Open innovation : vif débat entre startups et grands groupes à Toulouse

En France l'open innovation s'accélère depuis 3 ans. Mais les projets R&D issus des collaborations entre startups et grands groupes ne se transforment pas forcément en réussites "business". Qui de la startup ou du grand groupe a le plus besoin de l'autre ? À Toulouse, le débat sur la question est vif : récit de la table ronde "grands groupes et startups, comment éviter le divorce".
Plus de 200 personnes ont participé à cette table ronde.

"Cela fait trois ans que l'on voit des responsables Open Innovation dans les grandes entreprises. Mais difficile de transformer les collaborations avec les startups en réalité économique et matérielle. Je connais peu d'exemple d'open innovation qui se sont transformées en business".

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Jérôme Introvigne créateur de Skiller et FrenchWork (Crédit : Rémi Benoit).

Jérôme Introvigne rentre dans le vif du sujet. Hier soir, lors d'une table ronde "Grands groupes et startups, comment éviter le divorce", organisée par La Tribune Toulouse, ce startupper toulousain (Skiller, FrenchWork) s'est montré sceptique sur les vertus de l'open innovation. Comment transformer des collaborations R&D en véritables opportunités de marché ? La réponse n'a pas encore été trouvée.

Un retour sur investissement aléatoire ?

Pour Déborah Parès, cheffe de projet Open Innovation chez Telegrafik (qui a développé avec BNP Paribas Cardif un service d'assistance aux personnes âgées), l'open innovation a servi dans un premier temps à nouer des contacts, créer et tester des services, s'améliorer sur la gestion de projet, mais "rien n'a été encore industrialisé".

"Il faut que ce soit plus rapide. Par ailleurs, la startup ne doit pas dépendre d'un seul grand groupe. Souvent l'open innovation est un 'one shot' qui ne débouche pas forcément sur du business. Il faut que la startup continue par ailleurs à se commercialiser par elle-même, qu'elle continue à avancer ".

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Déborah Parès, cheffe de projet Open Innovation chez Telegrafik (Crédit : Rémi Benoit).

Pour Cédric Giorgi, director of special projects chez Sigfox, un élément primordial de la collaboration est tout simplement d'avoir le bon interlocuteur : "Si vous parlez au directeur Innovation du grand groupe, vous avez perdu. Vous allez rentrer dans des projets de co-innovation et rien ne va sortir. Il faut parler au directeur métier. Il faut vendre, faire des partenariats business. Il ne faut pas oublier que les grands groupes veulent acheter des technos ou des startups et ils ont une vision de long terme. Leur but n'est pas d'avoir une petite appli en plus, mais de devenir les leaders de demain."

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Cédric Giorgi, director of special projects chez Sigfox (Crédit : Rémi Benoit).

La difficulté du passage entre "projet R&D" et "business", Émilie Lidome, directrice de participations chez CM-CIC Capital Innovation, la constate régulièrement : "Les cas d'échec dans l'open innovation se voient au moment de la contractualisation, de la vente du projet collaboratif. C'est le moment où les résultats de la R&D peuvent être exploités. La période pour transformer l'échange en réel contrat est la plus longue, la plus complexe. Nous sommes là pour financer ce passage".

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Émilie Lidome, directrice de participations chez CM-CIC Capital Innovation (Crédit : Rémi Benoit).

 Faciliter la relation

Côté grand groupe, pas facile de s'y retrouver non plus. Chez la SNCF, qui développe l'open innovation dans les secteurs de l'IoT et du big data (surtout pour la maintenance de ses infrastructures), "il ne faut pas forcément attendre un retour sur investissement rapide et quantifiable." Selon Romain Lalanne, responsable Open Innovation du groupe, "quand on travaille avec une startup, on prend un risque". La SNCF a ainsi instauré plusieurs éléments de méthodologie pour travailler avec de jeunes entreprises innovantes.

"D'abord, c'est le grand groupe qui dit quels sont ses besoins. C'est très important de border le sujet pour mieux sélectionner les startups avec qui l'on va travailler. C'est du 'reverse speech' : ce n'est pas la startup qui pitch, c'est le grand groupe".

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Romain Lalanne, responsable Open Innovation du groupe (Crédit : Rémi Benoit).

Par ailleurs, afin de gagner du temps sur la contractualisation entre les deux parties, la SNCF a mis en place un 'kit de contractualisation': "En temps normal le contrat qui lie les deux parties est compliqué et prend du temps, avec des documents de plusieurs dizaines de pages...Ce n'est pas adapté à l'accélération et l'agilité recherchées. Nous avons mis en place un procédé qui fait le compromis entre sécurisation juridique et agilité."

La SNCF a également mis en place un fonds d'investissement destiné à prendre des participations dans les startups pour les industrialiser, et un accélérateur - le 574- présent "là où se trouvent les écosystèmes innovants", à savoir à Nantes, Lyon, Saint-Denis et Labège (IoT Valley).

Qui a besoin de qui ?

Quel est le rapport de force entre startups et grands groupes ?

"Aujourd'hui, les gens préfèrent travailler chez Sigfox que chez EDF ou la SNCF. Les jeunes ne rêvent plus de grands groupes, il faut que ceux-ci s'en rendent compte et fassent preuve d'humilité",assure Jérôme Introvigne (qui a auparavant travaillé dans une grande entreprise, Poult).

Alors que les grands groupes ont tendance à exprimer leurs besoins puis à sélectionner des startups pour répondre à ces besoins, Jérôme Introvigne s'insurge : "Les grands groupes définissent les thématiques sur lesquels ils veulent des startups ! Mais ce ne sont pas eux qui décident ! D'ailleurs ce ne sont pas eux non plus qui financent la nouvelle économie ! Ce sont les champions de la nouvelle économie qui financent la nouvelle économie : Google, Apple, Tesla, etc. ! Ce ne sont pas les grands groupes, qui veulent juste le pognon des startups, et leurs experts !"

Une déclaration qui n'a pas manqué de faire réagir Gilles Capy, délégué régional Occitanie pour EDF :

"Tout d'abord je vais essayer de ne pas complètement déprimer ! Certes je ne fais pas partie de la nouvelle économie, mais ma petite expérience sur le terrain me dit que je suis assez bien placé pour repérer les petites pousses innovantes à qui l'on va proposer des coopérations. Des gens comme nous se frottent à gens comme vous pour imaginer le futur, c est cela que je cherche. Et si je peux aider à faire grandir ne serait-ce qu'une startup sur 10, je serai content".

Gilles Capy, délégué régional Occitanie pour EDF (Crédit : Rémi Benoit).

Mise au point également pour Romain Lalanne, de la SNCF :"On n'est pas là pour développer notre amour des startups afin de redorer l'image de l'entreprise, on est là car les startups ont besoin de cas d'usages industriels, et nous, nous avons besoin de technos nouvelles".

Pour apaiser le débat et en guise de conclusion, Cédric Giorgi a plaidé pour davantage de confiance : "il faut de la bienveillance du grand groupe vers la startup. Arrêter de penser 'et si la startup se plante, que vais-je devenir' ? Car la startup aussi se pose cette question. 'Si la branche du groupe avec laquelle je travaille est supprimée, que vais-je devenir ?' Arrêtons avec les 'et si ça ne marche pas', prenons des risques".

Les débats ont beaucoup fait réagir dans la salle et sur les réseaux sociaux. Le #startupper a été en trending topic sur Twitter toute la soirée.

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