"J'ai payé au prix fort mon indépendance vis-à-vis des banques"

En janvier dernier, Eric Charpentier le fondateur de Morning était débarqué de sa propre société. Aujourd'hui, l'entrepreneur espère lever 15 à 20 millions d'euros pour un nouveau projet de néobanque baptisé Hush. Dans une interview à La Tribune, il revient sur son parcours et le devenir des fintech en France.
Éric Charpentier se lance dans un nouveau projet de néobanque.

Il y a dix mois, vous avez été écarté de la néobanque Morning que vous avez fondé en 2013 et qui a été reprise par Edel une banque du groupe E.Leclerc et la Maif. Vos divergences avec la Maif ont été très médiatisées, cette dernière remettant en cause votre management. Avez-vous des regrets par rapport à l'expérience Morning ?

Pas de regrets non. Morning c'était la première étape, il a fallu faire beaucoup de bruit, se différencier pour se faire une place et être légitime dans le secteur des fintech. Après, j'ai payé au prix fort mon indépendance vis-à-vis des banques. Simplement dire "on peut faire sans vous", c'était déjà trop pour certains acteurs bancaires. La difficulté que nous avons eu aussi chez Morning est de devoir courir deux cibles à la fois : les particuliers (B2C) et les professionnels (B2B). Assurer la mise en oeuvre technique et la commercialisation des deux solutions en parallèle a été très compliqué. Aujourd'hui, je ne suis plus dans cette course contre la montre, je suis plus serein. Je veux prendre le temps de lancer une néobanque très proche de ses utilisateurs.

Vous avez lancé cette semaine une levée de fonds pour votre nouveau projet de néobanque baptisé Hush. Elle permettra notamment de convertir des cryptomonnaies (par ex le Bitcoin) en euros. C'est une manière de surfer sur l'essor de ces monnaies virtuelles ?

Surfer non, ce n'est pas l'idée mais il est vrai que les cryptomonnaies commencent à intéresser les États et le Fonds Monétaire International. Il existe déjà des cartes prépayées pour les monnaies virtuelles mais nous voulons sortir les cryptomonnaies d'un cercle fermé d'utilisateurs et avoir une démarche pédagogique auprès d'un plus large public.

Nous voulons fédérer une communauté active autour de notre projet. Nous avons initié avec les premiers inscrits sur Hush des questionnaires pour connaître leurs attentes. Leurs réponses sont à l'opposé de ce qui est proposé actuellement : l'important pour eux n'est pas de pouvoir ouvrir un compte en banque en 8 minutes mais de participer à un projet collaboratif. Nous allons créer un forum début 2018 où les utilisateurs pourront développer eux-mêmes pour Hush une proposition à intégrer dans la néobanque. En participant à la levée de fonds, ils auront également un droit de vote sur les décisions de l'entreprise. L'idée est de proposer un modèle indépendant des banques avec un partage équitable des revenus. On ne recherche pas de grands volumes d'utilisateurs, les gens viendront chercher chez nous cette banque avec du caractère, cette impertinence qui fait la différence.

Vous espérez récolter 15 à 20 millions d'euros via une levée de fonds en monnaie virtuelle (ICO : Initial coin offering). Ce mode de financement est surtout utilisé pour financer des projets liés à la blockchain et aux cryptomonnaies. C'était trop compliqué de convaincre les investisseurs par la voie classique ?

Après mon départ de Morning, j'ai été contacté par des acteurs traditionnels donc je pense que j'aurais pu réaliser une levée de fonds par la voie classique. Mais il est vrai que sans les ICO, il est difficile de lever des sommes aussi conséquentes sur des projets qui arrivent aussi tôt. Cette démarche s'inscrit surtout dans une logique participative.

Les néobanques ont petit à petit été rachetées par les grandes banques à l'image du Compte Nickel racheté par BNP Paribas. Morning a fait entrer dans son capital la banque du groupe E.Leclerc. Quel regard portez-vous sur cette évolution ?

Il n'y a plus de néobanque indépendante en France, c'est un énorme gâchis. Il y avait eu sur ce modèle : Morning et le Compte Nickel. Pour les deux, c'est la fin d'une certaine manière. On peut regretter cette absence d'offres disruptives et différentes. Et puis, ce ne sont plus des startups mais des filiales de banques. C'est un énorme gâchis car la promesse était belle...

Hush, le nouveau projet de néobanque d'Éric Charpentier

La néobanque Hush proposera un compte courant, une carte de paiement ainsi qu'un portefeuille en cryptomonnaies (Bitcoin, Ether, Dash...). Il sera possible de convertir ces cybermonnaies. L'offre sera payante avec des frais annuels d'environ 100 euros.

Lire aussi : Le fondateur de Morning espère lever 15 millions d'euros en ICO pour sa néobanque Hush

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