L'État vend 49,9% de l'aéroport de Toulouse Blagnac à des Chinois

Le gouvernement a annoncé jeudi 4 décembre dans la soirée son intention de vendre 49,9% des 60% que possède l'État dans le capital de Toulouse-Blagnac à un consortium chinois pour 308 millions d'euros.
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L'aéroport de Toulouse va passer aux mains d'investisseurs chinois. Le gouvernement a annoncé ce jeudi dans la soirée son intention de vendre 49,9% des 60% que possède l'État dans le capital de Toulouse-Blagnac à un consortium chinois, composé de deux acteurs non aéroportuaires (Shandong Hi-Speed Group et le FPAM Group). Souvent cités, le groupe canadien SNC Lavalin, qui gère 16 petits aéroports français, et l'aéroport chinois de Shenzen apporteront leur expertise sans mettre un centime dans l'opération. Le consortium chinois va verser 308 millions d'euros pour l'achat de cette participation.

Privatisation ou pas?

Bercy a précisé aussi n'avoir aucune intention de céder les 10,01% qui lui resteront une fois que la cession. Une déclaration surprenante. Car initialement c'est bien de la vente des 60% des parts de l'État dont il était question. Elle devait se faire en deux temps. D'abord, par la cession de 49,9% de ses parts, puis par l'exercice d'un put sur le solde au bout de trois ans, à son initiative, en faveur du même acheteur et aux mêmes conditions. Dans un entretien à la Dépêche du Midi, le ministre de l'Économie, Emmanuel Macron, a insisté sur ce point en précisant "qu'il ne s'agit pas d'une privatisation mais bien d'une ouverture de capital dans laquelle les collectivités locales et l'État restent majoritaires avec 50,01% du capital". À suivre dans trois ans. Aujourd'hui, les collectivités locales détiennent les 40% restants (la CCI de Toulouse détient 25% du capital de Toulouse-Blagnac. La région Midi-Pyrénées, le département de Haute-Garonne et la communauté urbaine de Toulouse Métropole détiennent chacune 5% du capital).

Quel rôle pour SNC Lavalin?
Comme l'entreprise sera publique au moins pendant trois ans, plusieurs sources au sein des groupes éconduits s'interrogent sur le rôle que jouera SNC Lavalin. S'il devait avoir un rôle opérationnel, selon des avocats, cette position ne serait pas conforme à "l'ordonnance 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics". Cette ordonnance oblige une entreprise publique à procéder à un appel d'offres pour choisir ses sous-traitants. "Il n'y en a pas besoin, rétorque un autre proche du dossier. Il y a une équipe en place. L'opération ne concerne que l'actionnariat, pas l'opérationnel".

Le consortium chinois a donc été préféré aux deux spécialistes aéroportuaires français, Aéroports de Paris, en partenariat avec Predica (Credit Agricole) et Vinci, associé à la Caisse des Dépôts et EDF Invest. Le fonds d'investissement Cube était également candidat.

Le consortium retenu, baptisé Symbiose, "présente un projet de développement ambitieux pour l'aéroport de Toulouse-Blagnac, s'appuyant sur le dynamisme et l'attractivité de la région toulousaine" et "son offre table sur une augmentation de l'emploi liée à la progression du trafic de l'aéroport", assure ainsi Bercy dans un communiqué. Les investisseurs chinois tablent sur un trafic de 18 millions de passagers en 2030 contre 7,5 millions en 2013.

Polémique
Ce choix suscite la polémique. Car si ce dossier divise les tenants et les opposants à la privatisation des aéroports (les premiers mettant en avant leur rôle stratégique dans le développement des territoires), il oppose aussi les partisans d'une privatisation entre eux. Parmi ces derniers en effet, certains déplorent une vente à un investisseur étranger sans expérience aéroportuaire alors que la France possède deux acteurs de poids dans ce domaine. D'autres regrettent également le choix d'un projet industriel jugé par ses rivaux "peu crédible" et qui, par ailleurs, dérange Air France. À ces arguments, les partisans des Chinois mettent en avant un dossier ambitieux que seul le consortium chinois est en mesure de mener à bien.

L'offre chinoise a été la mieux-disante sur le plan financier. "Un prix en rapport avec notre projet", dit-on du côté chinois, qui réfute l'idée d'avoir surpayé l'aéroport toulousain.

Un hub dans le sud-ouest?

Le consortium chinois assure pouvoir convaincre des compagnies aériennes chinoises d'ouvrir des vols entre la Chine (notamment Shenzen) et Toulouse. Une offre attractive qui permettrait d'attirer de nouvelles lignes, à la fois court et long-courrier et donc de créer in fine un nouveau hub dans le Sud-Ouest de la France. Pour autant, ce projet comporte son lot d'incertitudes puisqu'il suppose que le consortium parvienne à convaincre les compagnies chinoises de desservir Toulouse. Ce qui est loin d'être évident. D'autant plus que deux des plus grosses compagnies chinoises China Eastern, et China Southern sont partenaires d'Air France sur les vols entre la Chine et Paris. Et disposent déjà à Roissy d'une offre de vols en correspondance très étoffée. Ce projet suppose aussi une ouverture des droits de trafic.

Fabrice Gliszczynski, laTribune.fr

© photo Rémi Benoit

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