Comment CLS utilise le big data pour surveiller la pêche illégale depuis Toulouse

Avec l'explosion du big data, la société toulousaine CLS peut utiliser les données fournies par les satellites pour aider les autorités maritimes à repérer les bateaux qui pêchent illégalement.
Grâce aux algorithmes, CLS peut déduire la méthode de pêche et la quantité de poissons capturés.

Dans la salle de contrôle de CLS à Ramonville, des milliers de points rouges apparaissent sur une carte du globe. Chacun d'entre eux représente la position d'un bateau. "Les satellites nous envoient 20 000 positions de bateaux par seconde", indique Philippe Gaspar. Responsable innovation dans le département "Gestion durable des pêches" au sein de l'entreprise de services satellitaires, l'ingénieur y chapeaute des projets de fouille de données (data mining). "Le Graal serait de suivre en temps réel tous les bateaux sur la surface du globe pour arriver à caractériser de manière aussi fine que possible la capture du poisson à l'échelle mondiale", avance-t-il.

CLS PECHE

Salle de contrôle de CLS (Crédit : CLS).

La technologie ne permet pas encore d'atteindre ce niveau de précision. Malgré tout, la mise en place depuis quelques années d'un système d'échanges automatisés de messages entre navires via leur radio (appelé AIS) permet aux autorités d'obtenir la position des bateaux toutes les heures.  "Il s'agit à l'origine d'un système pour éviter les collisions. Mais des ingénieurs ont eu l'idée de l'utiliser pour surveiller la pêche. Des satellites à basse altitude permettent de capter les messages en bateaux au large", détaille Philippe Gaspar. D'autant que le système AIS donne non seulement la position du bateau mais aussi son numéro d'identification unique qui permet de savoir de quel type de navire il s'agit.

 Des algorithmes pour détecter la pêche illégale

Les ingénieurs toulousains vont plus loin désormais : ils sont en train de développer des algorithmes qui permettent, en observant les trajectoires des bateaux, d'en déduire la méthode de pêche et la quantité de poissons capturés.

"Globalement, le volume de pêche est proportionnel au temps d'arrêt du bateau. Imaginons une pêche miraculeuse : si un bateau qui pêche à la senne (autrement dit en encerclant les poissons avec des filets, NDLR) s'arrête quatre heures, il peut théoriquement avoir capturé pendant ce laps de temps 100 tonnes de thon", explique ainsi Philippe Gaspar.

La société a utilisé cette méthode d'observation des trajectoires avec le gouvernement indonésien pour contrôler automatiquement les licences des bateaux. "Dans ce pays, la licence pour la pêche à la senne coûtait beaucoup moins cher que pour les autres méthodes de capture des poissons. Du coup, beaucoup de bateaux demandaient cette licence alors qu'en fait ils pêchaient avec un autre type de bateau de manière totalement illégale", détaille-t-il.

La véracité des données essentielle pour la crédibilité du big data

Le big data permet donc de réaliser un saut technologique dans la surveillance de la pêche illégale. Néanmoins, les résultats sont à prendre avec beaucoup de précaution. Certains facteurs non pris en compte dans les algorithmes peuvent totalement en fausser l'analyse.

"Dans l'exemple de la pêche miraculeuse, on s'est aperçus en réalité que le bateau s'était arrêté 4 heures car il avait eu un problème de moteur, il n'a jamais pêché les 100 tonnes estimés par l'algorithme. De même certains équipages sont plus adroits que d'autres à transférer les poissons du filet à la cale du navire. Un équipage peut prendre une heure à réaliser la manoeuvre et un autre seulement trois quarts d'heure", note Philippe Gaspar.

Le responsable de CLS a également démontré dans une étude les données totalement erronées mises en ligne par Global fishing watch, une plateforme lancée en 2016 par Google et censée repérer les bateaux pratiquant la surpêche à travers le monde entier.

" Global fishing watch a conclu que le détroit de Gilbraltar et les rivages de la Manche sont les lieux où l'on pratique le plus la surpêche. C'est très surprenant au vu des pratiques par exemple en Indonésie. Malgré ces biais très importants, Google a publié sans vergogne cet atlas de la surpêche".

Pour lui, l'arrivée massive de données ne doit pas mener à négliger la compréhension et la modélisation des données. "La véracité est essentielle sinon le big data pourrait rapidement perdre toute crédibilité".

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