Nicolas Cary, l'évangéliste de la blockchain

Convaincu que la technologie de la blockchain peut changer l'économie, Nicolas Cary a cofondé en 2013 la société Blockchain pour en faciliter les usages. De passage à Toulouse à l'occasion de l'événement Emtech France à l'automne dernier, il a livré à La Tribune Toulouse sa vision sur l'avenir de cette technologie. Entretien.
Nicolas Cary, cofondateur de la société Blockchain.

Né au Colorado en 1985 d'une mère française, Nicolas Cary parle la langue de Molière avec une légère pointe d'accent anglo-saxon. C'est pourtant en anglais qu'il préfère chanter les louanges de la Blockchain (chaîne de blocs), une technologie transparente et sécurisée de stockage et de transmission d'informations, à l'origine de la monnaie virtuelle Bitcoin.

Concepteur de sites web à ses heures perdues pendant sa jeunesse, Nicolas Cary a étudié l'économie internationale dans l'état de Washington avant d'enseigner l'anglais et l'informatique pendant un an à Bangalore en Inde. À son retour en 2007, il devient le deuxième collaborateur de la société PipelineDeals qui fournit des solutions de gestion de relation clients. Adepte de la blockchain, il cofonde la société éponyme avec deux associés en 2013. Un habile coup marketing qui permet "d'être très bien référencé", selon lui. Basée à Londres, cette startup de 50 employés édite des logiciels permettant de faciliter l'usage de la monnaie virtuelle Bitcoin.

Comment fonctionne la technologie blockchain ?

La blockchain est la technologie au centre du réseau Bitcoin. C'est une base de données qui se sauvegarde chaque jour dans des ordinateurs individuels à travers le monde entier. Tout le monde peut télécharger une application sur son ordinateur et contribuer au maintien de la base de données où sont stockées toutes les transactions réalisées sur le réseau. Pour cela, le système récompense les utilisateurs avec des nouveaux Bitcoins. Plus un utilisateur apporte de puissance de calcul pour maintenir la base de données, plus il obtient de Bitcoins.

Quand avez-vous découvert les Bitcoins ?

J'en ai entendu parler pour la première fois début 2011. J'étais très sceptique, mais j'ai acheté quelques Bitcoins pour réaliser quelques transactions. Je me suis rendu compte que j'allais travailler là-dessus tout le reste de ma vie.

Qu'est-ce qui vous a convaincu ?

Je suis fasciné par la politique, les affaires, l'économie et je suis un nerd. J'adore la technologie. Tout cela combiné fait que le Bitcoin est le projet le plus intéressant pour transformer le commerce de manière globale et réinventer la monnaie.

Comment le Bitcoin et la blockchain peuvent-ils réinventer la monnaie ?

La blockchain est un système de base de données doté d'un mécanisme de compensation et de règlement. Nous utilisons ces mécanismes quand nous avons recours à Paypal, Visa, etc. Mais ces derniers sont des solutions propriétaires et centralisées. Cela les ralentit. Un transfert international entre deux banques a un coût pour le client et prend trois jours. Les commerçants mettent un minimum de 10 euros pour payer par carte bancaire parce que le système n'est pas assez efficace.

À l'ère d'internet, l'argent doit être protégée de la contrefaçon. Il doit être numérique et transférable dans le monde entier. Plus important, il ne doit pas avoir un taux de change fixe.

Les monnaies numériques représentent une nouvelle façon de faire. Le Bitcoin n'est pas l'Uber des banques. C'est de la téléportation de valeurs à travers le monde. Cela ne dépend pas de places financières ou de banques centrales. Aucune des infrastructures financières actuelles n'en fait partie. La technologie nous permet de les remplacer et d'avoir des transactions sans friction, ni restriction grâce à ce protocole basé sur internet.

La volatilité du Bitcoin n'est-elle pas un problème ?

C'est une critique commune, pourtant les volumes échangés ont doublé en 2016. Cela fait du Bitcoin la monnaie la plus performante du moment. La raison est simple : le Bitcoin est utile aux gens. Chaque Bitcoin est unique et impossible à contrefaire. C'est la première fois qu'on est capable de faire cela. C'est de la pure innovation technologique. Du point de vue fonctionnel, si vous avez une application sur votre portable, je peux vous transmettre un montant et cela arrive instantanément. Ensuite, vous pouvez le vendre contre des euros ou des dollars par exemple. Je pense que dans quelques années, les gens utiliseront cette technologie aussi naturellement que lorsqu'il utilise internet avec leur téléphone portable.

Le secteur bancaire va-t-il combattre ou s'approprier la blockchain ?

Il y a eu beaucoup d'incompréhension au début. Cela a causé de l'appréhension et de la confusion. Aujourd'hui, cela a changé. Il y a plus d'intérêt car le secteur bancaire et financier a conscience du coût engendré par le maintien de leurs énormes infrastructures numériques. Ils adoptent certains principes de la blockchain. Je pense cependant qu'il est improbable que les grandes institutions bancaires puissent avoir une audience aussi large que nous. Ce sont de vieilles institutions. Elles doivent réécrire leurs façons de penser.

Que propose l'entreprise que vous avez cofondée ?

Nous éditons des logiciels permettant de faciliter et de sécuriser l'utilisation du Bitcoin. Nos solutions sont utilisées dans 120 pays. Nous proposons un moteur de recherche pour vérifier les transactions dans la chaine de blocs, ainsi qu'une interface de programmation pour les transactions financières. Notre porte-monnaie virtuel est utilisé par plus de 11 millions de personnes. Nous ne sommes pas une banque. Quand un client télécharge notre logiciel, il devient en quelque chose une banque à lui seul. Nous n'avons pas accès à l'argent de nos clients. Nous ne savons pas ce qu'ils font de leur argent.

C'est pour cela qu'on accuse le Bitcoin d'être la monnaie des activités illégales ?

Les gens qui pensent pouvoir utiliser ce système pour des choses illégales font preuve d'hubris (d'orgueil, NDLR). Chaque transaction a une signature numérique déposée de façon permanente dans une base de donnée publique. On ne saura peut-être pas tout de suite qui fait les transactions, mais les gouvernements disposent de tous les instruments pour les trouver.

Avez-vous encore un compte en banque classique ?

Oui, car nous sommes encore dans une période de transition. On ne peut passer d'un système à un autre en un claquement de doigt. Mais, partout dans le monde, des jeunes gens veulent jouer en ligne, faire des transferts d'argent rapides. Ils ne peuvent pas le faire avec un compte bancaire classique. Quand j'ai emménagé au Royaume-Uni, j'ai eu du mal à ouvrir un compte bancaire alors que j'ai un travail et que je suis un client intéressant pour une banque.

Je pense que les jeunes veulent pouvoir télécharger une application et l'utiliser pour leurs transactions financières. Si on peut acheter un porte-monnaie dans un marché, pourquoi ne pas faire la même chose dans le monde virtuel et échanger des choses avec d'autres personnes ? Nous voulons augmenter la liberté financière. Si on peut intégrer plus de gens dans les flux financiers sur le net, libérer les capitaux et mettre en place un système mondial de droits de propriété, on peut augmenter la création de capital. La technologie de la chaîne de blocs peut être fondamentale pour remodeler l'économie du futur car elle permettra à tous d'y participer.

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