"Le plafond de verre existe dans notre milieu universitaire", Stéphanie Lavigne (TBS)

Stéphanie Lavigne est depuis le 1er octobre la nouvelle directrice générale de la Toulouse Business School (TBS). Auparavant directrice générale adjointe, elle remplace désormais François Bonvalet. Dans un entretien accordé à La Tribune, la nouvelle dirigeante revient sur sa montée en puissance au sein de l'établissement et dresse sa feuille de route pour les années à venir.
Stéphanie Lavigne est la nouvelle directrice générale de la TBS depuis le 1er octobre dernier.
Stéphanie Lavigne est la nouvelle directrice générale de la TBS depuis le 1er octobre dernier. (Crédits : Rémi Benoit)

La Tribune : Vous êtes la première femme à diriger la TBS. Comment interprétez-vous ce statut ?

Stéphanie Lavigne : Je suis une ancienne de l'école. Cela fait 16 ans que je travaille au sein de l'établissement. D'abord comme professeure, puis doyen de la faculté, avant de devenir directrice générale adjointe en 2018. François (Bonvalet, ndlr) a annoncé son intention de quitter la direction et le conseil d'administration a pris la décision à l'unanimité de me nommer directrice générale. J'estime que c'est un choix très audacieux de sa part. Il a préféré non pas de recruter quelqu'un en externe qui a déjà dirigé une école, mais de choisir une personne en interne. Il se trouve que c'est une femme et qu'elle a 44 ans. Mais ce n'était pas un choix délibéré que cela soit une femme. Je revendique le fait que d'être dans cette position est le fruit des résultats que j'ai obtenu dans mes diverses missions.

La Tribune : Pouvons-nous parler de la fin d'un plafond de verre au sein de l'enseignement supérieur au regard des nominations récentes de femmes à la tête des universités toulousaines Paul-Sabatier et Jean-Jaurès, sans compter la vôtre?

S.L. : Je viens d'écrire un article dans The Conversation sur les inégalités femmes/hommes dans les carrières de dirigeant d'école juste avant de prendre le poste. Il est vrai que ce plafond de verre existe dans notre milieu universitaire et écoles de commerce. Seulement 13% des dirigeants d'établissements en France sont des femmes, le reste est squatté par des hommes. Je suis donc très fière de participer à la lutte contre ce plafond de verre en montrant que, même s'il est là, ce n'est pas une fatalité. Au-delà de mes compétences, le choix de ma personne résulte peut-être aussi d'une volonté d'insuffler une image un peu plus moderne de la TBS.

La Tribune : Pour obtenir le poste, vous avez spontanément fait acte de candidature ? C'est peut-être la suite logique de votre ascension au sein de l'école.

S.L. : Après 5 ans de doyen, François m'a proposé le poste de directrice générale adjointe, ce qui m'a semblé être dans la continuité de mon engagement et surtout, j'avais fait un peu le tour du poste de doyen. Tous les deux, on s'est mis à travailler en tandem, en se partageant les responsabilités. J'étais en charge du volet académique et François avait gardé l'institutionnel, l'international et la communication. Une fois son départ annoncé, c'est lui-même qui m'a recommandé de me placer pour lui succéder, une demande également formulée par le conseil d'administration. En vérité, j'étais très surprise car j'ai toujours pensé que ce poste était pour un monsieur de 55-60 ans. Au final, j'ai obtenu la confiance des actionnaires (99,5% de l'actionnariat est détenu par la CCI de Toulouse, ndlr) à l'unanimité ! Désormais, j'ai une équipe de direction à mes côtés et nous avons plein de défis à relever.

La Tribune : Quels chantiers prioritaires avez-vous identifié pour la TBS ?

S.L. : Dire que nous allons nous inscrire dans une continuité, c'est une évidence face aux résultats que nous avons obtenu l'année dernière qui sont extrêmement positifs. Nous avons renouvelé nos labels AACSB, EQUIS et AMBA, autrement dit les plus importants dans le monde auxquels nous appartenons. Seulement 1% des business school au niveau mondial ont ces labels. Je vais poursuivre ce travail engagé sur l'excellence académique. C'est le nerf de la guerre.

Nous allons également continuer à travailler sur l'internationalisation de l'école. Nous avons des campus à l'étranger mais mon objectif est de développer des partenariats avec des institutions étrangères prestigieuses dans lesquelles on pourrait envoyer nos étudiants pour monter en gamme. Enfin, même si on ne peut piloter une école qu'en fonction des classements, ils sont importants. Si je me fixe un horizon de 5 ans, être numéro 1, 2 ou 3 dans notre marché n'est pas possible car il y a des puissances de marque tels que HEC, ESSEC ou ESCP, qui sont là. La TBS a son histoire mais nous n'avons pas la même puissance, ni le même budget. Sur le programme Grande École qui est notre programme phare, il y a 15 classements chaque année en France. En moyenne, à l'heure actuelle nous sommes 10ème et mon ambition est d'être bien plus haut dans ce classement.

La Tribune : Avec quelle stratégie comptez-vous gravir ces positions supplémentaires dans les classements ?

S.L. : Il faut faire un benchmark de ce qui se fait en France et à l'étranger. Dans notre pays, la tendance est aux regroupements d'écoles. Reims et Rouen ont formé NEOMA, Lille et Nice ont lancé SKEMA, Marseille et Bordeaux de leurs côtés KEDGE. Cette logique de taille est importante sur notre marché, mais en France nous n'avons pas encore le recul nécessaire pour savoir si ces fusions ont été bénéfiques. Alors aujourd'hui, on se demande comment une institution comme la nôtre peut arriver à monter dans ce système de classement. Sans oublier que nous avons des campus à l'étranger importants, comme Barcelone et Casablanca, ce qui fait que nous avons un modèle déjà différent des autres écoles.

La Tribune : Lors des Trophées de l'Aéronautique 2019 organisés par La Tribune à L'Envol des Pionniers, vous avez évoquez vouloir nouer des partenariats avec les entreprises régionales. La coopération avec les entreprises peut être un relais de croissance pour la TBS ?

S.L. : Oui, il faut renouer la relation avec les entreprises. Je dis renouer car nous sommes à un stade du développement de l'école où il faut la réinventer. Nous avons de très belles entreprises et il faut donc que nous arrivions à faire de TBS l'institution de référence pour les entreprises quand elles veulent recruter des managers. Nous sommes en train d'identifier des entreprises auxquelles on peut apporter de la formation, nouer des conventions pour accueillir nos étudiants en stages, qu'elles viennent au sein de l'école présenter leurs métiers ou financer des bourses pour les élèves. Enfin, l'étage le plus abouti pour nous serait un programme de recherches commun autour d'une chaire avec un consortium d'entreprises.

Nous venons de recruter une nouvelle directrice des programmes de recherche et l'une de ses missions est d'arriver à créer des chaires d'entreprises en lien avec leurs besoins. Mais nous devons apprendre à mieux communiquer auprès des entreprises. L'école de demain est l'école qui proposera des formations le plus en adéquation avec ces besoins, tout en étant capable de se renouveler.

La Tribune : Vous allez aussi devoir mener le chantier du futur campus de la TBS en lien et place du petit Palais des Sports à Toulouse, évalué à 100 millions d'euros. L'architecte a été nommé à la fin de l'été. Quelles sont les prochaines échéances dans ce dossier ?

Lire aussi : TBS a choisi son architecte pour son futur campus

S.L. : C'est un lieu très contraint techniquement, mais le projet suit son timing. Nous sommes allés rencontrer l'architecte et ses équipes à Lisbonne pour voir certaines de leurs réalisations. En interne, le travail de co-construction du campus suit son cours. Le dépôt du permis de construire est espéré en février 2020 pour une sortie de terre en septembre 2023.

La Tribune : En tant qu'actionnaire, la CCI vous soutient naturellement sur ce projet. Néanmoins, elle est soumise à des coupes budgétaires. Est-ce que la TBS ressent financièrement les effets de cette baisse de moyens de cette institution ?

S.L. : Il y a eu un choix de créer un statut privé pour l'école qui est le statut ESC, afin d'autonomiser financièrement la gestion de l'école par rapport à la CCI. On se dirige progressivement vers un non-financement de nos activités de la part de la CCI. Donc toutes les écoles consulaires ont fait ce choix en sachant que les subventions étatiques à l'égard des CCI étaient amenées à se réduire. Nous avons intégré cette contrainte. Mais ce modèle a été prévu pour qu'on puisse faire entrer des acteurs extérieurs dans le capital de la TBS. C'est quelque chose sur lequel nous allons travailler dans le futur. Pour autant, faut-il ouvrir totalement son capital à des investisseurs privés comme l'a fait l'EM Lyon ? Dans notre milieu éducatif, de nombreux fonds d'investissements chinois sont présents. Mais il faut être vigilant.

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