MakeSense développe l'entrepreneuriat citoyen

Cofondateur de MakeSense, Christian Vanizette est venu présenter sa plateforme d'engagement citoyen lors du forum Emtech France à Toulouse. Son but, développer l'entrepreneuriat citoyen et permettre à tous de participer à la résolution des 17 objectifs de développement durable de l'ONU. Entretien.
Christian Vanizette, le co-fondateur de MakeSense.

MakeSense est-elle une civic-tech ?
Nous le sommes dans la mesure où nous transformons l'engagement des citoyens en impact de plus grande échelle en partenariat avec l'administration.

La base de MakeSense depuis 2011, ce sont 1 200 porteurs de projets qui présentent un défi et demandent de l'aide aux 30 000 citoyens inscrits sur notre plateforme partout dans le monde. Le but est de connecter des bénévoles avec des projets citoyens.

Après, on s'est dit avec Romain Raguin (l'autre cofondateur, NDLR) qu'on pouvait réunir les projets en différentes causes à résoudre. Ensuite, les pouvoirs publics nous ont demandé de les aider à trouver les gens et les innovations à faire passer à plus grande échelle, par exemple pour le gaspillage alimentaire.

De quelle façon les aidez-vous ?
Pour le programme "La France s'engage" par exemple, nous réalisons l'appel à candidatures pour repérer les innovations. Ensuite, ce sont les équipes du Président qui gèrent. Nous n'intervenons que s'ils nous demandent de l'aide pour tester des actions.

Dans certains cas, MakeSense prend l'initiative et contacte directement les administrations pour proposer un projet.

Par exemple ?
Nous avons beaucoup de bénévoles intéressés par la lutte contre le gaspillage alimentaire et plusieurs initiatives d'entrepreneurs, comme celle de Zero Gachi, une application qui lutte contre le gaspillage alimentaire dans les grandes surfaces. En cherchant quelle plateforme pourrait avoir le plus d'impact en France, nous avons vu que les restaurants universitaires assurent 300 000 repas par jour. Nous leur avons proposer de travailler ensemble pour anticiper le nombre de repas afin de préparer la bonne quantité de nourriture. Ensuite, il faut démontrer à l'administration que les employés, les citoyens et l'entrepreneur ont une idée géniale qui peut faire économiser des millions d'euros et qui lutte contre le gaspillage alimentaire. MakeSense pilote le projet avec l'entrepreneur. C'est ensuite à ce dernier de faire affaire avec l'administration. Ce n'est pas notre métier.

Comment financez-vous vos actions ?
Nous sommes financés par des fondations privées. Là, en l'occurrence, c'est Elior parce que le groupe fait de la restauration collective. Nous essayons d'avoir un partenaire privé dans le métier concerné. Comme le Crous, Elior et Sodexo font eux aussi des milliers de repas par jour. Il faut les intégrer dans la boucle pour les prochaines étapes. S'ils sont inclus dès le début de la conception, c'est plus simple.

Nous ne distribuons pas les informations que nous avons sur nos bénévoles. Nous montons des programmes avec des administrations publiques. Nos données nous permettent seulement de choisir les bénévoles et les initiatives à engager sur tel ou tel programme.

Quel est le projet qui a eu le plus d'impact selon vous ?
Nos bénévoles ont travaillé avec SOS Méditerranée pendant la campagne de financement participatif pour lever les 250 000 euros nécessaires au lancement du navire Aquarius. Ce projet a permis de sauver la vie de 1 000 réfugiés en Méditerranée. Ce projet me touche particulièrement parce qu'il montre que nous sommes un monde civilisé ou pas.

Nous venons de tourner une web-série de six épisodes pour mettre en avant nos 85 projets travaillant sur la question des réfugiés. Nous voulons passer de 4 000 à 12 000 bénévoles sur cette thématique.

Quelle est la prochaine étape de MakeSense ?
L'an dernier, l'ONU a acté pour la première fois les 17 objectifs de développement durable. Ce sont des enjeux énormes pour chaque citoyen. Nous avons donc découpé deux thématiques - les réfugiés et le gaspillage alimentaire - en de multiples petits projets pour permettre à chaque citoyen de participer à son niveau dans sa ville.

Une fois qu'il a trouvé une super idée avec un entrepreneur, il pourra contacter l'administration pour le faire à plus grande échelle. Si on arrive à le faire en simultanée dans des dizaines de villes et de pays, cela commence à devenir intéressant.

L'idée est aussi que les entreprises privées puisse investir dans ces projets géniaux plutôt que dans du marketing pour dire qu'elles sont géniales. C'est la collaboration entre les mammouths et les pygmées. Nous avons besoin de ces grands entreprises car il faut résoudre rapidement ces enjeux de développement durable.

Nous voulons aussi sortir de l'espoir et montrer qu'on progresse car c'est fatiguant pour un citoyen d'être bénévole sans retour sur son action. Avec les outils de collecte de données, nous allons pouvoir voir l'impact des 85 projets qui travaillent sur la question des réfugiés.

C'est enthousiasmant de travailler sur ce genre de projets ?
Quand on rencontre tous les jours des gens qui ont des solutions et des citoyens motivés, on ne peut pas ne pas avoir la pêche. En revanche, ce qui m'inquiète, c'est que je vois tous ce monde en train de reconstruire alors qu'en France le vote pour les extrêmes et la perte de confiance dans l'avenir augmentent. C'est frustrant de voir que tout est en marche mais que cela ne va pas assez vite pour que tous les habitants d'un pays le ressentent, notamment en dehors des grandes villes connectées. Le prochain défi est de construire ce nouveau monde avec les gens qui votent extrême droite. Ce n'est pas un vote normal alors que les solutions existent et que les citoyens doivent se rendre compte qu'ils peuvent s'en saisir. Il ne faut plus attendre que le gouvernement fasse les choses et qu'on n'ait qu'à voter. C'est ça le grand défi en France : créer de l'engagement citoyen. Quand quelque chose ne plaît pas, ce n'est pas la fatalité, il suffit d'aller sur internet trouver une solution et la reproduire dans son village.

C'est aussi simple que cela ?
À Loos-en-Gohelle près d'Hénin-Beaumont, nous avons collecté les défis du territoires en emploi, gestion des déchets, etc. Ensuite, nous avons réuni 300 villageois, des entrepreneurs et des bénévoles de MakeSense. Tout ce monde a inventé des solutions à ces enjeux. Nous allons refaire ce forum chaque année pour voir comment les solutions ont été implantées.

Vous remettez les citoyens dans l'action publique, en fait.
Les hommes politiques n'ont jamais d'idée. Tout ce qu'ils font, c'est regarder ce qui existe pour le mettre dans leurs programmes. Si les citoyens arrêtent de fabriquer des idées, qu'ils ne s'étonnent pas que les politiques n'en aient plus. C'est normal. Le service civique, c'est une idée de l'association Unicité depuis 20 ans. Hollande ne l'a pas inventé. La sécurité sociale, c'est la même chose. Ces idées sont des initiatives civiles avant d'être reprises par les gouvernements. Or, maintenant, on attend que les élus aient des idées. Mais ils passent leur temps à faire de la politique. Ils n'ont pas le temps d'avoir des idées.

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