EADS perd le méga-contrat des ravitailleurs américains. Les réactions en Midi-Pyrénées

Le Pentagone a attribué à Boeing le méga-contrat évalué à plus de 30 milliards de dollars, portant sur 179 appareils ravitailleurs pour l'Armée de l'air américaine. EADS est donc battu à l'issue d'un feuilleton politico-écono-juridique long d'une dizaine d'années. En Midi-Pyrénées, les réactions n'ont pas tardé.« Déçu et perplexe. » Louis Gallois, président exécutif d'EADS, a livré son ressenti ce vendredi matin après la décision du Pentagone. L'avionneur européen encaisse là un revers.

Le Pentagone a attribué à Boeing le méga-contrat évalué à plus de 30 milliards de dollars, portant sur 179 appareils ravitailleurs pour l'Armée de l'air américaine. EADS est donc battu à l'issue d'un feuilleton politico-écono-juridique long d'une dizaine d'années. En Midi-Pyrénées, les réactions n'ont pas tardé.

« Déçu et perplexe. » Louis Gallois, président exécutif d'EADS, a livré son ressenti ce vendredi matin après la décision du Pentagone. L'avionneur européen encaisse là un revers. Son dossier avait pourtant du poids avec la version militaire de son A330, appareil déjà en activité. EADS, désigné favori par de nombreux analystes, avait annoncé la création de 48.000 emplois sur le territoire américain pour assurer en Alabama l'assemblage de l'appareil et revu ses prix à la baisse. Il s'agissait selon EADS « du seul véritable avion-ravitailleur déjà en activité ».

Boeing avançait lui un modèle qui n'a encore jamais volé, dérivé du B767, annoncé plus petit et moins gourmand en carburant que l'Airbus. L'avionneur américain estime que ce programme soutiendra 50 000 emplois, essentiellement dans ses usines de Seattle. Il a remporté la compétition « haut la main » selon le secrétaire adjoint à la Défense, assurant que la commande avait été attribuée au terme d'un processus de sélection « équitable, ouvert et transparent ». Le Pentagone a estimé que malgré l'offre financièrement agressive d'EADS, le coût d'exploitation des Boeing serait moindre. S'estimant « déçu et inquiet », EADS a souligné qu'il ne s'agissait que « d'une opportunité parmi beaucoup d'autres ».

"L'illusion d'une compétition"

Député UMP du Tarn et président de la fondation d'entreprise Prometheus (qui vise à encourager les secteurs économiques stratégiques français), Alain Carayon estimait il y a quelques jours qu'EADS allait « concourir pour l'honneur ». Ce vendredi, il a jugé que « l'échec d'EADS n'est pas celui d'une entreprise mais celui de l'Europe : EADS n'a pas lutté contre Boeing mais contre un État tout entier mobilisé pour gagner, au prix de méthodes ingénieuses et parfois inqualifiables. Trois leçons doivent en être tirées. Diplomatique : l'Amérique n'a pas d'amis quand elle défend ses intérêts nationaux. Commerciale : l'Amérique ne respecte jamais les règles du marché quand celui-ci ne lui garantit pas le succès. Politique : l'Europe des succès industriels majeurs n'existera que lorsqu'elle se débarrassera de ses dogmes économiques libéraux et se dotera de nouveaux outils institutionnels, juridiques et commerciaux adaptés au monde moderne. En clair : d'une vraie politique industrielle commune. »

« La décision du Gouvernement américain doit pour le moins interroger les autorités françaises et européennes, estime de son côté le président de Région Martin Malvy. Paris et Bruxelles doivent exiger la transparence. Airbus était favori, y compris aux Etats-Unis, pour l'attribution de ce contrat. Je suis, pour ma part, au-delà de la simple perplexité. Quant on voit tous les jours comment s'organise la compétition mondiale, il faut arrêter de nous parler de « la concurrence libre et non faussée ». Les Etats Unis protègent leur industrie. La Chine refuse de mettre son taux de change en discussion. Pendant ce temps, la France perd ses emplois industriels. Près de 20% au cours de la décennie qui vient de s'achever. 9% entre 2008 et 2010. Si l'annonce américaine ne décide pas la France et l'Europe à changer de politique économique, c'est à désespérer de l'avenir. »

Pour Bernard Keller, maire de Blagnac et vice-président du Grand Toulouse en charge du développement économique et de l'emploi, « Boeing, comme on pouvait s'y attendre, remporte le marché des avions ravitailleurs américains. Le Pentagone a su entretenir l'illusion d'une véritable compétition avec Airbus qui avait finalement accepté de répondre, pour la troisième fois depuis 2003, à l'appel d'offres américain. Sans discuter les attendus techniques qui font préférer le Boeing 767 à l'A330, avion plus récent et dont la version « tanker » existe déjà, il apparaît simplement que la « préférence américaine » a joué pleinement : « Buy american ! Les recours répétés, pour concurrence déloyale, de Boeing contre Airbus auprès de l'OMC devraient s'en trouver fragilisés. L'Europe, notamment les pays partenaires d'Airbus, seront confortés dans le soutien qu'ils portent à leur industrie aéronautique et à ses nombreux emplois induits, tout particulièrement à Toulouse. »

Faire appel, une stratégie risquée

Cette décision met un terme, au moins provisoirement, à une bataille qui se poursuit depuis dix ans. Pour mémoire, un premier appel d'offre sur 100 avions ravitailleurs avait été lancé en 2001 puis remporté en 2003 par Boeing. C'est là que survient le premier couac : des accusations de corruption d'un membre du département de la Défense américain débouchent sur l'annulation du contrat par le Congrès et une amende de 615 millions de dollars pour l'industriel. Le 2e appel d'offres est relancé en 2007. Le Pentagone annonce quelques mois plus tard vouloir cette fois commander 179 appareils Airbus. Mais Boeing conteste cette décision et pointe des irrégularités dans la procédure. L'administration lui donnera raison. Le troisième appel d'offre sera sur la même ligne : EADS, allié à Northrop Grumman, jettera dans un premier temps l'éponge, dénonçant une compétition « biaisée » par le protectionnisme américain. L'Européen reviendra finalement dans le jeu quelques mois plus tard, seul cette fois mais en s'étant attiré l'appui de plusieurs industriels basés aux États-Unis.

Airbus a maintenant dix jours pour dire s'il souhaite faire appel. Le dossier n'est plus à un rebondissement près... Louis Gallois a annoncé qu'il se donnait du temps, un debriefing étant prévu lundi. L'avionneur va-t-il s'y risquer ? Pas sûr : il a tout intérêt à rester dans les petits papiers de l'US Air Force. Ce contrat n'est que le premier, le Pentagone prévoyant de lancer d'autres appels d'offre afin de remplacer un matériel vieillissant. Le Secrétaire à l'Armée de l'air a déjà prévenu qu'il espérait que « les deux parties respecteront cette décision et permettront à cette importante acquisition d'avancer sans obstacle ». Difficile de faire plus clair !

Mikaël Lozano


En photo : L'avion ravitailleur A330-MRTT (© Airbus Military)

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