Privatisation de l'aéroport de Toulouse, la décision de l'État se fait attendre

Annoncée "imminente" par l'État lundi, la décision officielle du nouveau concessionnaire de l'aéroport de Toulouse-Blagnac se fait attendre. Les salariés de l'aéroport n'ont aucune nouvelle et les représentants des collectivités locales respectent un principe de confidentialité. Pourtant, plusieurs élus s'expriment sur la privatisation en évoquant la candidature chinoise comme si elle était déjà choisie. Un article de Médiapart paru ce vendredi jette le discrédit sur cette candidature.
©photo Rémi Benoit

Que se passe-t-il depuis lundi ? Le 24 novembre, les salariés de l'aéroport Toulouse-Blagnac ont été informés, via une vidéo enregistrée par le président du directoire Jean-Michel Vernhes, que le futur actionnaire avait été choisi et que l'annonce serait faite "très prochainement". Le même jour, l'État a confirmé que la communication officielle du nom du vainqueur de l'appel d'offres était imminente".

Depuis, silence radio. "Il est possible que l'État communique ce vendredi soir ou demain samedi, pour éviter une médiatisation trop importante" suggère un proche du dossier. "Nous n'avons aucune nouvelle depuis lundi" affirme un salarié de l'aéroport, avouant que dans les bureaux circulent depuis quelques jours des photos de l'aéroport avec "Aéroport Toulouse Blagnac" écrit... en caractères chinois.

Les Chinois donnés vainqueurs

Le manque d'informations officielles a laissé la place aux déclarations de plusieurs élus locaux pour qui le choix "chinois" semble acquis. Pour rappel, quatre propositions sont en lice : le consortium sino-canadien (SNC-Lavalin, Friedmann Pacific Investment), Vinci, Aéroport de Paris et le fonds Cube de Natixis.

Ce vendredi matin, le président du Ceser Jean-Louis Chauzy a affirmé dans un communiqué : "La décision que constitue le risque de cession de la concession à un groupe étranger quel qu'il soit fragilise, sur le long terme, le premier levier de développement et de croissance de Toulouse et sa région". Plus loin, Jean-Louis Chauzy indique que "pour sortir du piège, l'État doit stopper la procédure ou confier la gestion à un opérateur français en partenariat avec les collectivités et des banques mutualistes régionales. Sinon, l'État et les collectivités doivent associer les Chinois au financement des contrats de plan État-Région-Métropole !"

Jeudi, ce sont les élus régionaux EE-LV qui se sont alarmés : "Les ambitions du promoteur chinois concernant l'aéroport toulousain sont inquiétantes : son objectif affiché de passer de 7,5 à 18 millions de passagers par an auront des conséquences plus que néfastes pour les riverain(es) : nuisances sonores aggravées, santé publique bradée pour des retombées économiques locales plus que limitées."

Cette focalisation sur l'offre chinoise est en partie due à la presse locale et nationale, qui a révélé il y a plusieurs jours que l'offre du consortium sino-canadien était la plus offrante (aux alentours de 300 M€). Mais de son côté le porte-parole du consortium ne confirme pas la victoire.

Quel que soit le moment choisi par l'État pour communiquer, le nom qui sera révélé ne sera pas totalement définitif. Ce sera le "favori", mais son offre devra encore être soumise aux instances représentatives du personnel de l'aéroport. Le choix ferme et définitif sera annoncé quant à lui "avant Noël" comme l'a précisé Emmanuel Macron.

L'article qui met le feu aux poudres

Dans l'attente de l'annonce du futur concessionnaire, Médiapart a publié ce vendredi un article révélant que la procédure normale d'appel d'offres n'a pas été respectée. Évoquant une "affaire d'État", le journal met directement en cause le ministre de l'Économie Emmanuel Macron, qui aurait favorisé l'offre sino-canadienne portée par SNC-Lavalin, alors même que la société canadienne a été condamnée en 2013 par la Banque mondiale pour "corruption".

Le président de Toulouse Métropole Jean-Luc Moudenc affirme : "je préfère me fier à la réalité des dossiers plutôt qu'à la presse à sensation". L'élu se dit "dubitatif sur l'attaque contre Emmanuel Macron".

En revanche, selon Jean-Louis Chauzy, le président du Ceser, la radiation pour 10 ans de SNC-Lavalin par la Banque mondiale en 2013 pour corruption "doit être prise en compte dans l'appréciation de l'APE et de l'État". "Il est inconcevable de vendre dans ces conditions. Il faut un délai supplémentaire pour étudier les offres, insiste-t-il. La Banque Occitane et le Crédit Agricole sont disponibles pour d'augmenter les participations locales."

Enfin, "dans sa volonté de vendre à tout prix des biens rentables, l'État se précipite sur le mieux payant sans prendre en compte l'éthique et la nécessité de garder cette infrastructure dans le giron public, déplore François Simon, Vice-président EE-LV au Conseil régional. Mettre la pression sur les salaires, vendre les infrastructures, cela ressemble à ce que fait la Troïka en Grèce. C'est une politique d'ajustement qui ne dit pas son nom." Et l'élu régional de dénoncer "le silence un peu honteux des collectivités" et la position de la Mairie "pour qui l'argent n'a pas d'odeur". "Il y a deux échappatoires : soit l'État renonce à vendre, soit il fait un nouveau tour de table pour redistribuer ses parts aux collectivités."

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