Ce scientifique toulousain veut mettre des fils d'argent sur les avions

Chercheur au Cirimat, Antoine Lonjon a mis au point en 2008 des plastiques qui conduisent l'électricité grâce à des fils d'argent. Depuis lors, ce scientifique toulousain développe des applications industrielles à sa découverte. Ses polymères conducteurs pourraient notamment être utilisés dans l'aéronautique et l'aérospatiale.
Antoine Lonjon, chercheur au Cirimat

Fabriquer un plastique capable de conduire l'électricité, l'idée fait rêver les scientifiques depuis la moitié du 20e siècle. Les applications potentielles d'un tel matériau sont en effet considérables pour des secteurs où la légèreté et la conductivité électrique sont capitales, comme l'aéronautique et le spatial par exemple.

Malheureusement, "les résultats ont toujours été limités", explique Antoine Lonjon, chercheur au Centre inter-universitaire de recherche et d'ingénierie des Matériaux (Cirimat), à Toulouse, car les fines billes de métal ajoutées jusque-là aux polymères rendent les matériaux plus lourds, moins souples et moins résistants aux chocs". En un mot, inutiles pour l'industrie.

Aujourd'hui maître de conférences à l'université Toulouse III - Paul Sabatier, Antoine Lonjon s'est attelé à ce défi depuis son doctorat (2007-2010). Son intuition : remplacer les billes métalliques par de petits fils. Une modification qui permet de faire passer le courant "avec une quantité de métal sept fois inférieure", assure le chercheur de 39 ans.

Antoine Lonjon

Antoine Lonjon présente une image des fils d'argents utilisé dans les polymères. © photo Rémi Benoit.

Métal utilisé, taille des fils, le chercheur mène de nombreux essais. "Si les fils étaient trop longs et fins, ils se cassaient. Trop courts, ils conduisaient mal l'électricité, raconte Antoine Lonjon. Nous avons finalement choisi l'argent car il résiste à l'oxydation, est relativement léger et surtout, moins cher que l'or ou le platine." Finalement, le polymère conducteur conçu par Antoine Lonjon est chargé de fils d'argent microscopiques dont la longueur ne dépasse pas le rayon d'un cheveu, tout en étant 250 fois moins épais. Il est breveté en 2008.

Réussir la production industrielle

Le deuxième défi - et non des moindres - du chercheur consiste à présent à mettre au point un procédé de fabrication industrielle. "Nous avons montré que nous pouvions en produire de petites quantités dans notre laboratoire, mais il nous en fallait plus pour réaliser des essais pour différents donneurs d'ordre industriels", explique le chercheur. En 2012, un projet de recherche a été mené avec la PME ariégeoise Marion Technologie. "Ils avaient les capacités, nous avons amené le mode d'emploi pour qu'ils puissent produire des fils à l'échelle industrielle", résume Antoine Lonjon. Depuis, des nouveaux travaux applicatifs entrepris par le Cirimat ont été protégés par brevet en 2014.

Partenaire historique d'Airbus, le laboratoire mène des essais avec l'avionneur européen, notamment sur des revêtements conducteurs.

"Les équipements électroniques embarqués ont besoin d'être protégés des ondes électromagnétiques par des boîtiers conducteurs. Au lieu d'utiliser comme à l'ordinaire des boîtiers métalliques assez lourds, on peut recouvrir des boîtiers en matériau composite renforcés par des fibres de carbone, avec une peinture incorporant des fils d'argent, ce qui constituera une sorte de blindage très léger", explique le chercheur.

Pour les avionneurs, l'enjeu est majeur. L'A350, par exemple, est fabriqué pour moitié à partir de matériaux composites, plus légers, mais non conducteurs. Pour que les avions résistent à la foudre, il faut les recouvrir d'un grillage métallique et donc, les alourdir. Problème que pourrait résoudre les polymères conducteurs.

La problématique est la même dans le spatial où "l'on estime qu'un kilo en moins dans un satellite permet d'économiser 30 000 euros au moment de son lancement", selon Antoine Lonjon.

Les découvertes du Cirimat pourraient également intéresser d'autres secteurs, identifiés en 2015 par Toulouse Tech Transfer. Chargé de la valorisation des résultats du laboratoire, TTT réalise actuellement des démonstrateurs pour différentes applications, comme des colles conductrices pour l'électronique.

"Certains composants ne peuvent pas être soudés car ils ne résistent pas suffisamment à la chaleur. Il faut les coller en utilisant des colles conductrices, mais jusqu'à présent ces colles conductrices cassaient souvent et fragilisaient les circuits imprimés", expose Antoine Lonjon.

Les polymères conducteurs pourraient aussi "faire sauter un verrou technologique pour concevoir des écrans tactiles souples par exemple" ou pour concevoir des capteurs souples, des textiles spéciaux, ou encore des revêtements spéciaux.

"De nombreux industriels pourraient intéressés, mais peu connaissent nos recherches, conclue le chercheur toulousain. Les polymères conducteurs sont une nouvelle classe de matériaux qui ouvrent de nouveaux champs d'applications. Il faut laisser le temps aux industriels de trouver comment les utiliser."

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