prévisible à moyen terme. Petit à petit, la vérité se fait jour, de plus en plus de gens réalisent qu'ils ne peuvent plus fermer les yeux sur ce qu'ils sont en train de manger. Combien de jeunes filles et garçons entre 20 et 30 ans sont devenus végétarien(ne)s ? Combien de jeunes ont épousé la cause animale dans leur vie quotidienne ? Beaucoup, ce qui n'était absolument pas le cas de la génération précédente. C'est un phénomène majeur, dont très peu de gens ont saisi l'ampleur, qui touche tous les pays développés et qui arrive de manière très forte en France.

Vous pouvez (re)lire première partie de cet entretien, intitulée Agro-alimentaire : "Nutrition & Santé est dans un rapport de force désastreux avec la grande distribution" (1/2)

Didier Suberbielle est actionnaire minoritaire et à titre personnel d'Hima News, groupe qui édite La Tribune Toulouse.

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